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4 janvier 2021 1 04 /01 /janvier /2021 16:21
Mères de Théodora Dimova (Syrtes - poches)

Mères de Théodora Dimova (Syrtes Poches - janvier 2019 - 204 pages)

Traduit du bulgare par Marie Vrinat - première édition française 2006

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Andreia, Lia, Dana, Alexander, Nikola, Deyann, Kalina ont un point commun : ils sont adolescents, ont 14 ans et sont dans la même classe avec sept autres élèves, tous disciplinés autour de leur professeure, Yavora, qu'ils vénèrent.

Et tous ont rendez-vous avec Yavora pendant la finale de coupe du monde de football. Une coupe du monde que tous les parents des adolescents ont hâte de voir.

Ce roman présente les sept principaux adolescents dans leur contexte de vie à Sofia, une vie souvent difficile avec des parents déchirés ou absents.

Par exemple, Andreia vit avec une mère dépressive et un père qui vit surtout chez sa maîtresse; Lia voudrait être danseuse mais partir étudier à Paris est trop coûteux et son père refuse un prix littéraire avec l'argent sale des mafieux bulgares; Dana vit avec un père ivrogne et chômeur pendant que sa mère est partie vivre en Grèce comme dame de compagnie...

Sept parcours chaotiques et tous se confient à un moment ou à un autre à Yavora très disponible pour eux et porteuse souvent de bonnes nouvelles pour que ces jeunes ados puissent s'épanouir.

Mais on pressent qu'il va se passer quelque chose avec Yavora, car à chaque fin de partie concernant le parcours de chacun d'eux, ils sont confrontés à un interrogatoire de police.

Dans la postface au roman, l'auteure raconte qu'elle s'est inspirée d'un fait réel qui a concerné des adolescents de 14 ans  mais je n'en dis pas plus pour ne pas tuer le suspens de ce magnifique roman.

Pour moi, ce livre s'apparente à un chef d'oeuvre tellement la narration est brillante, tombe juste tout le temps avec de longs temps de phrases qui s'enchainent sans passage à la ligne et qui pourraient s'assimiler à des litanies. On vit au cœur de la vie de chaque adolescent prisonniers de ces mots terribles qui racontent ces vies au bord de l'asphyxie dans un pays tout aussi oppressant.

A lire absolument,

Denis

Mères de Théodora Dimova (Syrtes - poches)
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7 décembre 2020 1 07 /12 /décembre /2020 12:43
Les Oxenberg & les Bernstein de Catalin Mihuleac (Editions Noir sur Blanc)

Les Oxenberg & les Bernstein de Catalin Mihuleac

(Editions Noir sur Blanc - Août 2020 - 304 pages)

Traduit du roumain par Marily Le Nir

Ce roman a reçu le prix Transfuge du meilleur roman européen 2020

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Deux périodes s'alternent et deux familles sont passées au crible dans ce roman où l'humour juif permet de passer les époques même les plus terribles avec une apparence de "bonne humeur".

Le titre à lui seul permet de comprendre que l'on va suivre "de nos jours" les Bernstein, famille prospère aux USA et dans les terribles années 1930-1940, les Oxenberg en Roumanie.

 

"Bernstein Vintage Ltd" est une entreprise américaine prospère qui collecte des affaires vintages pour les revendre dans le monde entier. Le Japon et la Roumanie sont deux pays phares pour la famille.

 

L'histoire de cette famille est racontée avec le "je" de Sinziana (Suzy Bernstein pour les USA). D'origine roumaine, elle a été chargée d'accueillir cette famille dans son pays : Dora et son mari Joseph (dit Joe)et leur fils Ben pour préparer leur futur collaboration avec la Roumanie. Ben la demande en mariage et elle part vivre aux USA. Elle va alors largement participer au développement des affaires de sa nouvelle famille.

 

Par chapitres alternés, en parallèle donc, est racontée par un narrateur neutre, l'histoire des Oxenberg, beaucoup moins heureuse de par le contexte politique. Pourtant tout semblait sourire à cette famille. Jacques, brillant obstétricien spécialisé et réputé pour les césariennes, avait pu acheter une belle Citroen Rosalie, dont le nom sonnait bien avec le prénom de son épouse, Roza. Deux beaux enfant sont nés de leur union : Golda et Lev. C'est donc bien une famille juive bourgeoise dans la Roumanie des années 1930,à Iasi, ville paisible. Seulement, le nazisme a pris le pouvoir et très vite les roumains prennent le pli hitlérien pour humilier les juifs et commencer à les harceler, les menacer.

