Le tunnel d'Ernesto Sabato (Points - Seuil - 140 pages)
Traduit de l'espagnol (Argentine) par Michel Bibard
Présentation par Jean-Michel Saint-Lu
Titre original "El tunel" (1948)
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Le début du roman dit tout ou presque de l'histoire : "Il suffira de dire que je suis Juan Pablo Castel, le peintre qui a tué Maria Iribarne ; je suppose que le procès est resté dans toutes les mémoires et qu'il n'est pas nécessaire d'en dire plus sur ma personne". Au début du chapitre II, il annonce qu'il va raconter son crime.
On aura donc compris que l'auteur n'a pas envie de nous laisser trop de suspens. Et pourtant, il va falloir attendre longtemps pour savoir comment il s'y est pris. 39 chapitres courts vont permettre de découvrir la personnalité de Juan Pablo.
Il a rencontré pour la première fois Maria Iribarne lors d'une exposition sur son oeuvre. Il l'a observée et a pu voir combien elle s'intéressait à son tableau "Maternité". Personne n'avait regardé avec autant de constance et de méticulosité son tableau. Page 15 : "Mais dans le haut, à gauche, on voyait une scène dans le lointain : une plage solitaire et une femme qui regardait la mer. C'était une femme qui regardait comme si elle attendait quelque chose, peut-être quelque appel affaibli par la distance. La scène suggérait, selon moi, une solitude anxieuse et absolue".
Fasciné par cette femme, il espère la revoir au plus vite et lui parler de ce tableau pour essayer de comprendre pourquoi elle seule a considéré cette scène comme fondamentale pour la compréhension du tableau. Quelques mois plus tard, il la voit dans la rue et cherche comment l'aborder. Il finit par lui parler et elle fuit. Il va à nouveau la retrouver, avoir ses coordonnées et l'appeler au téléphone. Il ose alors lui avouer son amour et lui dire qu'il pense à elle tout le temps. Sa réponse est plus évasive mais il comprend qu'elle l'aime aussi. Très vite alors ils tombent amoureux.
Mais, car il y a un sérieux bémol, Juan Pablo se montre d'une jalousie maladive. Il découvre qu'elle est mariée, qu'elle a dû avoir bien d'autres amants, notamment Richard qui s'est suicidé, ou encore Hunter qui dirige l'estancia où Maria va régulièrement se ressourcer, loin de Buenos Aires.
Tout devient compliqué pour Juan Pablo car il voit des mensonges dans chaque geste de Maria, y compris quand elle fait l'amour avec lui. Il se dit même qu'elle est sans doute une "prostituée", et pourquoi lui avoir fait rencontrer son mari aveugle Allende ? Autant de questions qui rendent cet amour impossible et qui plonge Juan Pablo dans l'alcoolisme, la violence... jusqu'au meurtre...
Un roman court mais très fort où chaque mot a sa place, sa valeur. Rien n'est fortuit dans cette narration faite par Juan Pablo depuis sa prison.
La 4e de couverture nous dit que "Le Tunnel" a été considéré comme un chef d'oeuvre par Albert Camus et Graham Greene. Rien d'étonnant pour Camus car on est dans "l'absurde" où un homme traverse un "long tunnel", le sien, celui du malheur voulu par sa jalousie morbide. "Le Tunnel" a été considéré comme un des plus grands romans de la littérature latino-américaine. Ce texte fait partie d'une trilogie, avec "Héros et Tombes" et "l'ange des ténèbres".
Bonne lecture,
Denis