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2 août 2015 7 02 /08 /août /2015 12:48
Citations de Cesare Pavese tirées de "Le métier de vivre"(Folio)

18 décembre 1937 : Il y a une chose plus triste que rater ses idéaux : les avoir réalisés.

3 novembre 1938 : Nous savons tous avoir de mauvaises pensées et très rarement faire de mauvaises actions. Nous savons tous faire de bonnes actions, mais rares sont ceux qui sont capables d'avoir de bonnes pensées. Le respect humain est plus fort que la conscience.

4 mai 1942 : Dans l'inquiétude et dans l'effort d'écrire, ce qui soutient, c'est la certitude qu'il reste quelque chose de non dit dans la page.

22 novembre 1945 : On ne se libère pas d'une chose en l'évitant mais, seulement, en la traversant.

22 mars 1947 : Le personnage est une conception théâtrale et non spécifiquement narrative. Raconter ne réclame pas nécessairement les personnages. Le plus grand narrateur gres est Hérodote et non Homère - qui même est du théâtre antelitteram.

25 décembre 1948 : Celui qui renonce avec conviction et avec méthode a construit sa vie sur les choses auxquelles il renonce. En somme, il ne voit que celles-ci.

18 août 1950 : La chose le plus secrètement redoutée arrive toujours.

J'écris : ô toi, aie pitié. Et puis?

Il suffit d'un peu de courage.

Plus la douleur est déterminée et précise, plus l'instinct de la vie se débat, et l'idée du suicide tombe.

Quand j'y pensais, cela semblait facile. Et pourtant de pauvres petites femmes l'ont fait. Il faut de l'humilité, non de l'orgueil.

Tout cela me dégoüte.

Pas de paroles. Un geste. Je n'écrirai plus.

                                                   ---------------------------------------------------------

"Le métier de vivre", journal de Cesare Pavere (9 septembre 1908 - 27 août 1950) couvre les années 1935 à 1950. Toute une vie d'écriture, de lecture et de pensées.

Il achève son" métier de vivre" pour l'écriture ce 18 août 1950 et 9 jours plus tard il se met en retraite de ce métier de vivre en se suicidant.

Un journal à lire absolument par un des très grands auteurs italiens du XXe siècle.

Bonne lecture

Denis

 

 

 

Folio - 466 pages

Folio - 466 pages

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30 juillet 2015 4 30 /07 /juillet /2015 17:46
Lire la poésie : de A à Z... (29/50) N comme Nerval

Un poète : Gérard de Nerval (1808-1855)

Un recueil : Les chimères (1954)

Un poème :

                   El Desdichado

 

Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phoebus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la Sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

 

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On ne présente plus ce poème que beaucoup d'entre nous ont appris à l'école.

Encore un poète maudit, dépressif, Gérard de Nerval a raconté sa "folie" dans "Aurélia" (1855).

Il a aussi montré la force du rêve, des "chimères" qui influenceront plus tard des auteurs aussi divers que Proust, Artaud, Aragon, Breton ou Eliot.

Il s'est pendu à une grille dans une rue proche du CHâtelet.

Une trajectoire difficile pour un génie littéraire, qui a brillé en traduisant le "Faust" de Goethe, en écrivant des poèmes "symbolistes" et en publiant des nouvelles telles "Les filles du feu", des essais comme son "Voyage en Orient". Un écrivain éclectique qui mérite d'être lu et relu.

Les chimères est un très court recueil de 8 textes.

Je vous renvoie à un excellent article sur les Chimères et plus particulièrement sur ce poème :

http://www.etudes-litteraires.com/nerval-desdichado.php

Bonne lecture,

Denis

 

 

Lire la poésie : de A à Z... (29/50) N comme Nerval
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26 juillet 2015 7 26 /07 /juillet /2015 08:22
Citation de Saint-Exupéry : prévoir ou non...

