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2 octobre 2013 3 02 /10 /octobre /2013 21:50

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Voici le seizième récapitulatif des articles publiés par Claire, Catherine, Heide, Natiora, Philisine Cave, Minou, Yv, Achille 49, Valentyne, Laure, Angeselphie, Opaline, Philippe, Anis, Malorie, Rosemonde, Lilou soleil et moi-même en "littérature francophone d'ailleurs" selon la géographie que j'ai proposée.   
 
Lou  de Libellus ainsi que Julie (lire sous les magnolias) nous ont rejoints.
Nous sommes ainsi vingt.  
 
J'ai également créé sur facebook un groupe littérature francophone d'ailleurs dans lequel vous pourrez mettre vos articles et éventuellement animer un forum de discussion. https://www.facebook.com/groups/314748795298305/
 
Le mois de septembre aura été exceptionnel pour le challenge, car plusieurs d'entre nous ont participé à "Québec en septembre", avec pour effet d'enrichir de façon importante la région "Québec - Canada". 
 
22 nouveaux articles pour cette période : 3 pour la Belgique (Fairon - Bauche, Nostalgie heureuse d'Amélie Nothomb et André Sempoux), 2 pour la Suisse (Yves Velan et Peeters - Levy), 15 pour le Canada (L"acquittement et La petite fille qui aimait les allumettes de Gaétan Soucy, Loisel - Tripp, Louis Hamelin, Les enfants du Sabbat et Les chambres de bois d'Anne Hébert, Bonbons assortis et La grosse femme d'à côté est enceinte de Michel Tremblay "2 articles", Jacques Poulain, Ces enfants de ma vie et Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy, Claire Martin et Du mercure sous la langue de Sylvain trudel - "2 articles"), 1 pour l'Afrique Sub-saharienne (Sembène Ousmane - Sénégal) et 1 pour les auteurs de langue française venus de pays non francophones (Lorand Gaspar de Transylvanie)
 

1/ Littérature des pays où le français est la langue maternelle des écrivains :

Belgique :

- Compartiment auteurs (Collectif) par Minou

-  Ca ressemble à de l'amour de Line Alexandre par Minou

- Jolie libraire dans la lumière de Franck Andriat par Philisine Cave et Minou   

- Diotime et les lions de Henri Bauchau par Philisine Cave

- L'enfant bleu de Henri Bauchau par Valentyne

-  Miraculeuse Maryllis de Frédéric Chanel par Minou    

-  Comme un roman-fleuve de Daniel Charneux par Minou

-  Saïméri de Béa Deru-Renard et Anne-Catherine de Boël par Catherine    

- Passés imparfaits de Patrick Dupuis par Philisine Cave et Minou

-  Prstigidi'saveurs d'Amandine Fairon et Olivier Bauche par Minou    

Petits contes amoureux de Gudule et Ribeyron par Catherine

- Trois ombres au soleil de John Henry par Philisine Cave

- Compartiment auteurs par Minou                     

- La dame de l'abeille de Françoise Houdart par Minou

- Les mots de Maud de Jean Jauniaux par Minou    

- Bjorn le morphier de Thomas Lavachery par Angeselphie

- La méridienne du coeur d'Aurelia Jane Lee par Minou

- Histoire de culte de Donimique Maes par Minou

- Amours à mort de Donimique Maes par Minou    

- La petite sirène de Myriam Mallié par  Minou    

- Les minutes célibataires de Valérie Nimal par Minou et Philisine Cave

- Barbe bleue de Amélie Nothomb par Natiora et Angeselphie

- La nostalgie heureuse de Amélie Nothomb par Julie  

- Dévoration (suivi de) Nuit blanche d'André Sempoux par  Minou

- Sur la pointe des mots de Marie France Versailles par Minou, Philisine Cave et Laure

- Eros en son absence de Sandrine Willems par Minou

- Una voce poco fa de Sandrine Willems par Minou

 

 

Suisse :

- La vérité sur l'affaire Harry Quebert de Joël Dicker par Philisine Cave

- Une aïeule libertine de Claudine Houriot par Minou    

- Quidam de Thierry Luterbacher par Natiora

- Chateau de sable de Frederik Peeters et Pierre-Oscar Levy par Julie    

- Le silence d'Ilona de Vincent Philippe par Natiora

- Je de Yves Velan par Lou de Libellus

 

Québec et Canada :

- Sous le manteau de silence de Claire Bergeron par Angeselphie

- Les maîtres de la pierre d'Isabelle Berrubey par Opaline

- La constellation du chien de Pascal Chevarie (théâtre) par Catherine

- Kuessipan de Naomi Fontaine par Anis

- Vengeance (Tome 1 : le glaive de Dieu) d'Hervé Gagnon par  Opaline 

- Les deux saisons du faubourg de Mylène Gilbert-Dumas par  Opaline 

- Cowboy de Louis Hamelin par Denis

- Les chambres de bois d'Anne Hébert par Denis

- Les enfants du sabbat d'Anne Hébert par Julie

- Marraine d'Hélène Koscielniak par Opaline

- Présence de l'absence de Rina Lasnier par Heide

- La vie épicée de Charlotte Lavigne (Tome 1) de Nathalie Roy par Opaline

- La marche en forêt de Catherine Leroux par Denis 

- Magasin général de Loisel et Tripp par Julie 

- Avec ou sans amour de Claire Martin par Denis    

- Les infirmières de Notre Dame (T1 - Flavie) de Maryline Pion par  Opaline

 - Volkswagen Blues de Jacques Poulain par Valentyne  

- Le chat de Danielle Pouliot par  Opaline   

- Ces enfants de ma vie de Gabrielle Roy par Julie    

- Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy par Denis  

- Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier par Opaline

- Les derniers jours de Smokey Nelson de Catherine Mavrikakis par

- Music Hall ! de Gaétan Soucy par Denis  

- La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy par Valentyne   

- L'acquittement de Gaétan Soucy par Julie     

- Mais qu'est-ce-que tu fais là tout seul de Pierre Szalowski par Philisine

- Ru de Kim Thúy par Minou et Laure

- Bonbons assortis de Michel Tremblay par Valentyne

- La grosse femme d'à côté est enceinte de Michel Tremblay par Denis et Julie

- Du mercure sous la langue de Sylvain Trudel par Denis  et Julie

 

2/ Littérature des pays où le français s'est développé comme langue de colonisation, et subsiste comme langue de culture ou de communication :

Afrique Subsaharienne :

- Cheval-roi de Gaston-Paul Effa (né au Cameroun) par Valentyne

- Je la voulais lointaine de Gaston-Paul Effa (né au Cameroun) par Laure

- Solo d'un revenant de Kossi Efoui (né au Togo) par bonheur de lire

- L'étrange rêve d'une femme inachevée de Libar Fofana (né en Guinée) par Claire

- Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane (née au Sénégal) par Philisine Cave

- Ecrivain et oiseau migrateur de Alain Mabanckou (né au Congo) par Denis

- Le sanglot de l'homme noir de Alain Mabanckou (né au Congo) par Natiora

- Le socle des vertiges de Dieudonné Niangouna (né au Congo) par Denis

- Le dernier de l'empire de Sembène Ousmane (né au Sénégal) par Lou de Libellus 

- Un fou noir au pays des blancs de Pie Tshibanda (né au Congo) par Angeselphie

 

Maghreb (Maroc, Tunisie, Algérie) :

- Le dernier ami de Tahar Ben Jelloun (Maroc) par Heide

- Partir de Tahar Ben Jelloun (Maroc) par  Valentyne   

- Puisque mon coeur est mort de Maïssa Bey (Algérie) par Denis

- La bohémienne endormie d'Hubert Haddad (Tunisie) par Minou

- L'automne des chimères de Yasmina Khadra (Algérie) par Angeselphie

- L'équation africaine de Yasmina Khadra (Algérie) par Heide

- Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra (Algérie) par Heide, Minou et Philisine Cave