 

Jacques espère passer au travers des menaces de par ses contacts avec les dignitaires roumains. Il a tellement accouché de femmes qu'il pense être immunisé contre tout excès politique à l'égard de sa famille.

 

C'est alors que l'auteur nous entraîne dans cette tragédie peu connue du pogrom de Iasi du 27 juin 1941 qui a tué plus de 13 000 juifs. Tout commence par une rafle dont n'échappe pas dans le roman les Oxenberg, puis pour les survivants le départ en train vers une autre ville roumaine, avec très peu de survivants.

 

Vous aurez sans doute compris qu'à un moment il y aura un croisement entre les deux histoires.

 

C'est tout l'art de Mihuleac de nous tenir en haleine. Comme je le disais l'humour aide à mieux accepter les descriptions qui sont parfois difficiles à supporter, sachant que par moments le lecteur n'est pas forcément en capacité d'aimer ces propos "décalés".

 

Toutefois, l'ensemble reste très cohérent et revivre ces moments historiques incluant la période "communiste" de Ceausescu,  à travers l'histoire de Dora, permet de mieux connaître la vie en Roumanie au XXe siècle.

 

N'hésitez pas à lire ce livre à la fois historique mais surtout littéraire car il y a un réel travail d'écrivain pour aborder l'aventure des ces deux familles.

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

 

 

Les Oxenberg & les Bernstein de Catalin Mihuleac (Editions Noir sur Blanc)
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23 janvier 2020 4 23 /01 /janvier /2020 18:04
Le roman policier par Yves Reuter (Armand Colin)

Le roman policier par Yves Reuter

(Armand Colin - Cursus - 150 pages - 3e édition 2017)

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Un livre très utile pour approfondir ses connaissances sur le roman policier, par Yves Reuter, professeur en didactique du français à l'université de Lille.

L'auteur nous rappelle que le roman policier est né véritablement avec Edgar Allan Poe en 1841 avec sa nouvelle "Double assassinat dans la rue Morgue".

Va suivre le "roman judiciaire" avec "L'Affaire Lerouge" en 1863 qui parait en feuilleton en 1863.

Le feuilleton dans les journaux a favorisé l’émergence du genre auprès du "roman d'aventure" qui recouvrait également le roman policier, autant en France qu'en Angleterre par exemple avec William Wilkie Collins qui publie dans les journaux "La Dame en Blanc" en 1859 et 1860.

En élément de définition, Yves Reuter écrit page 13 : 

 

Le roman policier peut être caractérisé par sa focalisation sur un délit grave, juridiquement répréhensible (ou qui devrait l'être). Son enjeu est, selon le cas, de savoir qui a commis ce délit et comment (roman à énigme), d'y mettre fin et/ou de triompher de celui qui le comment (roman noir), de l'éviter (roman à suspense).

Ainsi, cette définition permet de distinguer trois grandes classes de romans policiers :

- Le roman à énigme : "Dans le roman policier à énigme, on passe de l'énigme à la solution par le moyen d'une enquête";

- Le roman noir : "Dans le roman noir, la violence et les actions ont une place essentielle".

C'est un genre aux structures narratives très ouvertes entre histoires de vie, épopées sanglantes, casses, délinquance...

- Le roman à suspense : tout peut arriver dans ces romans. L'action est violente au début et à la fin et elle reste virtuelle, suspendue pendant le déroulement de l'histoire.

L'auteur détaille chacune de ces classes avec des exemples à l'appui selon un même schéma : composantes structurelles et organisation de la fiction.

Puis une dernière partie a pour titre "roman policier et littérature" car il faut bien admettre que littérature noire et littérature blanche reste un point de débat important qui hélas, comme le racisme, entend hiérarchiser ces littératures.

Alors Yves Reuter nous apporte des éléments de réflexion :

Même si l'on considère roman policier et littérature comme deux ensembles séparés "a priori", on est saisi par la multiplicité des relations entre ces deux domaines,ne serait-ce que du point de vue des auteurs et des critiques.

L'auteur rappelle alors que Balzac, avec Vautrin par exemple, Stendhal à travers un fait divers à l'origine de "Le rouge et le noir"; Hugo avec entre autres Valjean et Javert, Zola, Bernanos (Un crime), Hemingway (Les tueurs), Graham Greene (Tueur à gage) et bien d'autres ont écrit du roman avant tout basculant ou non dans le "policier".

Ce livre universitaire dans son contenu permet ainsi de confirmer pour les amoureux de la littérature qu'il convient de lire un livre sans préjugés.

Pour ma part, quand je lis un roman dit "policier" je le lis avant tout comme un livre qui doit m'apporter un plaisir de lecture, une envie de me laisser envahir par les mots et le style.