"L'essentiel, nous ne savons pas le prévoir. Chacun de nous a connu les joies les plus chaudes là où rien ne les promettait. Elles nous ont laissé une telle nostalgie que nous regrettons jusqu'à nos misères, si nos misères les ont permises".

Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944), Terre des hommes (1939)

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Publié en décembre 1939, "Terre des hommes" obtient le Grand prix du roman de l'Académie Française. C'est une suite de récits, de témoignages et de méditations à partir de la somme d'expériences, d'émotions et de souvenirs qu'il a accumulés lors de ses nombreux voyages. C'est aussi un hommage à l'amitié et à ses amis Mermoz et Guillaumet et plus largement une vision romantique sur la noblesse de l'humanisme. (source wikipedia)

 

 

Citation de Saint-Exupéry : prévoir ou non...
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24 juillet 2015 5 24 /07 /juillet /2015 17:08
Et mon coeur transparent de Véronique Ovaldé (L'Olivier)

Et mon coeur transparent de Véronique Ovaldé

(Editions de l'Olivier - janvier 2008 - 233 pages)

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L'univers littéraire de Véronique Ovaldé est très singulier, fait de lieux imaginaires et de personnages hors normes.Le roman qui l'a fait remarquer du grand public a été "Ce que je sais de Vera Candida". "Et mon coeur transparent" a obtenu en 2008 le Prix France-Culture - Télérama.

Lancelot (que sa femme appelle Paul) apprend par la police que Irina a eu un accident de voiture. Comment est-ce possible alors qu'il l'a déposée à l'aéroport peu avant?

C'est alors qu'il se remémore qu'il a d'abord été marié avec Elisabeth. Et un jour qu'elle fit une sortie scolaire, en route pour aller chez son éditeur, il reçut dans la rue une chaussure sur la tête et c'est ainsi qu'il rencontra Irina furieuse quand il la lui rapporta et qu'elle lui dit que son mari l'avait sciemment jetée car elle appartenait à sa maîtresse. Grand malaise mais Irina le rejoint dans la rue ensuite.

Il décide alors de quitter Elisabeth dès son retour de voyage scolaire et s'installe chez Irina qui entretemps a viré son amant indélicat.

Lancelot se rend sur les lieux de l'accident puis est interrogé par la police. Et un soir il reçoit la visite du père d'Irina,  étonné de le voir alors qu'elle lui avait dit qu'il était mort!

Leur vie avait commencé à déraper quand ils avaient quitté Camerone pour la ville gelée et enneigée de Catano.

Il revoit le père qui s'appelle Paco et qui dit que sa fille a fugué à 17 ans et a failli aller en prison pour trafic et vol. Et il dit à Lancelot qu'il n'y a jamais de départ d'avion la nuit. Elle lui a donc menti la nuit de sa mort.

Lancelot décide de vendre la maison et il rencontre Marie Marie d' une agence immobilière. 

Ainsi, au fil des pages, l'histoire entre Lancelot et Irina se trouble. Qui était-elle? L'a-t'elle trompée avec un certain Kurt? Pourquoi avoir quitté l'aéroport dans une voiture qui n'était pas la sienne.

Lancelot enquête sur le passé de sa femme. Elle aurait bien été "délinquante" !!! Et aujourd'hui encore!!!

Et Lancelot ne comprend pas que des meubles disparaissent régulièrement.

Autant d'énigmes qui font de ce livre singulier un texte entre polar et roman. On est dans l'entre-deux à tout point de vue : personnages, lieux, situations... Le lecteur vacille autant que le héros principal, ce Lancelot bien naïf décidément...

Ce roman est un "tourbillon" et le lecteur se doit de suivre ces tours et détours, magnifiquement racontés par Véronique Ovaldé. Elle sait nous surprendre, nous entraïner dans ce monde étrange où rien n'est acquis.

Un magnifique roman tel que je les aime entre onirisme, fantaisie philosophique (au sens noble et non rebutant du terme).