Pays de la péninsule indochinoise (Vietnam, Cambodge, Laos) et Chine, Taïwan :

- Formose de Li-Chin Lin (Taïwan) (B.D.) par Catherine

3/ Littérature des îles

Iles créoles :

 

Antilles :

- Le papillon et la lumière de Patrick Chamoiseau par  Minou    

- Une saison au Congo d'Aimé Césaire par Denis

- La lessive du diable de Raphael Confiant par Denis

Haïti :

- Le charme des après-midi sans fin de Dany Laferrière par Natiora

- Les immortelles de Makenzy Orcel par Philisine Cave et Yv

- Absences sans frontières d'Evelyne Trouillot  par Valentyne

- Thérèse en mille morceaux de Lyonel Trouillot  par Denis

 

Iles de l'océan indien :

 

4/ Ecrivains qui ont choisi de s'exprimer en français (et qui ne viennent pas de ces pays)

 

- Les onze mille verges de Guillaume Apollinaire (Pologne) par Catherine 

- Sur les traces des sans visage d'Elisa Frutier (Brésil) par  Laure 

- La vie devant soi de Romain Gary (Russie) par Laure

- Sol absolu et autres poèmes de Lorand Gaspar (Transylvanie) par Sandrine    

- La montagne de jade de Xiaomin Giafferi-Huang (Chine) par Minou

- Col de l'ange de Simonetta Greggio (Italie) par Laure

Les mains nues de Simonetta Greggio (Italie) par Laure et Denis

L'odeur du figuier de Simonetta Greggio (Italie) par Minou

- L'armée de l'ombre de Joseph Kessel (Russie) par Laure

- Les cavaliers de Joseph Kessel (Russie) par Valentyne

- Mermoz de Joseph Kessel (Russie) par Denis

- Dames de Californie de Joseph Kessel (Russie) par Denis   

- L'équipage de Joseph Kessel (Russie) par Heide  

- La passante du sans-souci  de Joseph Kessel (Russie) par Valentyne     

- La vallée des rubis de Joseph Kessel (Russie) par lilou soleil

- Les désorientés d'Amin Maalouf (Liban) par Natiora

- Le livre des brèves amours éternelles d'Andréï Makine (Russie) par Minou

- Qui a tué le poète? de Luis de Miranda (Portugal) par Laure

-  Une langue venue d'ailleurs d'Akira Mizubayashi (Japon) par Minou

- La femme aux pieds nus de Scholastique Mukasonga (Rwanda) par Philisine cave

- Lira bien qui lira le dernier d'Hubert Nyssen (Belgique) par Laure

- Maudit soit Dostoïevski de Atiq Rahimi (Afghanistan) par Valentyne

- Syngué Sabour, pierre de patience de Atiq Rahimi (Afghanistan) par Heide

- La malédiction de Hyam Yared (Liban) par Yv

 

Pour ce qui concerne Catherine, je renvoie à sa géographie qu'elle a construite à partir de ses anciens articles. J'ajoute à présent ses nouveaux articles.

 

N'hésitez pas à nous rejoindre car il n'y a aucune contrainte à adhérer à notre "communauté". Uniquement, m'informez quand vous publiez un article sur un auteur francophone (hors français de métropole). 

Et n'oubliez pas que le challenge "Québec en septembre" organisé par Karine et Laurence à suivre sur facebook permettra d'inscrire les lectures québécoises dans ce challenge.   

 

Bonnes lectures francophones,

Denis

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28 septembre 2013 6 28 /09 /septembre /2013 21:25

 

 

Cowboy de Louis Hamelin (Stock - 418 pages - 1998)

Première édition au Canada 1992

 

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Cowboy est le surnom donné à un jeune amérindien de 20 ans vivant à Grande-Ourse, un village situé au nord de Montreal près de Sans-Terre et Tocqueville. Le village est fictif. Sa spécificité est qu'on y prône la propriété privée et la Pourvoirie en est le centre "vital". On y vend de l'alcool, du matériel de pêche et tout le nécessaire de vie du village. Monsieur l'Administrateur en est le directeur. Il est assisté de Bruno et de celui que l'on appelle le "Vieux". Un des jeunes du village, Gilles Deschênes (par ailleurs le narrateur de ce roman) y travaille pour l'été.

Gilles pourrait être un double de l'auteur qui a également travaillé dans une pourvoirie.

 

Le roman est divisé en cinq chapitres dont les titres sont des fêtes qui ont liue à Grande Ourse : le jour de Dollard, la Saint-Jean, The Independant Day, Noël en juillet et Pow wow.

Ici, les amérindiens sont relégués au-delà de la ligne de chemin de fer mais Cowboy, son frère Christophe et leurs amis : Karaté Kid, l'Amiral Nelson, Flamand, Gisèle et sa fille Salomé... viennent régulièrement autour de la Pourvoirie. Il faut dire que Gilles est un des seuls blancs à être ami avec eux. Les autres blancs sont plutôt haineux à leur égard et ils pensent plus à l'argent qu'à l'équité humaine. De leur côté les amérindiens ne cherchent pas à s'intégrer. Ils sont fainéants et souvent provocateurs.

Et tous, blancs, indiens s'adonnent volontiers à l'alcool, ce qui mène à la violence. Il va y avoir quelques drames au cours de ce roman qui vont contribuer à cette montée des antagonismes. Et au milieu, il y a les touristes américains, notamment, à l'image de Crazy Sam (on pense avec ironie à l'oncle Sam, bien sûr), un riche états-unien qui vient ici pour chasser l'ours. Mais des ours, il n'y en a pas vraiment là cet été ce qui n'est pas bon pour la réputation de Grande-Ourse;

 

Grande-Ourse, c'est donc un village qui semble vivre en autarcie, avec une police qui s'aventure très occasionnellement ici. Jacques Boisvert est un des riches commerçants du village, puisqu'il tient un hôtel avec sa femme Brigitte et une exploitation forestière près du lac Légaré accessible par hydravion. Son passé a été terni par le meurtre de Roméo Flamand, 12 ans auparavant. L'amérindien aurait été tué par son fils Gilles Boisvert, alors que tout le monde a pensé que c'est jacques le meurtrier. Mais aucune preuve n'a pu confirmer cette thèse.

 

Cette période est décrite en italique, tout au long du roman par un narrateur à la troisième personne, ce même Gilles Deschênes double narrateur. Deux narrations par un même Gilles avec au milieu un autre Gilles déclaré meurtrier.

 

Le roman alterne donc ces deux périodes autour de 5 fêtes qui rythment la vie du village et lui donne sa vitalité. L('intérêt du roman réside dans la description minutieuse de la vie dans une région isolée, microcosme où deux races ont bien du mal à cohabiter.

 

Gilles nous raconte son quotidien à la Pourvoirie et la vie autour de lui. Il est proche de Cowboy et de ses amis, refusant de flirter avec Salomé qu'il veut protéger car elle est encore très jeune. Il a par contre une aventure avec Brigitte Boisvert. Ce livre est donc une plongée dans un "autre Canada", celui que l'on connait très peu (du moins vu depuis l'Europe).

 

Je me suis attaché à cette histoire qui prend le temps d'avancer au fil des jours, avec cette énigme du passé en filigrane avec ce triangle canadiens blancs, états-uniens et amérindiens. L'argent et l'alcool savent les réunir pour le meilleur et pour le pire.

 

C'est donc un livre "atypique", "politique" aussi mais très bien écrit par Louis Hamelin, né en 1959 à Montreal et auteur d'une dizaine de roman. On a envie de prendre partie pour Gilles et ses amis Indiens, bafoués par les blancs, au racisme primaire.