Et je n'ai pas envie de classer comme dans les librairies, bibliothèques ou chez les éditeurs, les livres entre blancs et noirs.

"L'étranger" de Camus devrait être rangé dans les deux rangées de livres par exemple. Ou "De sang froid" de Truman Capote.

Lisez ce livre qui est vraiment passionnant car il définit des champs du possible qui caractérisent le roman policier, sachant que tout auteur se trouve à un moment de son oeuvre confronté à ce "genre". Et oublions les clivages arbitraires.

Arrêtons de tout cataloguer et continuons à aimer LA littérature, y compris la poésie, ne l'oublions pas.

Bonne lecture,

Denis

 

Le roman policier par Yves Reuter (Armand Colin)
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30 décembre 2019 1 30 /12 /décembre /2019 17:52
Plus haut que la mer de Francesca Melandri (Folio)

Plus haut que la mer de Francesca Melandri

(Folio - 219 pages - février 2016)

Traduit de l'italien par DanièleValin

Titre original : Più Alto del Mare (2011)

Première édition française : Gallimard (2015)

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"Plus haut que la mer" est le deuxième roman de Francesca Melandri, écrivaine, scénariste pour le cinéma et la télévision et réalisatrice, après "Eva dort"en 2010 (Gallimard 2011).

L'île n'était pas en pleine mer, mais c'était tout comme. Seul le Détroit, apparemment facile à traverser à la nage, la séparait de la terre ferme, qui était en fait une grande île. Les vents balayaient toutes les vapeurs, fumée et impuretés de l'air, et même les bouffées noirâtres de l'usine pétrochimique. Ainsi l'île semblait très proche, presque au point de la toucher - mais c'était une illusion. (page 21)

Une première île à atteindre en ferry puis une deuxième île à toucher en ferry également pour parvenir au sinistre lieu qui abrite une prison laquelle contient un "quartier spécial" réservé aux prisonniers particulièrement "dangereux" par leur passé. On est en 1979, dans la période où le terrorisme était très ancré dans la vie quotidienne italienne avec les "brigades rouges".

Parmi les passagers des deux ferries, on peut repérer Luisa, partie seule, laissant ses cinq enfants s'occuper de la ferme, pour aller rendre visite à son mari. Il en est à son deuxième meurtre mais c'est le dernier en date qui l'a mené ici, car il a tué un gardien.

Sur le ferry, il y a également Paolo. Lui, il est habitué à parcourir l'Italie pour suivre son fils de prison en prison.

Nitti Pierfrancesco est du voyage. Mais lui est un des gardiens du "quartier spécial" et il escorte un nouveau prisonnier.

Paolo a repéré Luisa au moment où ils montent dans un bus qui les conduit à la prison, car elle n'a pas de place assise et il lui cède la sienne. Ce sont les deux seuls visiteurs à venir pour ce "quartier". Les autres passagers, essentiellement des gardiens, sont descendus avant.

Un long périple donc pour venir jusqu'au fils et au mari. Une fouille soignée pour commencer avant de pouvoir enfin rencontrer le prisonnier.

Et très vite il faut penser au retour, d'autant que le mistral s'est levé et le car-ferry va devoir repartir au plus vite avant la tempête.

Malheureusement, un contretemps va empêcher le retour et il va falloir passer une nuit sur l'île, ce qui n'est pas prévu dans le protocole pénitentiaire...

L'angoisse monte et le lecteur est pris dans ce tempo se demandant ce qui va arriver.

Paolo et Luisa se sentent "seuls" et Nitti sera leur seul interlocuteur.

Le roman n'est pas politique. Il fait quelques discrètes références aux "brigades rouges" pour lesquelles Paolo aurait pu avoir quelques sympathies qui ont pu avoir un impact sur son fils et en faire un "révolutionnaire".

Paolo a beaucoup de culture et il a été enseignant de philosophie tandis que Luisa est une "paysanne" très peu cultivée. Rien n'aurait pu les rapprocher sans ce voyage au "bout d'un enfer carcéral".

L'auteure fait des retours en arrière pour expliquer le contexte de vie de chacun qui s'est organisé depuis de trop longues années autour des difficultés nées des incarcérations des deux prisonniers.

C'est un très beau texte maîtrisé de bout en bout par Francesca Melandri. Elle sait créer de l'empathie pour ces deux visiteurs qui ont perdu beaucoup d'illusions, enfermés dans leurs silences et qui vont devoir "cohabiter" le temps d'un voyage compliqué encore plus par la tempête.

Un livre à lire sans modération. Une très belle plume.

