Augustino et le choeur de la destruction de Marie-Claire Blais
(Edtions du Seuil - 2006 - 302 pages)
Première édition Canada : Editions du Boréal - 2005
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Un livre original à l'écriture envoûtante qui saisit beaucoup plus que l'histoire en elle-même que l'on pourrait résumer en une courte phrase : moments d'une famille en état de décomposition, voire de destruction pour faire référence au titre du roman.
Un roman de 302 pages uniquement ponctué de virgules et de rares points pour former un ensemble "compact" sans retour à la ligne, sans paragraphes.
Un serpent de mer qui se passe sur une île des Caraïbes et un peu partout dans le monde dont le Rwanda du temps du génocide.
Une famille composée en partie d'artistes qui vivent dans "leur monde" aimant Stravinski, Britten ou Messiaen ou Marie Curie... selon leurs affinités.
Certains ont mal tourné entre drogue et prostitution. Mai, la jeune enfant, est fugueuse et en avance sur son âge, n'ayant peur de rien.
La mère, une des "patriarches" de la famille, est malade, à présent sa main tremblant de plus en plus...
On voit passer Lou, Nora, Ari, Caroline... Une cinquantaine de personnes entre présent et passé.
Il y a bien longtemps que je n'avais pas lu un roman comme celui-ci que l'on pourrait classer en "littérature expérimentale" comme on en lisait dans les années 80-90. Mathias Enard a relevé le défi tout comme Marie-Claude Blais.
On est pratiquement dans un livre de poésie où la langue, les mots, les consonnances rappellent que l'on "flirte" avec cet univers poétique.
Augustino est le maître d'oeuvre, jeune écrivain brimé par son père qui voulait en faire un médecin. Mais il écrit tout de même "sous le manteau".
Un extrait pour mieux "entendre" le ton du roman (page 182-183) :
"... , j'aime vous écouter, Nora, dit Mère, comme si votre engagement me soulageait de ma vie peu active, sauf auprès de ma famille bien entendu, pourquoi n'ai-je pas fondé des hôpitaux moi aussi, comme l'ont fait vos amies, des femmes médecins, pendant qu'elles retirent de la rue des enfants et des handicapés qui n'ont d'abris que des auvents pendant la saison des pluies, je ne sers qu'à éduquer mes petits-enfants, j'étais et suis toujours la directrice culturelle de quelques musées, mais c'est bien peu, les joues de Mère s'étaient embrasées, elle était soudain fière d'elle-même et de Nora, ..."
Une auteure, Marie-Claire Blais, née en 1939, et qui a obtenu le Prix Médicis en 1966, pour "Une saison dans la vie d'Emmanuel". Elle est considérée comme une des grandes écrivaines canadiennes sans doute pas assez connue, au moins en France.
C'est une lecture parfois difficile car on mélange les personnages mais quand on avance dans ces méandres on se laisse emporter dans un univers familial étonnant...
Bonne lecture,
Denis
Lecture faite dans le cadre de "Québec en novembre" organisé par Karine et Laurence.