 

Début du roman : "Ses amis l'appelaient Cowboy et il était Indien d'Amérique. il avait hérité de ce surnom un soir qu'on l'avait vu venir le long de la voie ferrée, sa silhouette efflanquée se découpant sur le couchant dans une longue capote western dont les plis battaient contre ses bottes de cuir. Ses amis, eux, s'appelaient Karaté Kid, Donald-les-bras et Judith, qui avait un teint couelur de pain, des moues généreuses et un genou agile. ils étaient les mousquetaires de la muskeg et Cowboy était leur surhomme. Ils formaient un clan, ils faisaient bloc."

 

Et un passage qui évoque le passé (page 97) : Gilles est de service ce soir-là. Il suspend les verres à l'envers au-dessus de sa tête. Parfois, une goutte se détache et lui percute le front, avec un impact de plomb. Il remplit d'autres verres. Verre plein, verre vide. Verre plein. Les hommes ont soif. Verre plein, verre vide. Rincé, suspendu à ce large luminaire au-dessus de sa tête. Une autre goutte qui les frappe au front. Ce front déjà haut, qu'il éponge. Il fait chaud. Se faire invisible. Serveur de verre".

 

Deux styles très différents comme vous pouvez le constater. Bref un livre à la narration diverse, variée comme ses personnages qui se croisent, s'aident, cohabitent...

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

Livre lu dans le cadre du  challenge "Québec en septembre" chez Karine et Laurence

Québec en septembre 2013 -2

 

 

Et cette lecture s'inscrit également dans mon challenge

"Littérature francophone d'ailleurs"

 

 

 

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27 septembre 2013 5 27 /09 /septembre /2013 07:00

 

Les chambres de bois d'Anne Hébert (Points - 172 pages - 1996)

Première édition au Canada : 1958

 

 

Premier roman d'Anne Hébert (1916-2000), écrivaine et scénariste canadienne, récompensé par le prix France-Canada, "Les Chambres de Bois" est classé dans la catégorie des "romans-poèmes" dans le livre "Le roman canadien-français du vingtième siècle " de Réjean Robidoux et André Renaud. Et de fait, Anne Hébert s'est faite connaitre par ses poèmes, dont un premier recueil "Les songes en équilibre" date de 1942. Et on sent bien cette sensibilité poétique dans ce roman.

Premier paragraphe : " C'était au pays de Catherine, une ville de hauts fourneaux flambant sur le ciel, jour et nuit, comme de noirs palais d'Apocalypse. Au matin, les femmes essuyaient sur les vitres des maisons les patines des feux trop vifs de la nuit."

 

Catherine est pauvre, fille aînée d'une famille dont la mère est morte très jeune. C'est elle qui gère le foyer et elle rencontre un jeune pianiste, Michel. Lui est issu d'un milieu riche, le père ayant un "domaine seigneurial". Elle se marie avec lui mais va se sentir cloîtrée chez elle, avec cet amour qui ne peut être consommé. Quand la soeur de Michel, Lia, également pianiste, vient s'installer chez eux elle comprend combien le frère aime la soeur.

Catherine dépérit, ne mange plus et est en pleine déprime. Heureusement pour elle, il y a Aline, la vieille servante très fidèle, qui va l'aider à traverser ces jours sombres qui se passent au coin du feu à entendre du piano. Et Catherine va sortir pour aller au bord de mer où elle rencontre Bruno. Et si elle vivait alors un grand amour, avec rêve de voyage et de nouvelle vie !!!

Voilà, l'intrigue est très simple, très linéaire. Le livre est divisé en trois parties avec de courts chapitres non numérotés et cette langu poétique envahit le roman.

Bien que court, ce livre demande à être lu lentement, comme s'il y aviat le tic-tac du temps monotone qui passe dans cet appartement où évolue ce trio bien triste, chacun absorbé dans ses rêves, dans son monde intérieur.

 

Un très beau livre, donc, où ce pourrait être l'éloge de la lenteur. Et on ne s'ennuie pas pour autant, fasciné par ces êtres malheureux, inhibés qui n'ont plus de vie sociale. Il faut sortir de ces "chambres de bois"...

 

Page 92 : "Lia demandait parfois à Catherine de lui faire la lecture. Catherine lisait mal, d'une voix monotone, trébuchant sur les morts difficiles, ou levant les yeux de son livre pour apercevoir, ne fût-ce qu'un instant, cette espère de mort extatique qui s'emparait parfois du visage de Lia, lissant ses paupières, pinçant ses narines, figeant tous ses traits. // Cahterinese demandait quelle puissance souveraine venait ainsi saisir la jeune femme au milieu de si pauvres soirées et, doucement, sous les yeux de Catherine et Michel, la faisait passer de l'autre côté du monde".

 

Page 143 : "Les cigales crièrent très haut leur chant de crécelle, le feu de midi s'établit sur toute chose. // Catherine et le jeune homme se retrouvaient maintenant tous les jours sur la plage, sans qu'aucune parole ne fût échangée entre eux. Marqués des mêmes signes : huile, soleil, eau et sel, ils campaient non loin l'un de l'autre, ne perdant rien des allées et venues de chacun, liés dans le vent comme des marins taciturnes".

 

En résumé, un excellent roman et c'était le troisième que je lisais d'Anne Hébert, après l'emblématique "Les fous de Bassan" et "Aurélien, Clara, Mademoiselle et le Lieutenant Anglais". Une auteure que je continuerai de lire par la suite.

 

Bonne lecture,

Denis

 

 

Livre lu dans le cadre d'une lecture commune pour  "Québec en septembre" chez Karine et Laurence

Québec en septembre 2013 -2

 

 

Et cette lecture s'inscrit également dans mon challenge

"Littérature francophone d'ailleurs"

 

 

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22 septembre 2013 7 22 /09 /septembre /2013 16:10

 

Du mercure sous la langue de Sylvain Trudel (10/18 - 125 pages - 2005)

Première édition Canada : 2001

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Ce livre a d'abord été une nouvelle, devenu roman sous ce titre.

Alors, ce texte ne peut être qu'un choc puisque c'est le récit autobiographique d'une fin de vie à seize ans. Frédéric Langlois vit ses derniers jours dans un hôpital de Montréal. Il écrit des poèmes qui parsèment le texte. Et à un moment, lui atteint d'un cancer de l'os de la hanche, dit être le poète Metastase. Alors, personne ne connaissant le personnage historique, son nouveau nom fait scandale ici, où tout est fait pour effacer la maladie, la cacher, faire semblant qu'elle n'existe pas.

Or Pietro Metastasio (1698-1782), dit Metastase, a bien existé. Il était librettiste et poète.

 

Frédéric voit sa famille, se fait des amis dotn Bruno qui va avoir plus de chance que lui puisqu'il va pouvoir sortir de l'hôpital. Marilou, poète à son heure aussi, devient aussi amie avec Frédéric. Lui qui n'a pas le temps d'être amoureux, trouve Marilou à son goût mais elle va être mutée dans un autre hôpital, et il ne la reverra pas.

Ce jeune homme est aigri contre la religion, contre la vie aussi et contre les bons sentiments. Il ne veut aucune pitié à son égard.

 

J'avoue que la manière de traiter le thème du livre ne m'a pas entièrement conquis. Surtout la fin, où la bible et la religion envahissent la narration sans rien apporter de très intéressant, sauf à comprendre que Frédéric n'attend rien de personne et encore moins des prêtres, même s'il imagine ce que peut être le prugatoire. Car son cynisme va jusqu'à écrire des lettres à remettre à sa famille pour les un an de sa mort, et dans l'une d'elle, il décrit le purgatoire tel qu'il le voit.

 

En résumé, pas de coup de coeur et des moments d'agacement.

 

Quelques extraits qui vous donnerons le ton du livre : (page 18) "(...) depuis un certain temps, je reçois toutes sortes de cadeaux inexplicables, du beau linge que j'userai pas, des Asterix et des Tintin que j'ai déjà lus cent fois, des trucs de luxe dont j'ai jamais même rêvé, comme un petit transistor qui se glisse sous l'oreiller, ou une lampe de poche miniature qui fait une vie dans la nuit ; et le facteur m'enterre de cartes de souhaits stéréotypés, achetées à la pharmacie entre les aspirines et les capotes, qui ont l'air de me crier adieu sous l'espoir imprimé en Ontario, et je pense que c'est un signe des temps".