Une auteure au talent fou et à l'humour incisif à lire absolument.

Bonne lecture,

Denis

Et mon coeur transparent de Véronique Ovaldé (L'Olivier)
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23 juillet 2015 4 23 /07 /juillet /2015 17:00
Lire la poésie : de A à Z... (28/50) N comme NERUDA

Un poète : Pablo Neruda (Chili - 1904-1973)

Un recueil : Chant général (Canto general) - 1950

Un poème :

                     Les ennemis

Ils sont venus ici avec leur fusils pleins de balles,
ils ont ordonné la dure extermination,
ils ont trouvé ici un peuple qui chantait,
un peuple rassemblé par le devoir et par l'amour,
et la fille gracile est tombée avec son drapeau,
et le garçon souriant a roulé blessé auprès d'elle,
et la stupeur du peuple a vu les morts s'abattre
avec furie, avec douleur.

Alors, à l'endroit même où sont tombés,
les assassinés,
les drapeaux, se baissant, se sont baignés de sang
pour à nouveau se dresser face aux assassins.

Au nom de ces morts, de nos morts,
je demande le châtiment.
Pour ceux qui ont éclaboussé de sang notre patrie,
je demande le châtiment.

Pour le bourreau qui a ordonné la tuerie,
je demande le châtiment.

Pour le traître qui s'est élevé sur le crime,
je demande le châtiment.

Pour celui qui lança l'ordre de l'agonie,
je demande le châtiment.

Pour les défenseurs de ce crime,
je demande le châtiment.

Je ne veux pas serrer leur main
ruisselante de sang.
Je demande le châtiment.
Je n'en veux pour Ambassadeur
bien à l'abri dans leurs maisons.

Je veux les voir jugés, ici,
sur cette place, à cet endroit.

Je veux pour eux le châtiment.

                                                            ----------------------------

El Canto General (titre original) est un hymne à l'Amérique latine et aux nations opprimées, en général.

« Entrepris par le poète au mois de mai 1938, le lendemain de la mort de son père, Le Chant général fut achevé plus de dix ans plus tard. Il se termine par ces mots :

"Ainsi finit ce livre, je laisse ici mon Chant général écrit dans la persécution, en chantant sous les ailes clandestines de ma patrie. Aujourd’hui 5 février, en cette année1949, au Chili, à Godomarde Chena, quelques mois avant la quarante-cinquième année de mon âge."

(Extrait de l'article paru sur le site Internet Bibliomonde)

                                                         -------------------------------------

Assurément Pablo Neruda est un des plus grands poètes du 20e siècle qu'il faut lire et relire. Son engagement politique a été la force de sa poésie toujours d'actualité.

Neruda a été consul en Asie puis en Espagne au moment de la Guerre d'Espagne. Il a soutenu les républicains. Il rentre au Chili en 1952 et sa force poétique le conduit à obtenir en 1971 le Prix Nobel de Littérature.

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9 juillet 2015 4 09 /07 /juillet /2015 17:25
Lire la poésie : de A à Z...(27/50) N comme Nys-Mazure

Un poète : Colette Nys-Mazure (née en 1939 - Belgique)

Un recueil : L'Eau à la bouche - Poésie, ma saison (Desclée de Brouwer -                                  collection "Littérature ouverte" - 2011)

Un poème :  

                           Radieuse

C'est une fille de haute liesse, à prendre la vie en proue, hisser les heures à vive allure, une femme libre de son essor. Elle rit vrai à la face du jour et son haleine a la fraîcheur des pointes d'herbe quand frémit l'aube. On tenterait de la retenir. La marge d'une étreinte, d'une page partagée, d'un morceau de pain rompu. Elle déjà plus loin que le tournant de l'été. On cherche son propre chemlin dans le sillage fulgurant.