Bonne lecture,

Denis

 

 

 

 

Plus haut que la mer de Francesca Melandri (Folio)
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5 octobre 2019 6 05 /10 /octobre /2019 17:05
Aquarium de David Vann (Gallmeister)

Aquarium de David Vann

(Gallmeister - collection "Nature Writing" - 271 pages - Octobre 2016)

Traduit de l'anglais (USA) par Laura Derajinski

Titre original : Aquarium (2015 - Grove Press, New York)

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Huitième roman de David Vann, sixième traduit en français, après le grand succès remporté dès 2010 par Sukkwan Island, que j'ai lu en 2016 et qui avait été un réel "choc".

Celui-ci l'est moins. on pourrait dire qu'il est plus "soft". Malgré tout, avec David Vann n'attendez pas un roman "fleur bleu" où tout serait "idyllique", et chez Gallmeister, même dans sa collection "Nature Writing" le lecteur est rarement épargné.

Caitlin a 12 ans et vit avec sa mère, Sheri, femme célibataire qui amène de temps en temps un homme à la maison, tel ce soir Steve, informaticien charmeur avec son harmonica.

Caitlin est fascinée par les poissons et elle se rend chaque jour après l'école à l'aquarium de leur ville, Seattle. Elle y a un abonnement annuel et aujourd'hui elle a rencontré un vieil homme qui a la même passion qu'elle.

 

 

Je trouvai le vieil homme si proche de la vitre qu'il semblait aspiré dans le bassin. Bouche bée, regard incrédule.
Un poisson-main, dit-il. Un poisson- main rouge. Ca ressemble encore moins à des nageoires que celles du poisson-grenouille d'hier.
(...) Regarde-moi ça, lan ça le vieil homme. On dirait qu'il est accoudé à une fenêtre.
C'était vrai. (page 21)

L'auteur semble aimer également les poissons car il les décrit avec précision et les pages qui se passent à l'aquarium sont agrémentées de dessins au crayon de l'auteur.

L'aquarium serait un microcosme, lieu idéal de vie, surtout que l'harmonie est la règle d'organisation d'un aquarium afin d'éviter tout "conflit" entre poissons.

Et Caitlin qui a une vie difficile avec une mère acariâtre, laquelle dit avoir souffert dans sa vie n'est pas épargnée par elle. 

Caitlin prépare avec sa classe la fête de fin d'année. Ainsi, les cours sont suspendus et elle s'ennuie. Heureusement qu'elle a une amie Shalini. Elles vont développer un amour authentique qui vont leur faire du bien.

Les compteurs semblent être au vert pour la jeune fille entre ce vieil homme qui la comprend et partage ses goûts et Shalini qui lui apporte de l'amour. Seulement, un jour, l'homme demande à rencontrer la mère de Caitlin.

Quand elle en parle à sa mère, elle reçoit une gifle et quand elle répond aux questions en répondant oui que le vieil homme a montré de l'empathie et a parlé d'un voyage, la mère alerte la police pour faire arrêter ce "pervers" au moment où elle se rendra à l'aquarium;

Le scénario se déroule comme prévu pour la plus grande tristesse de Caitlin qui sent que son ami considérera qu'elle l'aura trahi !

Et coup de tonnerre, Sheri connaît cet homme !

Impossible de raconter la suite au risque de "divulgacher" la lecture de la fin du roman.

David Vann maîtrise l'intrigue et nous laisse constamment dans l'attente d'un événement qui viendra bousculer les personnages, surtout Sheri et Caitlin dont les tensions ne cessent de croître au fil des pages.

Comme toujours avec cet auteur, on ne peut que recommander la lecture de ses romans, tellement forts et surtout tellement bien écrits. Pas un mot de trop, ou peut-être ici, juste des descriptions de poissons un peu à la Jules Verne qui donnent envie de passer pour les non initiés quelques paragraphes.

Lecture faite en commun avec Marjorie (suivre le lien) dont le ressenti a été très proche du mien tout au long de notre lecture. Je la remercie encore une fois ici de la complicité littéraire qui fait de nos "LC" des moments de fructueuses lectures.

Bonne lecture,

Denis

 

Aquarium de David Vann (Gallmeister)
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18 août 2019 7 18 /08 /août /2019 16:08
Meurtriers sans visage de Henning Mankell (Le Seuil - Opus)

Meurtriers sans visage de Henning Mankell

(Le Seuil - Opus - Intégrale Wallander 1 - Novembre 2010)

(300 pages pour cet "épisode")

Traduit du suédois par Philippe Bouquet

Titre original : Mördare utan ansikte (1991)

Première édition française : 1994 (Christian Bourgois Editeur) et pour la traduction 2001.