 

Page 26 : "Depuis cette triste découverte médicale qui me perd sans retour, j'ai emménagé à l'hôpital où j'essaie tant bien que mal de me faire un petit chez-moi accueillant malgré la chaise roulante stationnée le long du mur et qui m'attend comme une limousine, prête à m'emmener vers de nouvelles aventures sans lendemain. Mais ça sera jamais la plus charmante des garçonnières ici, c'est entendu, et je dors dans un lit de métal froid..."

 

Page 54 : "Le lendemain, j'ai osé regarder Marilou dans les yeux pour lui dire : "Tu écris des poèmes mille fois meilleurs que moi." Elle a rougi, comme exaucée, et je me suis excusé d'avoir un coeur qui bat fort pour elle."

 

Page 76, le poème qui donne le titre du livre : "Je songe à un million de mystères, / du mercure sous la langue, / et je me demande : / si je croquais le thermomètre, / et si je buvais du mercurochrome, / verrais-je l'autre côté des mondes?"

 

On voit bien là tout le tragique du sujet et de la façon dont Frédéric le vit de l'intérieur. On comprend sa révolte, sa colère mais je n'ai pas pu être compatissant en me posant constamment la question : comment vivrais-je une telle situation? Et je n'ai pas la réponse évidemment. Sa lucidité devrait le conduire au suicide, pour arrêter tout cela et il réagit autrement avec la Bible en tête, semblant vouloir donner aux autres, des clés de vie...

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

 

Livre lu dans le cadre d'une lecture commune de Sylvain Trudel pour le challenge "Québec en septembre" chez Karine et Laurence

Québec en septembre 2013 -2

 

 

Et cette lecture s'inscrit également dans mon challenge

"Littérature francophone d'ailleurs"

 

 

 

 

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19 septembre 2013 4 19 /09 /septembre /2013 19:32

 

Avec ou sans amour de Claire Martin (CLF poche - Canada - 157 pages - 1970)

Première édition Canada 1958 - Prix du Cercle du Livre de France 1958

(Ce n'est pas la couverture de la collection de poche que j'ai lue)

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Claire Martin, née à Québec en 1914, a publié ce recueil de nouvelles en 1958, premier livre qu'elle a publié, primé en France dès sa sortie. Elle a publié au total 14 romans et recueils de nouvelles et s'approche de ses 100 ans. Son dernier livre a été publié en 2008 "Le feu purificateur".

27 courtes nouvelles d'environ 4-5 pages chacune, dont aucune ne donne son titre au recueil. Toutefois, passé le cap du titre qui pourrait faire penser à un livre "à l'eau de rose", on s'aperçoit que les amours décrits sont généralement malheureux. Pas de happy end dans ces nouvelles où l'amour se montre souvent éphémère, incompris. Les couples croient s'aimer et finalement finissent par se détester, avoir envie de se tuer, de se tromper. Il n'y a pas d'amour heureux dans ce recueil. Pas d'harmonie, pas de roucoulements amoureux éternels. Mais des brisures, des conflits...

La seule histoire qui donne du réconfort est cet amour de vieillards, dans la nouvelle qui s'intitule "La belle histoire". En effet, ces deux êtres se sont aimés et sont séparés, elle est à l'hôpital, lui vit chez sa brue. Alors, se voir dans leur lieu de fin de vie est impossible. Ils ont trouvé comme solution une maison de rendez-vous. Ils passent un moment dans une chambre et se parlent tranquillement. La femme de ménage a été surprise que chaque semaine, à la même heure, dans la même chambre, le lit reste fait et tout est en ordre après leur passage, ce qui n'est pas la coutume dans un tel établissement. Et c'est ainsi qu'elle va découvrir leur secret et ils vont lui expliquer la raison. Ces ceux-là vont tout de même mal finir...

 

Cette nouvelle débute ainsi : "Le métier de bonniche dans une maison de rendez-vous, croyez-moi, ça n'est pas un métier aussi drôle que vous pourriez le supposer. D'abord, je suis loin d'être aux premières loges. Et le peu que je pourrais attraper, si j'étais curieuse ou intéressée, serait, j'en ai peur, incurablement toujours la même chose. // J'ai commencé ça quand le travail était rare. Il fallait bien que je gagne ma vie. J'avais cherché dans tous les bureaux d'affaires de la ville, tous les magasins, tous les instituts de beauté, les ateliers de couture. Avant de mourir de faim, j'ai accepté cela."

 

Des textes brefs mais qui sont autant de tranches de vies où les couples et les amours sont malmenés. Un livre assez court mais qui ne se lit pas très vite car on a envie de "respirer" entre deux nouvelles, car si les thèmes sont très proches, il faut s'immerger très vite dans des univers où tout est dit avec concision et je ne me voyais pas "avaler" quatre ou cinq nouvelles de suite. J'ai pris mon temps de lecture avec deux - trois nouvelles par jour dispersées entre d'autres lectures dont Gabrielle Roy et Michel Tremblay. Des univers littéraires complètement différents.

Hors Canada, je ne pense pas qu'il soit facile de trouver ce livre, heureusement la bibliothèque du Havre a un fonds littéraire de très grande qualité, ce qui m'a permis de découvrir cette auteure.

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

 

Livre lu dans le cadre du challenge "Québec en septembre" chez Karine et Laurence

Québec en septembre 2013 -2

 

 

Et cette lecture s'inscrit également dans mon challenge

"Littérature francophone d'ailleurs"

 

 

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 21:04

 

La grosse femme d'à côté est enceinte (Chroniques du Plateau-Mont-Royal - 1)

de Michel Tremblay (Actes Sud - collection Thésaurus)

Première édition au Canada : Léméac - 1978

 

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Michel Tremblay, écrivain québécois né en 1942, a écrit de nombreux livres, dont beaucoup de pièces de théâtre, et entre autres, ces chroniques d'un quartier de Montréal : le plateau-Mont-Royal, un quartier sur les hauteurs, au-dessus de la rue Sherbrooke (dixit wikipedia, car hélas, je ne suis jamais allé au Canada).

Chroniques qui débutent avec "La grosse femme d'à côté est enceinte" en 1978 et qui se terminent en 1997 avec "Un objet de beauté". Au total, 6 chroniques qui forment un imposant gros volume dans la collection "Thésaurus" d'Actes Sud.

 

Pour cette première chronique, nous sommes le samedi 2 mai 1942 dans le quartier du Plateau-Mont-Royal. Le printemps est à son apogée et en ce jour de repos, le soleil donne la perspective d'une belle journée. Tout commence et finit avec les soeurs Rose, Violette et Mauve, filles de Florence, qui tout en tricotant, observent ce qui se passe dans la rue, depuis leur balcon.

La guerre gronde, là-bas, en Europe et aussi de plus en plus partout dans le monde. Les canadiens ont bien compris qu'ils allaient faire de la chair à canon. Alors, certains ont pris les devants et ont mis enceinte leur épouse. De ce fait, comme si tous les avaient faits le même jour, 7 femmes, dont la grosse femme d'à côté, déjà âgée puisque la quarantaine est arrivée. D'ailleurs, elle ne peut plus bouger et reste sur sa chaise tout le temps. Heureusement pour elle, sa famille s'occupe d'elle, à commencer par son mari Gabriel et sa belle-soeur Albertine.

Et par ce beau jour, le parc Lafontaine a réouvert et traditionnellement, les enfants vont y passer la journée, pendant que les mères font le ménage à fond.

alors, Thérèse, l'aînée 11 ans, emmène son petit frère Marcel 4 ans et son cousin Philippe.

