De joyeuses funérailles de Ludmila Oulitskaïa
(Gallimard - Collection "Du monde entier" - 167 pages - juillet 1999)Traduit du russe par Sophie Benech
Titre original : Vesselye pokhorony - 1997
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Le titre est provocateur et pourtant il reflète bien l'intention d'Alik.
Cet homme sait qu'il va bientôt mourir. Sa femme, Nina, est à ses côtés, mais également ses amies comme Irina, rencontrée autrefois en Russie. Elle est là avec sa fille, Maïka, surnommée Tee-shirt et qu'Alik a sauvée de son "autisme".
A son chevet, également, Finor, médecin non officiel et Maria Ignatievna, spécialisée dans les plantes non autorisées. Eux deux essaient de prolonger sa vie et de soulager ses douleurs. Quant à Faïka, elle est venue avec son appareil photo pour prendre quelques photos d'Alik.
Il fait très chaud à Manhattan où tous ces russes, juifs ou non, sont venus s'installer. Alik y a son atelier de peintre et il veut être entouré pour vivre ses derniers jours. Il a demandé à quitter l'hôpital pour mourir avec les siens, ici, dans son univers.
Et Nina lui dit qu'elle souhaite qu'il rencontre un prêtre orthodoxe. Il accepte à condition qu'un rabbin vienne également lui parler religion. Il ne veut pas oublier qu'il est juif, même s'il est athée. Irina demande à son ex-mari Liova de trouver un rabbin car Nina est démunie.
Ainsi, un matin, le prêtre Victor discute avec Alik et lui dit qu'il devrait lire l'Evangile. Ensuite, arrive le rabbin Ménaché. Là aussi, très bon dialogue entre les deux hommes.
Page 66 : "Vous n'avez donc plus personne auprès de qui prendre conseil, à part un rabbin? demanda rabbi Ménaché avec une modestie pleine de fierté et de malice.
- Pourquoi un juif, avant de mourir , ne pourrait-il prendre conseil justement auprès d'un rabbin?
Dans ce badinage, tout était bien plus profond qu'il n'y paraissait, tous les deux le comprenaient et, en posant des questions idiotes, ils s'approchaient subrepticement de ce quelque chose d'essentiel qui se produit dans les rapports humains - ce contact qui laisse une trace indélébile."
A travers cet extrait, on voit le ton du livre. On badine, on parle, on boit, on dort, on séduit. Toutes les femmes d'Alik sont là et les amis de passage car le loft de l'artiste a de tout temps été un lieu où les émigrés russes sont venus le rencontrer et croiser son art.
Il va mourir endetté mais il demande à ces gens de s'amuser, de le fêter. Il va préparer son départ et dicter dans une cassette video ses dernières volontés, pour que ses funérailles soient joyeuses.
Un livre original, humoristique, badin mais bien écrit. On ne s'ennuie pas dans ces derniers jours d'un condamné à mort, pour reprendre un titre de Victor Hugo.
Ludmila Oulitskaïa est née en 1943 et une douzaine de ses textes sont traduits en français, dont "De joyeuses funérailles", son quatrième ouvrage. "Sonietchka" a obtenu le prix Médicis Etranger 1996 et l'a révélée aux lecteurs français.
Bonne lecture,
Denis
J'ai lu ce livre dans le cadre du challenge d'Anis de Litterama :
C'est ma deuxième participation après avoir lu Jean Rhys