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La série Wallander que j'ai présentée dans un précédent article (lire ici) débute avec ce roman publié en 1991 en Suède : Meurtriers sans visage.

 

8 janvier 1990 : réveil inhabituellement tôt pour ce vieil homme de 70 ans, Nyström, cultivateur retraité. Il n'a pa entendu la jument du voisin hennir comme elle le fait tout le temps. Et puis il voit que la fenêtre des voisins, les Lövgren est ouverte. Et il entend un cri qui est celui de Maria.Un carnage a eu lieu et il appelle aussitôt la police.

 

Kurt Wallander, 42 ans, est reveillé par le commissariat et part immédiatement sur les lieux. L'homme est mort, ensanglanté et mutilé de toutes parts tandis que sa femme vit encore, à moitié étranglée. Mais elle ne survit pas longtemps, lâchant un seul mot avant de mourir : "étranger".

 

Le nœud coulant n'est pas commun et la jument fournie en foin sans doute après le meurtre forment deux des énigmes à élucider, sans oublier que dans une Suède de plus en plus raciste, le mot "étranger" risque de créer un climat délétère quand les médias vont s'emparer de l'affaire.

 

Wallander commence l'enquête dans un contexte familial difficile pour lui : Mona, son épouse, l'a quitté et sa fille Linda s'est éloignée de lui ; quant à son père, âgé de 80 ans, il vit dans des conditions précaires chez lui, se négligeant et ne pensant qu'à peindre interminablement le même tableau.

 

L'on apprend très vite que ce Lövgren n'a pas eu une vie si sage qu'on pourrait le croire.

Sen Widen, son beau-frère déclare qu'il a trafiqué de la viande pendant la guerre avec les allemands, se constituant une petite fortune qu'il a fait fructifier sans en parler à son épouse puis à ses filles. Il a eu par ailleurs une aventure avec un femme qui lui a donné un fils sans le reconnaître officiellement.

 

Et inévitablement, le fait que ce meurtre ait pu être commis par un étranger, des "extrémistes" mettent le feu à un camp de réfugiés et tuent même un "innocent émigré".

Autant de nouvelles pistes à explorer mais l'affaire est compliquée et il faudra bien de la persévérance pour avancer...

Mankell a un art d'écrire avec sobriété, à partir de phrases courtes et percutantes. Il sait ménager le suspens et introduire les tracas personnels de Wallander au sein du récit, n'en faisant pas qu'un seul roman policier. On vit au cœur de l'enquête avec tous ses tours et détours pour le plus grand plaisir de lecture.

 

Bonne lecture,

Denis

 

Meurtriers sans visage de Henning Mankell (Le Seuil - Opus)
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2 août 2019 5 02 /08 /août /2019 19:24
Kurt Wallander compagnon de route au long cours de Henning Mankell

L'intégrale Wallander de Henning Mankell

(Tome 1 - 1028 pages - Novembre 2010)

1 - Meurtriers sans visage

2 - Les chiens de Riga

3 - La lionne blanche

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Début de la préface de Henning Mankell à l'édition intégrale en trois tomes :

 

"Il y a de cela vingt et un ans, je revenais en Suède après une longue période africaine (...). Nous étions donc en 1989. De grands événements se préparaient dans le monde : la chute du mur de Berlin et la fin annoncée de l'apartheid en Afrique du Sud.

 

Mais, en Suède, j'ai aussi remarqué autre chose : une xénophobie qui n'hésitait plus à montrer son visage. Cela me préoccupait dans la mesure où le racisme est pour moi la plus visqueuse, la plus gluante, la plus méprisable des maladies collectives. Alors j'ai décidé d'écrire là-dessus.  Le racisme ayant selon oi un soubassement criminel, j'ai choisi d'utiliser la trame du crime pour le livre que j'avais en tête. Et, dans ce cas, ai-je pensé, il allait sans doute aussi me falloir un policier.

 

En consultant mes anciennes notes, je constate que le personnage de Kurt Wallander est né un jour de mai. Son nom m'est venu en feuilletant l'annuaire téléphonique de Malmö. J'ai trouvé Kurt à une page et Wallander à une autre.

 

Je tiens à souligner ce point. J'ai inventé Kurt Wallander parce que j'avais besoin de lui pour raconter une histoire. Cela n'a jamais changé par la suite. D'abord le récit, ensuite le commissaire.

 

(...) J'ai écrit "Meurtriers sans visage" il y a vingt ans. A présent, je viens d'écrire le dernier de la série, "L'homme inquiet". (...) J'ai écrit ce livre après avoir compris qu'il manquait une dernière histoire. Celle où Kurt Wallander serait au premier plan - pas seulement en qualité d'enquêteur, mais en tant qu'objet même du récit.