 

Et il y a la grand-mère, Victoire, qui n'est pas sortie depuis plus de 2 ans. En ce beau jour, elle a décidé de se lever et de marcher. Elle demande à son fils Edouard de l'emmener avec lui. Et ils déambulent tous deux, elle lui tenant le bras. Les gens du quartier, à commencer par les trois tricoteuses, la croyaient mortes. Certains ne savent même pas qu'Edouard est son fils. Et elle va jusqu'ua parc retrouver ses petits-enfants. Thérèse y a ressenti son premier émoi amoureux en voyant le jeune gardien du parc qu'elle ose embrasser sur la bouche.

N'oublions pas la marchande du quartier qui vit avec son chat Duplessis en pleine osmose. Et Ti-Lou, la prostituée des riches habitants d'Ottawa venue prendre sa retraite ici, dans ce quartier. Elle s'est rangée et attend tranquillement la mort dans son lit. Béatrice, sa nièce, lasse de travailler pour presque rien, s'est laissée entraîner dans la prostitution par Mercedes.

Toutes deux ont "dépouillé" trois soldats et sont parties au parc, lieu où presque tout le monde se retrouve. Elles ont compris qu'elles sont à un tournant de leur "carrière" et Edouard va contribuer, bien malgré lui, à leur donner un nouvel élan à Montréal dans la lignée de Ti-Lou.

La journée avance ainsi du lever au coucher du soleil. Michel Tremblay raconte donc cette journée allant de personnages en personnages, qui se croisent par moment. Il donne quelques explications sur leur passé et se consacre essentiellement au présent, utilisant le langage du quartier dans la bouche de ses protagonistes. On ne s'ennuie jamais car l'auteur a un style très poétique, très réaliste aussi, laissant malgré cela les "acteurs" s'emporter dans leurs rêves ou dans leurs colères. Par exemple, Albertine qui s'insurge contre sa belle-soeur car son obésité l'empeche de travailler dans la maison et tout lui revient.

Trois ou quatre pages environ (format "Thésaurus"), sans paragraphes. Des blocs de mots par action rapportée, avec juste une ligne d'espace entre deux textes. Et ainsi pendant 180 pages (édition serrée).

  

Quelques extraits :

Page 68 : "Béatrice monta très lentement le premier des deux escaliers intérieurs qui menaient à l'appartement de Mercedes. Elle s'arrêtait à toutes les quatre ou cinq marches, s'appuyait contre le mur ou la main courante, soupirait. "Y fait si beau !" Elle s'arrêta au haut du premier étage et s'assit sur le pas de sa propre chambre qu'elle n'habitait presque plus mais qu'elle gardait "au cas où la chicane pognerait". C'était son refuge, le seul endroit au monde où elle pouvait être seule".

  

Page 81 : "Victoire n'était pas sortie de la maison depuis plus de deux ans. La dernière fois, elle s'en souvient trop bien, c'était  au tout début de la guerre, à Noël 1939, ce fameux soir où Paul, le mari d'Albertine, avait annoncé qu'il venait de s'enrôler  et qu'il risquait de partir pour l'Europe d'un jour à l'autre. La nouvelle avait quelque peu refroidi le réveillon qui avait lieu chez la soeur de Victoire, Ozéa ..."

 

Et page 106 : "C't'un beau nom, ça, Thérèse. C'est pas mal rare, aussi." "Oui. Ma mère, a'lisait ben des romans français avant de se marier pis al'avait décidé que si jamais al'avait une fillt, a'l'appellerait Thérèse. Chus la seule Thérèse, en sixième année, à mon école, pis on est trois classes de trente et une élèves." Thérèse s'était assise tout au fond du gros banc de bois peint en vert et ses pieds touchaient à peine le sol."

 

Après avoir lu "Bonheur d'occasion" de Gabrielle Roy (par moment en même temps), ce livre semble trente ans plus tard lui répondre. Même atmosphère, style bien différent, mais avec cette approche de la chronique, qui passe d'un personnage à un autre dans une même unité de temps et de lieu.

 

Très belle lecture, et deuxième coup de coeur littéraire, coup sur coup, en littérature québécoise. A recommander vraiment ces chroniques, et j'ai hâte de continuer avec le texte suivant : "Thérèse et Pierrette à l'école des Saints- Anges".

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

 

Livre lu dans une lecture commune autour des textes de Michel Tremblay et dans le cadre du challenge "Québec en septembre" chez Karine et Laurence

Québec en septembre 2013 -2

 

 

Et cette lecture s'inscrit également dans mon challenge

"Littérature francophone d'ailleurs"

 

 

 

 

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12 septembre 2013 4 12 /09 /septembre /2013 19:57

 

Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy (Boréal - 404 pages - 1993)

Edition originale : 1945

 

 

C'est le premier roman de l'auteure québécoise Gabrielle Roy (1909-1983) et il a obtenu en France le prix Fémina en 1947 lors de sa publication chez Flammarion.

 

C'est aussi l'un des premiers romans à parler du monde des ouvriers et des pauvres au Canada, l'acrivaine n'étant pas issue de ce milieu. Dans une interview à la télévision canadienne, elle dit :

"C'était une période de ma vie où je m'ennuyais beaucoup... de ma famille... mais cet ennui me fut très utile parce que dans cet ennui je commençais à marcher, à marcher beaucoup... je cherchais de préférence les quartiers populeux... je fus aussitôt fascinée par les odeurs, la vatalité de ces quartiers... C'est alors que j'ai découvert la misère de ce peuple de Saint-Henri, la misère qui était l'oeuvre du chômage, qui avait détruit la fibre de fierté humaine... qui avait fait des ravages dans notre peuple... La guerre paraissait comme un salut... une espèce d'avenir pour les jeunes... L'indignation fut le moteur de Bonheur d'occasion". (page 77 - "Le roman canadien-français du vingtième siècle par Réjean Robidoux et André Renaud)

 

Ce témoignage de l'auteure résume bien son projet romanesque. On sent qu'elle a observé ce monde qui lui était étranger comme un écrivain naturaliste l'aurait fait au 19e siècle. Le langage de ce quartier "authentifie" le côté très réaliste du roman.

 

On suit essentiellement la vie d'une famille, les Lacasse sur quelques mois. Au début on est fin février 1940, la guerre a été déclarée en Europe, le Canada a d'ailleurs déclaré la guerre à l'Allemagne le 10 septembre 1939.

Eugène, l'un des nombreux enfants s'est engagé contre l'avis de ses parents mais il dit qu'il pourra ainsi subvenir aux besoins de la famille.

Florentine, la fille ainée, travaille dans un restaurant et connait ses premiers émois amoureux avec Jean Lévesque, un jeune homme ambitieux, qui met sa carrière en premier. Toutefois, il vient manger au Quinze-Cents où elle travaille, il la remarque l'invite au cinéma et va jouer un peu avec ses sentiments, car il comprend qu'elle s'attache à lui. Et un dimanche que les Lacasse sont partis voir la famille de la mère, Florentine invite Jean et avec pudeur, l'auteure nous fait comprendre qu'ils se sont aimés. Elle s'intéresse aussi à Emmanuel, un ami de Jean, qui, lui semble l'aimer.

Voilà pour l'intrigue "amoureuse", mais il y a aussi la vie difficile des Lacasse, car le père Azarius ne travaille plus ou presque plus. Il est considéré comme un fainéant dans le quartier. Ce sont d'ailleurs les deux aînés qui font vivre la famille. Cependant, la mère, Rose-Anna, subit la situation avec "fatalisme", se contentant de faire plaisir aux siens autant que l'on peut apporter du bonheur quand on n'a pas d'argent... Elle compense par son amour familial, pardonnant les écarts à tous, y compris et surtout à son mari. Elle est enceinte à nouveau, bien qu'âgée de 40 ans, mais elle donne toute son affection aussi à Daniel, un des jeunes enfants, dont l'anémie risque de le condamner à mort et qui a dû être hospitalisé sur une longue durée...