(Colette Nys-Mazure, "Singulières et plurielles" copyright Desclée de Brouwer, 2002)

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Ce recueil est une anthologie poétique et voici comment la poétesse présente son recueil :

"Qu'est-ce qu'un poème dans la marche du monde? Peut-on encore écrire des poèmes après les horreurs des camps d'extermination et les génocides? Interrogations légitimes. Chaque homme qui naît recommence l'histoire, et la poésie, comme toute forme d'art, accompagne, éclaire, soutient son existence tout en creusant le mystère de l'être au monde. / La poésie est ma langue maternelle...

Et Colette Nys-Mazure présente une trentaine de poèmes d'auteurs très divers de Dany Laferrière à René Char ou Philippe Jaccottet sans oublier des poètes peu connus comme AndréSchmitz ou Georges Haltas, ainsi que le sien "La radieuse".

Un beau recueil à découvrir...

 

Et n'hésitez pas à aller sur le site de Colette Nys-Mazure

www.colettenysmazure.be

 

Bonne lecture,

Denis

(Petite relâche semaine prochaine pour cause de vacances)

Lire la poésie : de A à Z...(27/50) N comme Nys-Mazure
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8 juillet 2015 3 08 /07 /juillet /2015 20:47
Sept femmes de Lydia Salvayre (Points-Seuil)

Sept femmes de Lydia Salvayre (Points-Seuil - 226 pages - septembre 2014

Première édition - Perrin - 2013

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"Sept folles.

Pour qui vivre ne suffit pas. Manger, dormir et coudre des boutons, serait-ce là toute la vie ? se demandent-elles?

Qui suivent aveuglément un appel. Mais de qui, mais de quoi ? s'interroge Woolf.

sept allumées pour qui écrire est toute la vie." (page 7, début du livre)

Sept femmes que nous présente Lydia Salveyre. Sept femmes qui ont marqué sa vie de lectrice et d'écrivain.

1/ Emily Brontë

Emily a toujours aimé vivre à Haworth, là où son père officie en tant que pasteur. Elle est longtemps restée "enfant" aimant créer des fictions avec son frère et ses soeurs.

Et dans la solitude de Haworth les trois soeurs écrivent des poèmes et en obtiennent la publication  en un volume et sous pseudonyme. C'est alors qu'en 1846 Emily entreprend la terrible histoire de Heathcliff. Pour Lydie Salvayre , il incarne la révolte qu'elle a connue à 15 ans au moment où elle lisait ce livre et se sentait mal chez elle.

A sa parution le livre est conspué par la critique et il faudra attendre Swinburne, Woolf puis Bataille pour que l'éloge du livre soit enfin inscrite dans l'histoire littéraire.

2/ Djuna Barnes

Les meilleures années de la vie de Djuna Barnes ont été les années 20 passées à Paris dans l'univers des anglo-saxons qui admiraient Joyce. Lesbienne, elle eut plusieurs amies dont Thelma Wood. Bien vite la vie y fut insupportable et elle écrivit "les bois de la nuit" qui retrace ces années folles. Livre culte, il fut au début boudé par les américains. Elle revint aux États-Unis pour bientôt s'isoler complètement sans voir personne et mourir de vieillesse à 90 ans.

3/ Sylvia Plath

Elle a cru au bonheur en épousant l'écrivain Ted Hugues en 1956. Lui eut très vite la gloire littéraire tandis que ses poèmes restaient dans l'ombre. Elle a beaucoup utilisé l'ironie, elle qui avait été hantée par la mort et qui n'acceptait pas la suffisance qui fait oublier le jugement critique. Elle va avoir deux enfants de Ted puis il va en aimer une autre. Lasse de ses insuccès et de cette vie qui ne lui apporte rien, elle se suicide au gaz avec ses enfants. Sa gloire sera alors posthume.

4/ Colette

Sido a fait de sa fille une femme libre, souvent scandaleuse aux yeux des autres. "La naissance du jour" certes au style démodé aujourd'hui a enchanté l'auteure à quinze ans car elle y voyait la liberté d'être et de penser au fil des pages entrecroisées des lettres de Sido.

