"Bernstein Vintage Ltd" est une entreprise américaine prospère qui collecte des affaires vintages pour les revendre dans le monde entier. Le Japon et la Roumanie sont deux pays phares pour la famille.
L'histoire de cette famille est racontée avec le "je" de Sinziana (Suzy Bernstein pour les USA). D'origine roumaine, elle a été chargée d'accueillir cette famille dans son pays : Dora et son mari Joseph (dit Joe)et leur fils Ben pour préparer leur futur collaboration avec la Roumanie. Ben la demande en mariage et elle part vivre aux USA. Elle va alors largement participer au développement des affaires de sa nouvelle famille.
Par chapitres alternés, en parallèle donc, est racontée par un narrateur neutre, l'histoire des Oxenberg, beaucoup moins heureuse de par le contexte politique. Pourtant tout semblait sourire à cette famille. Jacques, brillant obstétricien spécialisé et réputé pour les césariennes, avait pu acheter une belle Citroen Rosalie, dont le nom sonnait bien avec le prénom de son épouse, Roza. Deux beaux enfant sont nés de leur union : Golda et Lev. C'est donc bien une famille juive bourgeoise dans la Roumanie des années 1930,à Iasi, ville paisible. Seulement, le nazisme a pris le pouvoir et très vite les roumains prennent le pli hitlérien pour humilier les juifs et commencer à les harceler, les menacer.
Jacques espère passer au travers des menaces de par ses contacts avec les dignitaires roumains. Il a tellement accouché de femmes qu'il pense être immunisé contre tout excès politique à l'égard de sa famille.
C'est alors que l'auteur nous entraîne dans cette tragédie peu connue du pogrom de Iasi du 27 juin 1941 qui a tué plus de 13 000 juifs. Tout commence par une rafle dont n'échappe pas dans le roman les Oxenberg, puis pour les survivants le départ en train vers une autre ville roumaine, avec très peu de survivants.
Vous aurez sans doute compris qu'à un moment il y aura un croisement entre les deux histoires.
C'est tout l'art de Mihuleac de nous tenir en haleine. Comme je le disais l'humour aide à mieux accepter les descriptions qui sont parfois difficiles à supporter, sachant que par moments le lecteur n'est pas forcément en capacité d'aimer ces propos "décalés".
Toutefois, l'ensemble reste très cohérent et revivre ces moments historiques incluant la période "communiste" de Ceausescu, à travers l'histoire de Dora, permet de mieux connaître la vie en Roumanie au XXe siècle.
N'hésitez pas à lire ce livre à la fois historique mais surtout littéraire car il y a un réel travail d'écrivain pour aborder l'aventure des ces deux familles.
Bonne lecture,
Denis
Le roman policier peut être caractérisé par sa focalisation sur un délit grave, juridiquement répréhensible (ou qui devrait l'être). Son enjeu est, selon le cas, de savoir qui a commis ce délit et comment (roman à énigme), d'y mettre fin et/ou de triompher de celui qui le comment (roman noir), de l'éviter (roman à suspense).
Même si l'on considère roman policier et littérature comme deux ensembles séparés "a priori", on est saisi par la multiplicité des relations entre ces deux domaines,ne serait-ce que du point de vue des auteurs et des critiques.
L'île n'était pas en pleine mer, mais c'était tout comme. Seul le Détroit, apparemment facile à traverser à la nage, la séparait de la terre ferme, qui était en fait une grande île. Les vents balayaient toutes les vapeurs, fumée et impuretés de l'air, et même les bouffées noirâtres de l'usine pétrochimique. Ainsi l'île semblait très proche, presque au point de la toucher - mais c'était une illusion. (page 21)
Je trouvai le vieil homme si proche de la vitre qu'il semblait aspiré dans le bassin. Bouche bée, regard incrédule.
Un poisson-main, dit-il. Un poisson- main rouge. Ca ressemble encore moins à des nageoires que celles du poisson-grenouille d'hier.
(...) Regarde-moi ça, lan ça le vieil homme. On dirait qu'il est accoudé à une fenêtre.
C'était vrai. (page 21)
(300 pages pour cet "épisode")
8 janvier 1990 : réveil inhabituellement tôt pour ce vieil homme de 70 ans, Nyström, cultivateur retraité. Il n'a pa entendu la jument du voisin hennir comme elle le fait tout le temps. Et puis il voit que la fenêtre des voisins, les Lövgren est ouverte. Et il entend un cri qui est celui de Maria.Un carnage a eu lieu et il appelle aussitôt la police.
Kurt Wallander, 42 ans, est reveillé par le commissariat et part immédiatement sur les lieux. L'homme est mort, ensanglanté et mutilé de toutes parts tandis que sa femme vit encore, à moitié étranglée. Mais elle ne survit pas longtemps, lâchant un seul mot avant de mourir : "étranger".
Le nœud coulant n'est pas commun et la jument fournie en foin sans doute après le meurtre forment deux des énigmes à élucider, sans oublier que dans une Suède de plus en plus raciste, le mot "étranger" risque de créer un climat délétère quand les médias vont s'emparer de l'affaire.
Wallander commence l'enquête dans un contexte familial difficile pour lui : Mona, son épouse, l'a quitté et sa fille Linda s'est éloignée de lui ; quant à son père, âgé de 80 ans, il vit dans des conditions précaires chez lui, se négligeant et ne pensant qu'à peindre interminablement le même tableau.