 

(...) Mais tout a une fin. C'est inévitable et, au bout de vingt ans, le temps est maintenant venu d'en finir. (...) Je vais simplement le laisser en paix. Je referme la porte et je le laisse poursuivre sa vie, sans l'encombrer ni m'encombrer davantage avec le récit de ce qui lui arrive..."

 

 Henning Mankell, juillet 2010 (traduit du suédois par Anna Gibson)

 

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Une nouvelle aventure littéraire s'ouvre ainsi à moi avec ce tome 1 qui reprend dans l'ordre les trois premiers des dix volumes, avec" Meurtriers ans visage". 

Kurt Wallander apparaît page 19 au deuxième paragraphe du chapitre 2 ainsi :

                                                    

 

 

Kurt Wallander dormait. Il avait veillé beaucoup trop longtemps la nuit précédente, à écouter ces enregistrements de Maria Callas qu'un de ses amis lui avait envoyés de Bulgarie. Il avait passé plusieurs fois de suite sa "Traviata" et il était près de deux heures quand il était allé se coucher. Au moment où la sonnerie du téléphone l'arracha au sommeil, il était au milieu d'un rêve très puissamment érotique.

Tome 1 :

1- Meurtriers sans visage ((sv) Mördare utan ansikte, 1991), trad. Philippe Bouquet (édition française 1994)
2- Les Chiens de Riga ((sv) Hundarna i Riga, 1992), trad. Anna Gibson (édition française 2003)
3- La Lionne blanche ((sv) Den vita lejoninnan, 1993), trad. Anna Gibson (édition française 2004)

Tome 2 :


4- L'Homme qui souriait ((sv) Mannen som log, 1994), trad. Anna Gibson (édition française 2005)
5- Le Guerrier solitaire ((sv) Villospår, 1995), trad. Christofer Bjurström (édition française 1999)
6- La Cinquième Femme ((sv) Den femte kvinnan, 1996), trad. Anna Gibson (édition française 2000)

Tome 3 :


7- Les Morts de la Saint-Jean ((sv) Steget efter, 1997), trad. Anna Gibson (édition française 2001)
8- La Muraille invisible ((sv) Brandvägg, 1998), trad. Anna Gibson (édition française 2002)
9- L'Homme inquiet ((sv) Den orolige mannen, 2009), trad. Anna Gibson (édition française 2010)


 

Kurt Wallander compagnon de route au long cours de Henning Mankell
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21 mars 2019 4 21 /03 /mars /2019 17:06
Jean Lorrain - Gustave Moreau : Correspondance et Poèmes (RMN)

Correspondance et Poèmes - Jean Lorrain et Gustave Moreau

(Réunion des Musées Nationaux - Collection "Textes RMN" - 94 pages - Octobre 1998)

Edition présentée et annotée pas Thalie Rapetti, historienne d'art.

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Jean Lorrain (1855-1906) est encore un jeune poète quand il débute une correspondance en 1883 avec le déjà grand peintre, Gustave Moreau (1826-1898), son aîné de 30 ans.

Subjugué par les peintures de Moreau, il lui envoie des poèmes qui s'inspirent de ses toiles.

En témoigne, à titre d'exemple, cette lettre de juin 1883 :

 

 

Une avalanche de vers, cher maître, mais aussi pourquoi peindre, ou plutôt pourquoi concevoir, ressentir et faire à votre tour concevoir et ressentir des visions aussi finies et aussi troublantes.
Je suis amoureux et cela irrémédiablement des Sirènes, du Sphinx et de la Chimère, chimérique amoureux moi-même d'énigmes et de mystères, je vous envoie ces maladives élucubrations avec prière de pardonner beaucoup à un des vrais malades de votre art;
Jean Lorrain - Fécamp, juin 83

La chimère - Gustave Moreau (1867)

La chimère - Gustave Moreau (1867)

Ainsi, trois poèmes sont annexés à sa lettre, dont celle concernant le tableau "La chimère" :

A Gustave Moreau.

La Chimère indomptable aux yeux profonds et bleus, 
Abîmes rayonnants dans un visage d'homme, 
Des palais de Sodome aux Lesbos qu'on renomme,
Droite, appuie au Zénith ses quatre pieds en feux.

Son poitrail qui se cabre et ses jarrets nerveux 
Emportent par le gouffre, où l'air siffle et s'enflamme, 
Lascif et douloureux, un souple corps de femme 
Nue et flottant dans l'ombre entre ses lourds cheveux.

Les crins d'or de la bête et la toison d'aurore 
De la femme en extase, embrasant l'air sonore, 
Font une aube de gloire au fond du ciel obscur.