5/ Marina Tsvetaieva

L'oeuvre de Marina Tsvetaieva a été décriée en France et plus encore en Russie où bien qu'apolitique, elle préférait le tsar aux rouges. Elle a aimé son mari Sergueï Efron tout en lui étant infidèle toute sa vie par des coups de foudre éphémères avec des hommes et des femmes. Mais son plus bel amour fraternel aura été celui avec Boris Pasternak à travers leur poétique et belle correspondance. C'est là que les deux poètes ont pu le mieux exprimer leur poésie.

Depuis la France où personne du monde littéraire ne s'intéresse à elle, elle refuse toute compromission avec le régime stalinien tandis que Pasternak de l'intérieur en accepte au point que leur amitié s'effrite et que leur correspondance cesse. Acculée à la misère , elle rentre en URSS où sa fille et son mari sont déjà rentrés et bientôt arrêtés. Plus que jamais désœuvrée, elle préfère le suicide à une vie où sa poésie est complètement incomprise.

6/ Virginia Woolf

Sa vie a été ponctuée de deuils dont elle a cru pouvoir se détacher mais qui l'ont obsédée. Elle a connu de très bons moments avec sa soeur Vanessa, ses amis de Bloomsbury sans compter son amour pour son mari Leonard Woolf ou pour Vita Sackville-West.

A chaque fois qu'elle a achevé un livre elle a connu de longs moments de mélancolie menant à une sorte de "folie" comme elle l'a dit elle-même jusqu'à ce jour où elle s'est emplit les poches de cailloux avant de se jeter dans l'Ouse.

7/ Ingeborg Bachmann

Elle a été fille de nazi autrichien et rencontre Paul Celan en 1948 à Vienne un juif rescapé de la Shoah. Son Coeur bien sûr penche pour ceux qui ont combattu le nazisme car comme Thomas Bernhard elle a haï l'Autriche restée pro nazie.

Elle a aimé Celan l'éternel malheureux quand elle croyait que la littérature pouvait tout sauver. Elle s'est nourrie de la poésie de son ami toute sa vie et elle a écrit jusqu'à ce roman inachevé "Franza" qui décrit le meurtre psychologique de l'épouse par un homme qui pourrait s'assimiler à un bourreau nazi.

Un très beau livre pour retracer ces 7 trajectoires de femmes écrivains à lire, relire...

Bonne lecture,

Denis

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2 juillet 2015 4 02 /07 /juillet /2015 17:22
Lire la poésie : de A à Z... (26/50) M comme Mallarmé

Un poète : Stéphane Mallarmé (1842-1898)

Un recueil : Vers et proses (1893)

Un poème :

                          L'Azur

De l’éternel azur la sereine ironie
Accable, belle indolemment comme les fleurs,
Le poëte impuissant qui maudit son génie
À travers un désert stérile de Douleurs.

Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde
Avec l’intensité d’un remords atterrant,
Mon âme vide. Où fuir? Et quelle nuit hagarde
Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant?

Brouillards, montez! Versez vos cendres monotones
Avec de longs haillons de brume dans les cieux
Qui noiera le marais livide des automnes
Et bâtissez un grand plafond silencieux!

Et toi, sors des étangs léthéens et ramasse
En t’en venant la vase et les pâles roseaux,
Cher Ennui, pour boucher d’une main jamais lasse
Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.

Encor! que sans répit les tristes cheminées
Fument, et que de suie une errante prison
Éteigne dans l’horreur de ses noires traînées
Le soleil se mourant jaunâtre à l’horizon!

- Le Ciel est mort. - Vers toi, j’accours! donne, ô matière,
L’oubli de l’Idéal cruel et du Péché
À ce martyr qui vient partager la litière
Où le bétail heureux des hommes est couché,

Car j’y veux, puisque enfin ma cervelle, vidée
Comme le pot de fard gisant au pied d’un mur,
N’a plus l’art d’attifer la sanglotante idée,
Lugubrement bâiller vers un trépas obscur…

En vain! l’Azur triomphe, et je l’entends qui chante
Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus
Nous faire peur avec sa victoire méchante,
Et du métal vivant sort en bleus angelus!

