Trente ans après Le Nom de la rose, Umberto Eco nous offre
le grand roman du XIXème siècle secret.
Comme Balzac, Eco a l'art des descriptions.
Un chapitre lui suffit à peine à présenter ses personnages,
poser son décor, y glisser ses indices.
Normal. Eco est sémioticien.
Cela en fait-il un auteur plus intellos?
Certainemant pas. C'est foisonnant, coloré, riche
et le fait de l'avoir lu , on se sent plus cultivé.
Editions GRASSET - 2011 - 555 pages
« Chers libraires, le dix-neuvième siècle regorge
d’événements
plus ou moins mystérieux : les Protocoles des sages
de Sion,
célèbre faux qui incita Hitler à mettre en place l’Holocauste,
l’affaire Dreyfus, mais aussi de nombreuses intrigues
impliquant les services secrets de plusieurs
nations,
des loges maçonniques, des conspirations jésuites,
ainsi que d’autres épisodes qui, s’ils n’étaient avérés,
inspireraient des feuilletons comme ceux d’il y a 150 ans.
Ce roman est un récit à épisodes, dont tous les personnages – protagoniste mis à part – ont réellement
existé, jusqu’au
grand-père du héros, auteur d’une mystérieuse missive
à l’abbé Barruel, lettre qui engendra l’antisémitisme moderne.
Le seul personnage de fiction du roman
(mais qui ne nous en rappelle pas moins de nombreuses personnes croisées au hasard de nos
rencontres)
devient ainsi l’auteur de diverses machinations et complots,
tandis qu’en toile de fond d’extraordinaires coups de théâtre
se succèdent : les caniveaux se remplissent de cadavres,
les bateaux explosent alors qu’un volcan entre en éruption,
des abbés sont poignardés, des notables portent
des barbes postiches, des satanistes hystériques célèbrent
des messes noires, etc.
L’ouvrage est illustré, à l’instar des feuilletons d’autrefois.
Ces images sont des documents d’époque,
et pourraient ainsi éveiller une certaine
nostalgie
chez le lecteur désireux de retrouver les livres de sa jeunesse.
Je m’adresse également à deux autres types de lecteurs.
D’abord à celui qui n’a aucune idée que ces événements
ont réellement eu lieu, qui ne connaît rien à la littérature
du dix-neuvième siècle et qui, donc, a pris Dan Brown
pour argent comptant et se délectera avec une satisfaction
sadique de ce qu’il pensera être une invention perverse,
ce qui vaut également pour le personnage principal,
que j’ai voulu le plus cynique et le plus exécrable
de toute l’histoire de la littérature.
Mais je m’adresse aussi à celui qui sait, ou du moins se doute,
que je relate des faits avérés et qui, peut-être,
se rendra compte que la sueur perle à son front,
lancera des regards inquiets par-dessus son épaule,
allumera toutes les lumières de son appartement,
et devinera qu’il n’est pas à l’abri et que tout cela pourrait arriver aujourd’hui aussi –
d’ailleurs, peut-être est-ce le cas
en ce moment même.
Et il pensera alors, comme je l’espère :
« Ils sont parmi nous… »
Umberto Eco
Umberto Eco, né
en 1932, médiéviste, sémioticien, philosophe,
critique littéraire et romancier, a connu un succès mondial
avec son roman " Le Nom de la rose " en 1980.
Président de l'Ecole supérieur des Etudes humanistes
à l'université de Bologne, il est l'auteur de romans
qui font date, parmi lesquels Le Pendule de Foucault,
Baudolino, La mystérieuse reine Loana, et de nombreux essais,
entre autres, L'œuvre ouverte, La guerre du faux,
Histoire de la laideur, Histoire de la beauté.