Le vertige les tord et, dardant sa prunelle, 
Les bras autour du cou du monstre aux yeux d'azur, 
S'enfonce dans la nuit la Rêveuse éternelle.

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La correspondance, assez peu abondante se termine en octobre 1893. Un peu plus de dix ans pour dire en poèmes une immense admiration.

A lire pour le plaisir des mots et la redécouverte de l'oeuvre de Moreau sous le regard d'un jeune poète. Un seul dommage, les oeuvres de Moreau ne sont pas reproduites dans ce recueil.

Denis

Jean Lorrain - Gustave Moreau
Jean Lorrain - Gustave Moreau

Jean Lorrain - Gustave Moreau

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15 novembre 2018 4 15 /11 /novembre /2018 12:21
Dans les angles morts d'Elizabeth Brundage (Quai Voltaire)

Dans les angles morts d'Elizabeth Brundage

(Quai Voltaire - 514 pages - janvier 2018)

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Cécile Arnaud

Titre original : All things Cease to Appear (USA - 2016)

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En exergue au roman : "Sous ces étoiles, il y a tout un monde de monstres évoluant en silence" (Herman Melville)

Cette phrase (et une autre de William Blake) résume bien l'esprit de ce premier roman traduit en français. 

C'est une très belle réussite car ce livre est vraiment excellent. L'auteure prend son temps pour raconter l'histoire de quelques personnages qui gravitent autour d'une ferme, lieu d'ancrage du roman.

En rentrant chez lui, George Clare a découvert le corps de sa femme, une hâche plantée dans le crâne. Manifestement, la petite Franny était présente mais elle n'a rien dit et son père a refusé que la police l'interroge, au risque de la traumatiser. C'est le sherif Lawson qui s'est collé à l'affaire.

On est alors le 29 février 1979.

Il avait recommencé à neiger. Cinq heures trente de l'après-midi. Il faisait presque nuit. Elle venait de disposer leurs assiettes quand les chiens se mirent à aboyer.
Son mari repose son couteau et sa fourchette, mécontent d'être dérangé pendant son dîner. Qu'est-ce-que c'est, encore?
June Pratt écarta le rideau et vit leur voisin sous la neige, portant l'enfant, pieds nus, dans ses bras. Aucun des deux n'avait de manteau. Apparemment, la fillette était en pyjama. c'est George Clare, dit-elle. (incipit du roman)

On repart en 1978, un an auparavant, pour comprendre comment on en est arrivé à ce meurtre, qui ne semble pouvoir être que "passionnel" !

Les Hale vivaient dans la ferme achetée par les Clare. Seulement, les parents Hale, criblés de dettes se voient dans l'obligation de se séparer de la ferme et ils se suicident, laissant Wade, Eddy et Cole orphelins.

Ce sont donc les Clare qui se portent acquéreurs plus de trois mois après la mise en vente. Et encore personne ne leur a dit ce qui s'était passé afin de ne pas les décourager d'acheter la ferme. George étant muté à l’université d'où ce choix qui n'a pas franchement plus à son épouse Cathy.

Retour un peu plus en arrière pour nous préciser qu'ils se sont connus pendant leurs études et qu'ils ont eu un coup de foudre l'un pour l'autre.

Dès que les Clare se sont installés, les frères Hale sont venus proposer leurs services sans dire que c'était leur maison auparavant.

Des sentiments plus intimes semblent se dessiner entre Eddy et Cathy, tandis que George s'intéresse à la fiancée d'Eddy. Il faut dire qu'il est plutôt "coureur", c'est en tout cas la réputation qu'il a.

Les liens entre les uns et les autres viennent compliquer les relations de "bon voisinage" à Chosen (état de New York).

La vie de chacun se révèle avec comme finalité de savoir qui est coupable du meurtre... 

Vous aurez compris que l'on est dans une sorte de "polar" mais un fil narratif à la manière de la littérature dite blanche, ce qui renforce la qualité du roman qui ne veut ressembler à aucun genre.

On sent les tensions monter entre les uns et les autres et cela devient "insupportable" car tout peut exploser à tout moment. L'auteure maintient parfaitement bien le "suspens" en avançant ses pions avec patience et efficacité.

En résumé, c'est un excellent roman, qui demande des efforts au lecteur pour ne pas craquer car il a forcément envie d'en savoir plus sur cette sordide affaire. Mais le roman fait plus de 500 pages ! Et il faut tenir.

Ce roman fait partie de la sélection du prix du balai d'or 2019 orchestré avec maestria par notre légendaire "concierge masqué" !

