BLOC D'UN COUPLE PASSIONNE DE LIVRES, ART , HISTOIRE, LITTERATURE ET COLLECTIONNEURS DE MARQUE-PAGES.
Dans le cadre des lundis philo de Heide
voici ma 16e contribution avec
Voyages de Montesquieu
(Charles-Louis de Secondat Baron de la Brède et de Montesquieu)
Editions Arlea - 520 pages
pour la thématique mensuelle, celle de juin 2013 étant
"Au bout du monde" (voyages ou philosophie du bout du monde)
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Certes, on ne peut pas dire que voyager en Italie, en Allemagne et en Hollande est loin d'être un voyage au bout du monde. Mais faire ces périples à la fin des années 1728, c'était tout de même une grande aventure.
Exemple l'incipit page 9 : "Le 12 août 1728, nous partîmes de Gratz. J'étais avec M. Le chavalier Jacob, avec lequel j'arrivai à Venise le 16 de même mois. Notre voyage fut si précipité (comme on le voit) qu'il n'y eut pas le moyen de faire bien des observations en chemin..."
6h48 par autoroute aujourd'hui pour 557 kms (via michelin), c'est dire la lenteur des voyages et Montesquieu a fait alors un très long séjour...
La préface à ces récits de voyages publiés pour la première fois en 1894, bien longtemps après la mort du philosophe - écrivain - penseur, précise que Montesquieu (1689-1755) a pris ces notes au cours des trois années pendant lesquelles il a parcouru l'Europe.
Très observateur, déjà célèbre avec ses "Lettres persanes" (1721), académicien (1728), l'auteur est couru par les plus grands et il s'attarde longuement sur Venise et Rome.
Il a son franc-parler par exemple page 28 à Venise : "Jamais on n'a vu tant de dévôts, et si peu de dévotion qu'en Italie. Il faut pourtant avouer que les Vénitiens et les Vénitiennes sont d'une dévotion à charmer : un homme a beau entretenir une P..., il ne manquera pas sa messe pou toutes sortes de choses du monde ; et ne croyez pas que les courtisanes aillent gâter leurs affaires dans les églises".
N'oublions pas que le siècle des Lumières et des Libertins est déjà en marche.
Sans faire de la philosophie à tous les coins de rue, il est très observateur, curieux de tout et de la culture bien sûr.
Exemple page 193 à Rome : "Il est étonnant que les français, qui sont si inconstants, aient gardé leur musique ; qu'ils aiment encore les anciens airs, les opéras de Lulli. Les Italiens veulent toujours de nouvelle musique : leurs opéras sont toujours nouveaux? Serait-ce que leur musique est plus susceptible de donner du nouveau?"
Savoureuses phrases, n'est-ce pas!!!
Page 347 au Tyrol , Bavière et Wurtemberg : "Il est facile, en parcourant ces pays, de se convaincre que ce sont les fleuves qui ont fait les chemins ou, au moins, ont aidé les hommes à les faire. Dans tout le pays qui j'ai parcouru, le chemin suit toujours le fleuve et la croupe des montagnes qui sépare les fleuves. C'est ainsi que la Nature aide à l'art".
On comprend Sainte-Beuve qui écrivait "j'aimerais mieux un "Journal de Voyage" complet, contenant les observations directes de Montesquieu, que tout l'Esprit des Lois". Sainte-Beuve étant mort en 1869, cela veut dire que le Journal de Montesquieu était connu avant sa publication intégrale en 1894.
J'ai commencé ce "Journal de Voyage" il y a plus de deux ans et il me reste 120 pages pour le terminer car je prends plaisir à lire quelques pages de temps en temps.
Montaigne a aussi voyagé, sans oublier Voltaire comme quoi la philosophie aime réfléchir au fil des routes, des fleuves et des villes, de la nature, de l'art...
Bonne lecture et bon voyage en excellente compagnie...
Denis