Il roule par la brume, ancien et traverse
Ta native agonie ainsi qu’un glaive sûr;
Où fuir dans la révolte inutile et perverse?
Je suis hanté. L’Azur! l’Azur! l’Azur! l’Azur!

 

Stéphane Mallarmé, Vers et Prose, 1893

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Stéphame Mallarmé a été professeur d'anglais et a écrit ses poèmes pendant ses moments de temps libre. Il est perfectionniste et retravaille inlassablement ses textes. Il est d'abord influencé par Charles Baudelaire puis va se passionner pour Edgar Poe et son sens du fantastique.

Mallarmé se passionne pour la peinture et il soutient les Impressionnistes puis il devient le chef de file de l'avant-garde littéraire Son oeuvre la plus révolutionnaire est "Un coup de dés jamais n'abolira le hasard" écrit un an avant sa mort.

Bonne lecture,

Denis

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30 juin 2015 2 30 /06 /juin /2015 19:53
Traversées de Virginia Woolf (Gallimard - pléiade)

Traversées de Virginia Woolf

(Gallimard - tome 1 Oeuvres romanesques - Pléiade)

Texte traduit, présenté et annoté par Jacques Aubert

Titre original : "The voyage out" (1915)

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Le roman a été précédemment traduit sous le titre "La traversée des apparences" ou "Croisière". C'est le premier roman de Virginia Stephen, car elle n'était pas encore mariée avec Leonard Woolf, au moment de la publication du livre à Londres.

Longue gestation du roman entre 1907 et la date de publication avec de nombreuses versions et modifications.

Mr RIdley Ambrose et sa femme Helen se rendent sur le bateau que dirige Mr Pepper. Le propriétaire en est Willoughby Vinrace. Sa fille Rachel, nièce de Helen, est également embarquée sur ce navire, l' "Euphrosyne". L'objectif est de partir pour l'Amérique du Sud au départ de Londres où Mr Vinrace a des affaires à conduire, les Ambrose, eux, étant invités à séjourner dans la maison coloniale  prêtée par le frère de Helen.

Les débuts de la traversée sont très vite difficiles quand il faut affronter une tempête, le reste du temps, le voyage est plutôt calme et permet à Helen de mieux connaitre Rachel qui, à 24 ans, est peu éclairée sur le monde dans lequel elle vit, "couvée" par son père veuf, très occupé par ses affaires et qui a donné peu de libertés à sa fille.

A l'occasion d'une halte à Lisbonne, Mr Vinrace invite Mr et Mrs Dalloway à se joindre à eux jusqu'aux côtes africaines où ils débarqueront. C'est l'occasion de donner un peu de nouveau à cette traversée qui commençait à ennuyer Helen. Rachel s'est sentie bien avec les Dalloway et alors que Rachel aurait dû rester avec son père, Helen propose qu'elle vienne avec eux et elle pourra alors s'émanciper. Et de fait, une fois arrivés à la villa les Ambrose et Rachel font très vite connaissance avec les anglais installés dans un grand hôtel non loin de leur résidence.

Tout ce petit microcosme de la bourgeoisie londonnienne aime parler, deviser sur la musique ou la littérature, deux arts que Rachel aime beaucoup sans trop encore en connaitre toute "l'histoire". Un jeune homme va se charger de l'éduquer, d'abord Hirst puis son ami Hewet qui lui conseille fortement Gibbons et son histoire de l'empire romain. Rachel se montre plutôt docile et obéissante et bien vite elle s'aperçoit que l'amour peut envahir une personne et ses pensées. Mais là encore, elle laisse venir son ami Hewet qui lui parler de ces sentiments et elle comprend ainsi qu'elle ressent pour lui de l'amour.

