Correspondance Camus - Martin du Gard (Gallimard)

Correspondance (1944-1958) Albert Camus - Roger Martin du Gard

(Gallimard - Septembre 2013 - 270 pages)

Edition établie, présentée et annotée par Claude Sicard

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A l'occasion du centenaire de la naissance d'Albert Camus en 2013, trois correspondances d'Albert Camus ont été publiées dont celle-ci avec Roger Martin du Gard.

Pour rappel, Roger Martin du Gard (1881-1958) est l'auteur entre autres des Thibault, grande fresque familiale, Prix Nobel de Littérature en 1937. Albert Camus (1913-1960) est l'auteur de L'Etranger, la Peste, l'Homme Révolté, Le mythe de Sisyphe..., Prix Nobel de Littérature en 1957.

Camus a connu et lu l'oeuvre de Martin du Gard, déjà très célèbre, Prix Nobel quand il va lui écrire en 1944. Et Martin du Gard (RMG, selon les initiales qu'il va utiliser lui-même pour simplifier son nom) a lu, défendu avec Malraux, les premières œuvres de Camus, publiées en 1942 (L'Etranger et le Mythe de Sisyphe).

Et alors que RMG est veuf depuis 1949 et semble avoir une vie sans relief, pensant que son oeuvre n'est plus de ce monde chahuté par Sartre notamment, Camus l’incite à la révolte, à la vie à mener avec ses convictions. Il signe alors des pétitions, Malraux étant là aussi en ami fidèle de chez Gallimard.

Camus va écrire la préface aux œuvres complètes de RMG en Pléiade et lui dédicacer son discours du Nobel.

La correspondance n'est pas très abondante car ils se sont souvent rencontrés chez Gallimard notamment et se sont téléphoner également.

14 ans d'amitié jusqu'à la mort de Roger Martin du Gard.

Et c'est RMG qui écrit le 4 décembre 1944 la première lettre. D'habitude, c'est plutôt le jeune écrivain qui s'adresse à son aîné et là c'est l'inverse. Un peu comme si Martin du Gard s'excusait de s'adresser au journaliste de Combat qu'est alors Camus : "Mon cher Albert Camus (nous avons assez d'amis communs pour que je me permette cette familiarité, n'est-ce pas?) Laissez-moi vous présenter ma requête, née de la seule critique que je fasse à Combat...'

C'est par une remarque de forme plus que de fond que débute cette correspondance faite de conseils, de lectures attentives des livres de Camus par RMG. Et puis il y a ce Prix Nobel qu'ils vont avoir en commun et là c'est RMG qui se montre réellement l'aîné et qui donne des conseils pour que la cérémonie à Stockholm se passe bien, tellement le protocole est important à respecter.

Le 19 octobre 1957, RMG envoie le télégramme suivant pour féliciter Camun de l'attribution du Nobel : "VOUS DEVINEZ MA JOIE - LES MOTS SONT DES MESSAGERS INFIDÈLES - JE VOUS EMBRASSE"

RMG se plaint souvent d'être malade et il s'enferme à Bellême.

Il écrit par exemple le 22 juillet 1953 : "...Je m'en veux de me résigner si difficilement à vieillir. Mais la volonté s'use avec le reste, et n'a plus guère de prise sur ce malaise de l'âme, sur ce morne détachement dont je souffre depuis ces derniers mois".

Camus qui lui écrit assez peu lui répond sur une carte postale : "Je pense à vous, affectueusement".

Peu de paroles mais une grande fidélité pour Camus. RMG lui dit souvent de ne pas répondre à ses lettres. Mais on sent une grande et profonde amitié entre les deux hommes au travers de cette correspondance très intéressante. Une grande complicité aussi.

La présentation et les notes très fournies et pertinantes de Claude Sicard, le meilleur spécialiste de Martin du Gard en France, rendent ce livre encore plus passionnant car on est au cœur de leur oeuvre et de leur influence sur la littérature de leur époque.

A lire absolument pour les passionnés d'histoire littéraire.

Bonne lecture Denis

(Excusez-moi pour la mise en page, mais c'est mon premier article avec la nouvelle version d'Over Blog sur laquelle j'ai migré hier et j'ai peu d'options de mise en place)