14 novembre 2018
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Le Don paisible de Mikhaïl Cholokhov (Omnibus - 1 402 pages - 1991)
Traduit du russe par Antoine Vitez
Titre original : Tikhii Don
Postface de Claude Frioux avec la contribution d'Alla Chelvelkina
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Ce n'est pas une erreur de ma part : 1 376 pages pour le roman composé de 8 parties et 26 pages pour le dossier.
L'auteur Mikhaïl Cholokhov (1905-1984) s'est vu honoré du prix Nobel de Littérature en 1965 et du prix Staline (!) en 1941 pour son oeuvre, la principale restant "Le Don paisible" publié entre 1928 et 1940.
La paternité du livre a été contestée notamment par Alexandre Soljenitsyne qui considérait qu'une telle "épopée" qui raconte les années 1912 à 1922 ne pouvait avoir été écrite par un écrivain qui n'avait pas pu vivre les événements racontés avec tant de détails. Le manuscrit retrouvé permet d'authentifier l'auteur, réhabilitant Mikhaïl Cholokhov
Quoiqu'il en soit, ce livre est une réelle épopée au temps de la Grande Guerre suivie en Russie par la guerre civile jusqu'en 1922 entre les "Rouges", bolcheviques et les blancs, ici les Cosaques indépendantistes, pro tsaristes pour la plupart.
On suit un personnage principal, Grigori Melekhov, cosaque du Don, ce fleuve que l'on dit Paisible, entre autre dans les chansons "patriotiques" que les autochtones entonnent régulièrement.
Sa vie amoureuse, comme sa vie de militaire à partir de 1914, est tumultueuse. Il se montre vaillant, courageux, enragé. Issu du monde de la terre et né dans le village de Tatarski de la stanitsa Vechenskaïa, tout près du Don qui rythme la vie des habitants.
Beaucoup de pages sont consacrées aux conflits armés mais la qualité de la narration n'ennuie jamais le lecteur. De très nombreux personnages passent dans le roman et malgré cela on n'est jamais perdu.L'auteur sait nous intéresser à toutes les actions ponctuées de dialogues de haute qualité. Le fil narratif est structuré avec rigueur et ces 1 400 pages serrées dans cette édition passent avec un très grand bonheur de lecture.
J'admets que j'ai mis 80 jours pour lire l'intégralité du roman mais, à raison d'une heure par jour d'immersion dans le Don au côté de ces cosaques, c'était un vrai plaisir de lecture.J'ai terminé ce matin le roman et quelque chose va me manquer dans les jours qui viennent et je garderai longtemps à l'esprit l'aventure de ce roman.
La force du livre vient de ce qu'il n'est pas de "propagande". On va d'un camp à l'autre sans jugement de l'auteur. Il se met à hauteur de ses personnages dont beaucoup ont réellement existé et il décrit leur quotidien, leurs pensées, leurs actions et leurs sentiments.
Tantôt, ils sont prêts à devenir des "barbares", tantôt, ils s’assagissent, rêvent d'un retour dans un monde sans guerre, car pour ceux qui vont survivre comme Grigori il y aura eu 8 ans de combats acharnés, de retraites et de moments héroïques ou honteux.
Il n'y a pas de bons et de méchants, même chez les femmes, capables elles aussi de défendre leur patrimoine contre les agressions des troupes de passage,avec panache et sans vergogne, mais elles sont mères et amoureuses et elles savent être empathiques quand il le faut.
Ce livre est une belle leçon de courage et tout en étant pacifique, loin de cette guerre, j'ai vibré avec les uns et les autres,n'acceptant pas bien sûr les violences mais il fallait les replacer dans leur contexte.
Et puis, tel que dans un film,l'auteur sait prendre du recul pour nous "montrer"le rythme des saisons au bord du Don et dans la steppe avec des descriptions de la nature environnante.Ce sont là des respirations qui apaisent le propos,aident à se ressourcer comme le font les personnages.
Si vous aimez la littérature de qualité, prenez votre souffre et partez quelques semaines dans l'univers des cosaques du Don,vous ne le regretterez pas. Surtout que c'était il y a un siècle et les cosaques fidèles à leurs coutumes ont combattu à cheval, sabre en main.
Un chef d'oeuvre absolu que je voulais lire depuis tant d'années !!! Quelle belle aventure !
Bonne lecture,
Denis