 

Florentine se doit aussi de croire en l'avenir, même si elle s'est sentie délaissée par Jean et Emmanuel (qui s'est engagé comme son frère dans l'armée). . Elle a du caractère pour toujours rebondir et croire à ces "bonheurs d'occasions". Elle veut être coquette aussi et tenter de faire oublier la misère dans laquelle elle vit.

 

Quelques personnages que l'on dira "secondaires" participent à ce tableau, cette chronique pourrait-on dire aussi de Saint-Henri, tel Sam Latour qui tient un restaurant où l'on parle souvent de la guerre. Car la guere gronde au loin, très loin. Malgré tout, la France, là-bas, on ne l'oublie pas et l'on sait qu'un jour ou l'autre il faudra aller défendre ce pays-là et les anglais, aussi, qui sont alliés.

 

Je me suis attaché tout de suite à ces humbles montréalais qui luttent avec optimisme pour leur survie. J'ai senti dans ce roman, sans pathos, une grande empathie de l'auteure pour ses personnages, les portant toujours, même dans les moments difficiles, rendant le lecteur que je suis également attentif à leur destin. Et puis, Gabrielle Roy écrit dans une très belle langue, avec un style qui m'a vraiment plu, car elle sait enchainer les actions, dresser des portraits et montrer la vie à Saint Henri avec justesse de ton, avec des mots simples qui forment des phrases qui coulent et qui nous "emportent".

Je me dis qu'ayant été fils d'ouvriers, né dans les années 50, sans avoir connu cette misère, mais sachant qu'il fallait se "priver" pour boucler les fins de mois, on savait rester optimiste et heureux de vivre, au jour le jour, des petits bonheurs. D'où sans doute mon bonheur de lecture et ce terrible coup de coeur pour ce roman.

 

Page 35 : "Le train passa. Une âcre odeur de charbon emplit la rue. Un tourbillon de suie oscilla entre le ciel et le faite des maisons. La suie commençant à descendre, le clocher Saint-Henri se dessina d'abord, sans base, comme un flèche fantôme dans les nuages. L'horloge apparut ; son cadran illuminé fit une trouée dans les traînées de vapeur ; puis, peu à peu, l'église entière se dégagea, haute architecture de style jésuite".

 

Page 57 :" - Toi, dit-il, t'as eu de la chance. Si tu veux faire le héros, c'est ton affaire. Chacun sa business . Mais nous autres, qu'est-ce qu'on a eu de la société?  Regarde-moi, regarde Alphonse. Qu'est-ce qu'a nous a donné à nous autres la société? Rien. Pis, si t'es pas encore content, regarde Pitou. Quel âge qu'il a Pitou? Dix-huit ans... eh ben ! il a pas encore fait une journée d'ouvrage payé dans sa vie. Et v'là betôt  cinq and qu'il est sorti de l'école à coups de pieds dans la bonne place et pis qui cherche. C'est-y de la justice, ça? Trois ans à courir à drette et à gauche, et à apprendre d'aut' chose qu'à ben jouer de la guitare ! Et v'là not' Pitou qui fume comme un homme, mâche comme un homme, crache comme un homme, mais y a pas gagné une tannante de cenne de toute sa saprée vie. Trouves-tu ça beau, toi? Moi, je trouve ça laite, ben laite."

 

Page 122 : " Ah ! c'était bien là sa mère, songea Florentine, trouvant tout de suite le langage de leur ennui : Hors de la maison, elle avançait avec un sourire gêné. Elle ne voulait pas éteindre la jeunesse, au contraire, voulait s'y réchauffer, s'efforçait à la gaieté, mais malgré elle c'étaient des mots de peine qui venaien à ses lèvres. C'étaient là ses vrais mots de salutation. Et peut-être étaient-ce les plus sûrs pour toucher les siens, car sauf les soucis, qu'est ce donc qui les tenait tous ensemble ? Etait-ce que c n'était pas là ce qui, dans dix ans, dans vingt ans, résumerait encore mieux la famille?"

 

Trois extraits de description, dialogue et réflexion des personnages, quasiment toujours dans des "entre deux"...

 

N'hésitez pas à rencontrer ces "gens" et à faire un bout de chemin avec eux, pendant 400 pages... et longtemps ensuite dans votre mémoire...

 

Bonne lecture, 

 

Denis

 

 

Livre lu dans une lecture commune autour des romans de Gabrielle Roy et dans le cadre du challenge "Québec en septembre" chez Karine et Laurence

Québec en septembre 2013 -2

 

 

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"Littérature francophone d'ailleurs"

 

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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 16:50

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Voici le quinzième récapitulatif des articles publiés par Claire, Catherine, Heide, Natiora, Philisine Cave, Minou, Yv, Achille 49, Valentyne, Laure, Angeselphie, Opaline, Philippe, Anis, Malorie, Rosemonde, Lilou soleil et moi-même en "littérature francophone d'ailleurs" selon la géographie que j'ai proposée.
 
Nous sommes ainsi dix-huit.  
 
J'ai également créé sur facebook un groupe littérature francophone d'ailleurs dans lequel vous pourrez mettre vos articles et éventuellement animer un forum de discussion. https://www.facebook.com/groups/314748795298305/
 
 11 nouveaux articles pour cette période : 3 pour la Belgique (Frédéric Chanel, Amours à mort de Dominique Maes et Jean Jauniaud), 1 pour la Suisse (Claudine Houriot), 2 pour le Canada (Gaétan Soucy et Mylène ), 1 pour l'Afrique Sub-saharienne (Le sanglot de l'homme noir de Alain Mabanckou), 1 pour les Antilles (Patrick Chamoiseau), 2 pour Haïti (Evelyne Trouillot et Lyonel Trouillot) et 1 pour les auteurs de langue française venus de pays non francophones (Akira Mizubayashi - Japon)
 

1/ Littérature des pays où le français est la langue maternelle des écrivains :

Belgique :

- Compartiment auteurs (Collectif) par Minou

-  Ca ressemble à de l'amour de Line Alexandre par Minou

- Jolie libraire dans la lumière de Franck Andriat par Philisine Cave et Minou   

- Diotime et les lions de Henri Bauchau par Philisine Cave

- L'enfant bleu de Henri Bauchau par Valentyne

-  Miraculeuse Maryllis de Frédéric Chanel par Minou    

-  Comme un roman-fleuve de Daniel Charneux par Minou

-  Saïméri de Béa Deru-Renard et Anne-Catherine de Boël par Catherine    

- Passés imparfaits de Patrick Dupuis par Philisine Cave et Minou

Petits contes amoureux de Gudule et Ribeyron par Catherine

- Trois ombres au soleil de John Henry par Philisine Cave

- Compartiment auteurs par Minou                     

- La dame de l'abeille de Françoise Houdart par Minou

- Les mots de Maud de Jean Jauniaux par Minou    

- Bjorn le morphier de Thomas Lavachery par Angeselphie

- La méridienne du coeur d'Aurelia Jane Lee par Minou

- Histoire de culte de Donimique Maes par Minou

- Amours à mort de Donimique Maes par Minou    

- La petite sirène de Myriam Mallié par  Minou    

- Les minutes célibataires de Valérie Nimal par Minou et Philisine Cave

- Barbe bleue de Amélie Nothomb par Natiora et Angeselphie

- Sur la pointe des mots de Marie France Versailles par Minou, Philisine Cave et Laure

- Eros en son absence de Sandrine Willems par Minou

- Una voce poco fa de Sandrine Willems par Minou

 

 

Suisse :

- La vérité sur l'affaire Harry Quebert de Joël Dicker par Philisine Cave

- Une aïeule libertine de Claudine Houriot par Minou    

- Quidam de Thierry Luterbacher par Natiora

- Le silence d'Ilona de Vincent Philippe par Natiora

Québec et Canada :