L'on apprend très vite que ce Lövgren n'a pas eu une vie si sage qu'on pourrait le croire.
Sen Widen, son beau-frère déclare qu'il a trafiqué de la viande pendant la guerre avec les allemands, se constituant une petite fortune qu'il a fait fructifier sans en parler à son épouse puis à ses filles. Il a eu par ailleurs une aventure avec un femme qui lui a donné un fils sans le reconnaître officiellement.
Mankell a un art d'écrire avec sobriété, à partir de phrases courtes et percutantes. Il sait ménager le suspens et introduire les tracas personnels de Wallander au sein du récit, n'en faisant pas qu'un seul roman policier. On vit au cœur de l'enquête avec tous ses tours et détours pour le plus grand plaisir de lecture.
Bonne lecture,
Denis
Début de la préface de Henning Mankell à l'édition intégrale en trois tomes :
"Il y a de cela vingt et un ans, je revenais en Suède après une longue période africaine (...). Nous étions donc en 1989. De grands événements se préparaient dans le monde : la chute du mur de Berlin et la fin annoncée de l'apartheid en Afrique du Sud.
Mais, en Suède, j'ai aussi remarqué autre chose : une xénophobie qui n'hésitait plus à montrer son visage. Cela me préoccupait dans la mesure où le racisme est pour moi la plus visqueuse, la plus gluante, la plus méprisable des maladies collectives. Alors j'ai décidé d'écrire là-dessus. Le racisme ayant selon oi un soubassement criminel, j'ai choisi d'utiliser la trame du crime pour le livre que j'avais en tête. Et, dans ce cas, ai-je pensé, il allait sans doute aussi me falloir un policier.
En consultant mes anciennes notes, je constate que le personnage de Kurt Wallander est né un jour de mai. Son nom m'est venu en feuilletant l'annuaire téléphonique de Malmö. J'ai trouvé Kurt à une page et Wallander à une autre.
Je tiens à souligner ce point. J'ai inventé Kurt Wallander parce que j'avais besoin de lui pour raconter une histoire. Cela n'a jamais changé par la suite. D'abord le récit, ensuite le commissaire.
(...) J'ai écrit "Meurtriers sans visage" il y a vingt ans. A présent, je viens d'écrire le dernier de la série, "L'homme inquiet". (...) J'ai écrit ce livre après avoir compris qu'il manquait une dernière histoire. Celle où Kurt Wallander serait au premier plan - pas seulement en qualité d'enquêteur, mais en tant qu'objet même du récit.
(...) Mais tout a une fin. C'est inévitable et, au bout de vingt ans, le temps est maintenant venu d'en finir. (...) Je vais simplement le laisser en paix. Je referme la porte et je le laisse poursuivre sa vie, sans l'encombrer ni m'encombrer davantage avec le récit de ce qui lui arrive..."
Henning Mankell, juillet 2010 (traduit du suédois par Anna Gibson)
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Une nouvelle aventure littéraire s'ouvre ainsi à moi avec ce tome 1 qui reprend dans l'ordre les trois premiers des dix volumes, avec" Meurtriers ans visage".
Kurt Wallander apparaît page 19 au deuxième paragraphe du chapitre 2 ainsi :
Kurt Wallander dormait. Il avait veillé beaucoup trop longtemps la nuit précédente, à écouter ces enregistrements de Maria Callas qu'un de ses amis lui avait envoyés de Bulgarie. Il avait passé plusieurs fois de suite sa "Traviata" et il était près de deux heures quand il était allé se coucher. Au moment où la sonnerie du téléphone l'arracha au sommeil, il était au milieu d'un rêve très puissamment érotique.
Subjugué par les peintures de Moreau, il lui envoie des poèmes qui s'inspirent de ses toiles.
En témoigne, à titre d'exemple, cette lettre de juin 1883 :
Une avalanche de vers, cher maître, mais aussi pourquoi peindre, ou plutôt pourquoi concevoir, ressentir et faire à votre tour concevoir et ressentir des visions aussi finies et aussi troublantes.
Je suis amoureux et cela irrémédiablement des Sirènes, du Sphinx et de la Chimère, chimérique amoureux moi-même d'énigmes et de mystères, je vous envoie ces maladives élucubrations avec prière de pardonner beaucoup à un des vrais malades de votre art;
Jean Lorrain - Fécamp, juin 83
A lire pour le plaisir des mots et la redécouverte de l'oeuvre de Moreau sous le regard d'un jeune poète. Un seul dommage, les oeuvres de Moreau ne sont pas reproduites dans ce recueil.
Denis
Jean Lorrain - Gustave Moreau
Il avait recommencé à neiger. Cinq heures trente de l'après-midi. Il faisait presque nuit. Elle venait de disposer leurs assiettes quand les chiens se mirent à aboyer.
Son mari repose son couteau et sa fourchette, mécontent d'être dérangé pendant son dîner. Qu'est-ce-que c'est, encore?
June Pratt écarta le rideau et vit leur voisin sous la neige, portant l'enfant, pieds nus, dans ses bras. Aucun des deux n'avait de manteau. Apparemment, la fillette était en pyjama. c'est George Clare, dit-elle. (incipit du roman)
Les Hale vivaient dans la ferme achetée par les Clare. Seulement, les parents Hale, criblés de dettes se voient dans l'obligation de se séparer de la ferme et ils se suicident, laissant Wade, Eddy et Cole orphelins.