Bonne lecture,

Denis

Dans les angles morts d'Elizabeth Brundage (Quai Voltaire)
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14 novembre 2018 3 14 /11 /novembre /2018 18:01
Le Don paisible de Mikhaïl Cholokhov (Omnibus)

Le Don paisible de Mikhaïl Cholokhov (Omnibus - 1 402 pages - 1991)

Traduit du russe par Antoine Vitez

Titre original : Tikhii Don

Postface de Claude Frioux avec la contribution d'Alla Chelvelkina

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Ce n'est pas une erreur de ma part : 1 376 pages pour le roman composé de 8 parties et 26 pages pour le dossier.

L'auteur Mikhaïl Cholokhov (1905-1984) s'est vu honoré du prix Nobel de Littérature en 1965 et du prix Staline (!) en 1941 pour son oeuvre, la principale restant "Le Don paisible" publié entre 1928 et 1940.

La paternité du livre a été contestée notamment par Alexandre Soljenitsyne qui considérait qu'une telle "épopée" qui raconte les années 1912 à 1922 ne pouvait avoir été écrite par un écrivain qui n'avait pas pu vivre les événements racontés avec tant de détails. Le manuscrit retrouvé permet d'authentifier l'auteur, réhabilitant Mikhaïl Cholokhov

Quoiqu'il en soit, ce livre est une réelle épopée au temps de la Grande Guerre suivie en Russie par la guerre civile jusqu'en 1922 entre les "Rouges", bolcheviques et les blancs, ici les Cosaques indépendantistes, pro tsaristes pour la plupart.  

On suit un personnage principal, Grigori Melekhov, cosaque du Don, ce fleuve que l'on dit Paisible, entre autre dans les chansons "patriotiques" que les autochtones entonnent régulièrement.

Sa vie amoureuse, comme sa vie de militaire à partir de 1914, est tumultueuse. Il se montre vaillant, courageux, enragé. Issu du monde de la terre et né dans le village de Tatarski de la stanitsa Vechenskaïa, tout près du Don qui rythme la vie des habitants.

Beaucoup de pages sont consacrées aux conflits armés mais la qualité de la narration n'ennuie jamais le lecteur. De très nombreux personnages passent dans le roman et malgré cela on n'est jamais perdu.L'auteur sait nous intéresser à toutes les actions ponctuées de dialogues de haute qualité. Le fil narratif est structuré avec rigueur et ces 1 400 pages serrées dans cette édition passent avec un très grand bonheur de lecture.

J'admets que j'ai mis 80 jours pour lire l'intégralité du roman mais, à raison d'une heure par jour d'immersion dans le Don au côté de ces cosaques, c'était un vrai plaisir de lecture.J'ai terminé ce matin le roman et quelque chose va me manquer dans les jours qui viennent et je garderai longtemps à l'esprit l'aventure de ce roman.

La force du livre vient de ce qu'il n'est pas de "propagande". On va d'un camp à l'autre sans jugement de l'auteur. Il se met à hauteur de ses personnages dont beaucoup ont réellement existé et il décrit leur quotidien, leurs pensées, leurs actions et leurs sentiments.

Tantôt, ils sont prêts à devenir des "barbares", tantôt, ils s’assagissent, rêvent d'un retour dans un monde sans guerre, car pour ceux qui vont survivre comme Grigori il y aura eu 8 ans de combats acharnés, de retraites et de moments héroïques ou honteux.

Il n'y a pas de bons et de méchants, même chez les femmes, capables elles aussi de défendre leur patrimoine contre les agressions des troupes de passage,avec panache et sans vergogne, mais elles sont mères et amoureuses et elles savent être empathiques quand il le faut.

Ce livre est une belle leçon de courage et tout en étant pacifique, loin de cette guerre, j'ai vibré avec les uns et les autres,n'acceptant pas bien sûr les violences mais il fallait les replacer dans leur contexte.

Et puis, tel que dans un film,l'auteur sait prendre du recul pour nous "montrer"le rythme des saisons au bord du Don et dans la steppe avec des descriptions de la nature environnante.Ce sont là des respirations qui apaisent le propos,aident à se ressourcer comme le font les personnages.

Si vous aimez la littérature de qualité, prenez votre souffre et partez quelques semaines dans l'univers des cosaques du Don,vous ne le regretterez pas. Surtout que c'était il y a un siècle et les cosaques fidèles à leurs coutumes ont combattu à cheval, sabre en main.

Un chef d'oeuvre absolu que je voulais lire depuis tant d'années !!! Quelle belle aventure !

Bonne lecture,

Denis

 

Le Don paisible de Mikhaïl Cholokhov (Omnibus)
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