- Sous le manteau de silence de Claire Bergeron par Angeselphie

- Les maîtres de la pierre d'Isabelle Berrubey par Opaline

- La constellation du chien de Pascal Chevarie (théâtre) par Catherine

- Kuessipan de Naomi Fontaine par Anis

- Vengeance (Tome 1 : le glaive de Dieu) d'Hervé Gagnon par  Opaline 

- Les deux saisons du faubourg de Mylène Gilbert-Dumas par  Opaline 

- Marraine d'Hélène Koscielniak par Opaline

- Présence de l'absence de Rina Lasnier par Heide

- La vie épicée de Charlotte Lavigne (Tome 1) de Nathalie Roy par Opaline

- La marche en forêt de Catherine Leroux par Denis 

- Les infirmières de Notre Dame (T1 - Flavie) de Maryline Pion par  Opaline

- Le chat de Danielle Pouliot par  Opaline   

- Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier par Opaline

- Les derniers jours de Smokey Nelson de Catherine Mavrikakis par

- Music Hall ! de Gaétan Soucy par Denis  

- Mais qu'est-ce-que tu fais là tout seul de Pierre Szalowski par Philisine

- Ru de Kim Thúy par Minou et Laure

 

2/ Littérature des pays où le français s'est développé comme langue de colonisation, et subsiste comme langue de culture ou de communication :

Afrique Subsaharienne :

- Cheval-roi de Gaston-Paul Effa (né au Cameroun) par Valentyne

- Je la voulais lointaine de Gaston-Paul Effa (né au Cameroun) par Laure

- Solo d'un revenant de Kossi Efoui (né au Togo) par bonheur de lire

- L'étrange rêve d'une femme inachevée de Libar Fofana (né en Guinée) par Claire

- Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane (née au Sénégal) par Philisine Cave

- Ecrivain et oiseau migrateur de Alain Mabanckou (né au Congo) par Denis

- Le sanglot de l'homme noir de Alain Mabanckou (né au Congo) par Natiora

- Le socle des vertiges de Dieudonné Niangouna (né au Congo) par Denis

- Un fou noir au pays des blancs de Pie Tshibanda (né au Congo) par Angeselphie

 

Maghreb (Maroc, Tunisie, Algérie) :

- Le dernier ami de Tahar Ben Jelloun (Maroc) par Heide

- Partir de Tahar Ben Jelloun (Maroc) par  Valentyne   

- Puisque mon coeur est mort de Maïssa Bey (Algérie) par Denis

- La bohémienne endormie d'Hubert Haddad (Tunisie) par Minou

- L'automne des chimères de Yasmina Khadra (Algérie) par Angeselphie

- L'équation africaine de Yasmina Khadra (Algérie) par Heide

- Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra (Algérie) par Heide, Minou et Philisine Cave



Pays de la péninsule indochinoise (Vietnam, Cambodge, Laos) et Chine, Taïwan :

- Formose de Li-Chin Lin (Taïwan) (B.D.) par Catherine

3/ Littérature des îles

Iles créoles :

 

Antilles :

- Le papillon et la lumière de Patrick Chamoiseau par  Minou    

- Une saison au Congo d'Aimé Césaire par Denis

- La lessive du diable de Raphael Confiant par Denis

Haïti :

- Le charme des après-midi sans fin de Dany Laferrière par Natiora

- Les immortelles de Makenzy Orcel par Philisine Cave et Yv

- Absences sans frontières d'Evelyne Trouillot  par Valentyne

- Thérèse en mille morceaux de Lyonel Trouillot  par Denis

 

Iles de l'océan indien :

 

4/ Ecrivains qui ont choisi de s'exprimer en français (et qui ne viennent pas de ces pays)

 

- Les onze mille verges de Guillaume Apollinaire (Pologne) par Catherine 

- Sur les traces des sans visage d'Elisa Frutier (Brésil) par  Laure 

- La vie devant soi de Romain Gary (Russie) par Laure

- La montagne de jade de Xiaomin Giafferi-Huang (Chine) par Minou

- Col de l'ange de Simonetta Greggio (Italie) par Laure

Les mains nues de Simonetta Greggio (Italie) par Laure et Denis

L'odeur du figuier de Simonetta Greggio (Italie) par Minou

- L'armée de l'ombre de Joseph Kessel (Russie) par Laure

- Les cavaliers de Joseph Kessel (Russie) par Valentyne

- Mermoz de Joseph Kessel (Russie) par Denis

- Dames de Californie de Joseph Kessel (Russie) par Denis   

- L'équipage de Joseph Kessel (Russie) par Heide  

- La passante du sans-souci  de Joseph Kessel (Russie) par Valentyne     

- La vallée des rubis de Joseph Kessel (Russie) par lilou soleil

- Les désorientés d'Amin Maalouf (Liban) par Natiora

- Le livre des brèves amours éternelles d'Andréï Makine (Russie) par Minou

- Qui a tué le poète? de Luis de Miranda (Portugal) par Laure

-  Une langue venue d'ailleurs d'Akira Mizubayashi (Japon) par Minou

- La femme aux pieds nus de Scholastique Mukasonga (Rwanda) par Philisine cave

- Lira bien qui lira le dernier d'Hubert Nyssen (Belgique) par Laure

- Maudit soit Dostoïevski de Atiq Rahimi (Afghanistan) par Valentyne

- Syngué Sabour, pierre de patience de Atiq Rahimi (Afghanistan) par Heide

- La malédiction de Hyam Yared (Liban) par Yv

 

Pour ce qui concerne Catherine, je renvoie à sa géographie qu'elle a construite à partir de ses anciens articles. J'ajoute à présent ses nouveaux articles.

 

N'hésitez pas à nous rejoindre car il n'y a aucune contrainte à adhérer à notre "communauté". Uniquement, m'informez quand vous publiez un article sur un auteur francophone (hors français de métropole). 

Et n'oubliez pas que le challenge "Québec en septembre" organisé par Karine et Laurence à suivre sur facebook permettra d'inscrire les lectures québécoises dans ce challenge.   

 

Bonnes lectures francophones,

Denis

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9 août 2013 5 09 /08 /août /2013 21:05

 

Music-Hall !  de Gaétan Soucy

(Le Seuil - 391 pages - 2002 /Pour le Canada Editions Boreal)

 

Né en 1958 à Montreal, Gaétan Soucy est décédé le 9 juillet 2013. 6 oeuvres en 20 ans, dont celui qui l'a rendu célèbre : "La petite fille qui aimait trop les allumettes".

 

Pour rendre hommage à cet auteur trop rare, Cryssilda Collins, du blog Cryssilda.canalblog.com, nous a proposé une lecture d'une de ses oeuvres pour ce 9 août, juste un mois après son décès.

 

J'avais ce roman "Music-Hall !" dans ma bibliothèque depuis 10 ans, et c'était l'occasion rêvée de le lire.

J'avais eu un choc en lisant "La petite fille...", un livre très novateur, original. C'est un même effet que je ressens après avoir refermé "Music-Hall !", ce matin.

Un livre à l'écriture intelligente, sublime pour un roman qui est plutot un "conte philosophique" (pas surprenant pour un auteur, enseignant en philosophie).

Le héros principal, Xavier X. Mortance, 17 ans est apprenti démolisseur. Il travaille pour L'Ordre des démolisseurs en pleine période de démolition dans le New York de 1929, juste avant le krach boursier. Le contremaitre, Lazare, ne le supporte pas. Heureusement, celui qui se fait appeler "le philosophe" l'a pris sous sa coupe et le protège contre les "gros durs" de l'Ordre.

Xavier découvre un coffret et l'emmène chez lui. Il l'ouvre et tombe sur une grenouille intelligente : elle chante et fait des discours !!! Son nom : Strapitchacoudou.

Son autre protectrice est Peggy Sue Hoara, une coiffeuse qui espère pouvoir s'occuper de la grande vedette Marie Picquefort quand elle va venir se montrer à New York.