Les personnages du roman semblent être pour beaucoup à l'image de Rachel avec en eux, quel que soit leur âge, un côté "naïf" où ce qui se passe peut leur paraitre étrange, inconnu. On pourrait parler aussi d'ingénuité. Ils ont le savoir, l'argent sans se sentir pour autant dominateurs. Il faut se rappeler aussi qu'ils sont en vacances, en période de "létargie".

Virginia Woolf connaît l'art du silence, de l'observation des autres et de la nature et aussi des discussions stériles ou non, selon qui parle et quand... Inévitablement, Rachel est au centre des "débats" bien malgré elle, encore une fois.

Pour se distraire, Mme Flushing organise avec son mari une escapade de plusieurs jours sur le fleuve qui passe près de l'hôtel, sans savoir que cette balade aura des conséquences tragiques... alors même que le bonheur de deux couples formés pendant ces mois de villégiature, Susan et Arthur, Rachel et Terence Hewet, aurait dû donner au roman une touche finale d'espoir et de rêves pour mieux aborder le retour vers Londres...

L'ami de Virginia Woolf qu'a été E.M. Forster a très bien résumé ce roman magistral : "Un livre étrange, tragique et inspiré, qui se déroule dans une Amérique du Sud introuvable sur aucune carte et atteinte par un bateau qui ne flotterait sur aucune mer, une Amérique imaginaire aux confins de Xanadu et d'Atlantis… C'est un roman qui n'a peur de rien..."

"Traversées" est un roman très accessible pour s'initier à l'univers de Virginia Woolf. J'ai retrouvé pour beaucoup une ambiance à la "Proust" avec de très belles phrases et une acuité de l'observation du monde qui entoure les personnages à couper le soufle. Tout est juste, pensé... Bref un chef d'oeuvre à lire absolument pour aimer à jamais la plume, le style et les pensées de VIrginia Woolf...

Bonne lecture,

Denis

Une nouvelle lecture pour terminer brillamment ce mois anglais de Martine, Cryssilda et Lou... Classiques féminins pour moi cette année avec Jane Austen, Emily Brontë et Virginia Woolf... Mais trois femmes écrivains au talent immense, sans frontière et sans âge...

 

Traversées de Virginia Woolf (Gallimard - pléiade)
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25 juin 2015 4 25 /06 /juin /2015 17:57
Lire la poésie : de A à Z... (25/50) M comme Maulpoix

Un poète : Jean-Michel Maulpoix (né en 1952)

Un recueil : Une histoire de bleu (1992)

Un poème :

                                        Le regard bleu

Nous connaissons par ouï-dire l'existence de l'amour.

Assis sur un rocher ou sous un parasol rouge, allongés dans le pré bourdonnant d'insectes, les deux mains sous la nuque, agenouillés dans la fraîcheur et l'obscurité d'une église, ou tassés sur une chaise de paille entre les quatre murs de la chambre, tête basse, les yeux fixés sur un rectangle de papier blanc, nous rêvons à des estuaires, des tumultes, des ressacs, des embellies et des marées. Nous écoutons monter en nous le chant inépuisable de la mer qui dans nos têtes afflue puis se retire, comme revient puis s'éloigne le curieux désir que nous avons du ciel, de l'amour, et de tout ce que nous ne pourrons jamais toucher des mains.

 

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Ce texte est le premier poème en prose du recueil "Une histoire de bleu" et de la première partie intitulée "Le regard bleu". Je vous invite à aller sur le site de Jean-Michel Maulpoix pour avoir la présentation de son recueil, accompagnée de pages du manuscrit.

J'ai  découvert l'oeuvre de l'auteur lors de la publication de son premier recueil chez Maurice Nadeau "Locturne" en 1978, et ce fut un plaisir de le retrouver avec ce recueil en prose autour de la couleur bleue.

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

 

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