Avant elle, un autre personnage de cinéma vient à New York, c'est Griffith, le cinéaste en perte de notoriété. Il vient filmer et recueillir des témoignages de démolisseurs.

Face aux démolisseurs, il y a les démolis, qui n'ont aucun pouvoir que celui de voir tomber leur demeure. Ils essaient bien de se révolter et tombent sur Xavier qui est un bon bouc émissaire. Il va d'ailleurs passer le livre avec cette malheureuse infortune d'être battu, malmené, pris pour un bon à rien... Rien ne va bien pour lui... Il perd la trace des démolisseurs et Peggy le prend en charge, l'invitant à aller voir un spectacle de music-hall : "le mandarin rafistolé" (nom prémonitoire, mais je n'en dis pas plus). De là, une nouvelle orientation va s'offrir à Xavier : être embauché par Cagliari, directeur de music-hall, pour présenter sa grenouille sur scène pour la faire chanter et parler. Xavier accepte le contrat et permet une avance sur recette, mais la grenouille n'en fait qu'à sa tête, et de nouveau Xavier va vivre des moments difficiles, devant travailler au Magestic pour rembourser son avance sur contrat largement entamée.

Alors, vous aurez compris que ce roman est un conte, une allégorie dont le cadre se situe à New York, ville ô combien importante en 1929, ville par laquelle le malheur s'est abattu sur le pays et le monde.

On y rencontre détranges personnages comme Jeff l'amnésique, Ariane, morte à 7ans d'une chute d'escalier et qui réapparait régulièrement tel un sceptre. Justine, la soeur de Xavier est une étrange femme. On croise aussi l'aveugle qui croit beaucoup en Wavier et le soutient (3e ami). Seulement, Xavier erre de plus en plus dans la ville à la recherche des démolisseurs, car il est persuadé que sa vie est là et pas ailleurs.

Autre personnage étonnant : Rogatien Long-d'Ailes, chirurgien, ami de Cagliari.

Il y aura souvent des morts dans ce roman plutot triste et désenchanté.

Mais, alors, quel style ! quelle manière de raconter ! que l'on se laisse porter par ses descriptions, ses personnages hauts en couleur, et que d'animaux aussi, à commencer par la grenouille.

Voici l'incipit : "Le tout commença par une chute". La suite : "Alors qu'il était accroupi pour lacer ses bottines, le jeune homme reçut un coup de genou entre les omoplates. Il dégringola jusqu'au fond du ravin... Nous sommes à New York, fin des années vingt, sur un chantier de démolition. Le garçon était un émigrant de fraîche date. C'est du moins ce qu'il affirmait. Il avait nom Xavier X. Mortanse".

 

Le ton est donné dès la première page et 390 pages vont suivre pleines d'invention, de fantaisie, mais maîtrisés par l'auteur qui ne laisse rien au hasard et qui sait cadrer l'atmosphère du roman. Du grand oeuvre, vraiment.

Dernier extrait (pris au hasard, car tout serait à citer), page 47 : "En s'assoyant sur son lit, il se rendit compte qu'il était tombé dans le sommeil sans desserrer les planchettes de son ingénieuse confection. Tant pis. L'horloge du port indiquait onze heures passées. Il demeura quelques instants les coudes sur les genoux et le front entre les mains. Le souvenir de sa journée lui traversa l'esprit et il se redressa brusquement. Le coffret était toujours là. Il s'en approcha, avec une excitation mêlée d'angoisse, il fit jouer la clef dans la serrure. //  Mais finalement ne l'ouvrit pas.

Xavier ne sait pas alors qu'il y a une grenouille dans son coffre.

Le dénouement du roman est "extraordinaire" dans tous les sens du terme.

Dernier point : l'auteur date son livre à la fin : Nagasaki (été 1988) - Longueuil et Sainte Agathe des Monts  (mars 2001 - mai 2002). C'est ainsi son premier roman écrit sur 13 ans et qui devient donc le 5e dans l'ordre des parutions.

 

Un immense "coup de coeur" que ce livre car j'aime les livres comme celui-ci où l'écriture, le style, la narration ont une importance particulière qui sait porter ensuite une histoire aussi abracadabrante qu'elle puisse être... pour le bonheur du lecteur, qui se laisse alors porter par les mots sur un lit de délice littéraire.

Vous retrouverez les liens de cette lecture de Gaétan Soucy sur le blog de Cryssalda.

 

J'inscris également ce livre dans ma thématique "Littérature francophone d'ailleurs"

 

 

Bonne lecture,

 

Denis

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8 août 2013 4 08 /08 /août /2013 21:36

 

Thérèse en mille morceaux de Lyonel Trouillot

(Babel - 115 pages - première édition Actes Sud - 2000)

 

Début du roman : "Un jour de mars 1962, Thérèse Décatrel prit l'autobus de l'aube et quitta la ville du Cap pour ne plus jamais y revenir. Pour tout bagage elle emportait son journal intime, et trois-cent vingt-neuf piastres et quatre-vingts centimes..."

 

On sait tout de suite de quoi parlera ce roman de Lyonel Trouillot qui se passe à Haïti, (Le Cap étant la ville "Le Cap-Haïti). Le personnage principal est Thérèse. Elle a 26 ans et s'ennuie dans sa vie. Elle est mariée à Jean. Elise, sa soeur, est traitée par elle de "pute" et a épousé un pharmacien, Jérôme.

Et survient une autre Thérèse, qui lui parle à l'oreille, qui la conseille.

Anna est entrée dans la vie de Jean et Thérèse lui annonce son intention de partir. Et l'auteur nous fait lire ses carnets remplis de tristesse sur sa vie et porteurs d'espoir pour elle aussi, car elle n veut pas s'enfermer dans la monotonie de sa vie.

Père alcoolique mort accidentellement, sans que l'on croit trop à cette version car une femme l'a rejeté violemment quand il a voulu abuser d'elle. Ce père qui buvait l'argent que lui faisaient gagner les ouvriers, mal payés, exploités, qui regardaient d'un mauvais oeil cet homme. Et Thèrèse a vécu tout cela, une jeunesse non dorée.

Et Jean, alors, lui, fait passer Thérèse pour folle afin qu'elle ne soit pas embêtée par la milice qu'il dirige !!!... Comment voulez-vous que cette femme, portée par la voix de son double de surcroît, n'ait pas envie de partir, pour vivre enfin, en toute liberté... loin des tracas de ce quotidien qui la "harcèle"...

Sa vie est en "mille morceaux", pour reprendre le titre très évocateur de cette vie qui doit "éclater" par tout moyen, dont celui de partir.

Comme toujours chez Lyonel Trouillot, la langue est magnifique, d'une poésie à couper le souffle. On ne peut qu'être sous le charme de ses mots et ses phrases.

Beaucoup de simplicité chez lui, une épure de la langue pour dire les choses.

Exemple page 58 : "Regarde, Thérèse. Ne prend pas tes yeux de petite fille de manuel de lecture expliquée, tes yeux de biche, tes yeux d'innocence barricadée derrière ta porte en bois de chêne, tes yeux de maintien, tes yeux de contrition facile puant la naphtaline. Ne prend pas tes yeux de cher papa mort, tes yeux de grand petit papa chevaucheur d'alezan, seigneur des plaines du Nord et bel homme s'il en fut. Demain nous irons voir le dernier des Hauts la Main - rappelle toi, Thérèse, le seul rustre que Mère a jamais reçu dans le grand salon et il nous contera la mort de Père. Car il n'est pas tombé de cheval". 

De très courts chapitres non numérotés, comme des morceaux de vie mis bout à bout pour recomposer Thérèse...

Un très, très beau livre qui se déguste au long de ses 115 pages...

Bonne lecture,

Denis

 

Et j'inscris ce roman dans le cadre du challenge "littérature francophone d'ailleurs", que j'anime :

 

Et pour aller plus loin avec cet auteur de très grande qualité littéraire :

Yanvalou pour Charlie que j'ai lu en 2010

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