19 mars 2015
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Un auteur : Léon - Paul Fargue (1876-1947)
Un recueil : Pour la musique (1914)
Un poème :
Au fil de l'heure pâle
Un jour, au crépuscule, on passe, après la pluie,
Le long des murs d'un parc où songent de beaux arbres...
On les suit longtemps. L'heure passe
Que les mains de la nuit faufilent aux vieux murs...
Mais qu'est-ce qui vous trouble au fil de l'heure pâle
Qui s'ourle aux mains noires des grilles ?
Ce soir, le calme après la pluie a quelque chose
Qui fait songer à de l'exil et à la nuit...
On entend le bruit nombreux
Des feuilles partout
Comme un feu qui prend...
Des branches clignent. Le silence
Epie
Et il passe des odeurs si pénétrantes
Qu'on oublie qu'il y en ait d'autres
Et qu'elles semblent l'odeur même de la vie...
Plus tard, un peu de soleil dore
Une feuille, et deux, et puis tout !
Alors, l'oiseau nouveau qui ose le premier
Après la pluie
Chante !
Et comme une âcre fleur sort d'une lampe éteinte
Il monte de mon cœur l'offrande d'un vieux rêve...
Un rayon rôde encore à la crête du mur,
Glisse une main calme et nous conduit vers l'ombre...
Est-ce la pluie ? Est-ce la nuit ?
Au loin, des pas vieux et noirs
S'en vont
Le long des murs du parc où les vieux arbres songent...
-------------------------------
L'image que j'ai depuis longtemps de Léon-Paul Fargue est celle du "piéton de Paris" (1939) et on oublie souvent qu'il a été avant tout poète. Le sort a voulu que le marcheur infatigable qu'il fut ait été hémiplégique en 1943 ! L'essentiel de son oeuvre était publiée.
Sa poésie a flirté avec le symbolisme ayant été l'ami de Mallarmé et de Paul Valéry entre autres.
En 1914, il rassemble des chansons un peu influencées par Jammes. Lui qui adore la musique moderne, Chabrier et Ravel, les propose à Gaston Gallimard sous le titre Pour la musique.
Denis
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12 mars 2015
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18:00
Un poète : Claude Esteban (1935-2006)
Un recueil :Le jour à peine écrit (1967-1992) publié en 2006, l'année de la mort de l'auteur.
Un poème :
Le jour à peine écrit
Mot à mot, j'ai
nommé le jour.
Tracé des routes sur l'espace.
Paroles d'eau, paroles
d'air.
Rien
n'a manqué à mon travail. J'arrive
au terme.
Pas à pas, j'ai gravi
le jour.
Pour voir le jour qui me distance.
----------
Le sable,
non.
Le souvenir du sable
dans un souffle.
Tous les grains amassés.
Sans lieu, sans
devenir.
Un consonne aura porté
le vent
jusqu'aux limites.
------------
Corps contre corps.
Je m'accoutume
à toi.
Je dors. Je
me réveille dans tes gouffres.
Soif
contre soif.
Tout le sel
a durci. Je crie. Je creuse
encore.
J'entrouve sous le sol
tes lèvres.
---------------------------
Et ce poème se continue sur une vingtaine de pages. Petites phrases mises ainsi sur 2, 3 lignes.
Et ici un recueil étalé sur 25 ans, repris sous forme de fragments pour constituer une sorte d'anthologie. Mais en fait, c'est plutôt un rassemblement de textes pour montrer une trajectoire d'écriture à partir de 4 livres majeurs : Terres, travaux du coeur ; Le Nom et la Demeure ; Elégie de la mort violente ; Quelqu'un commence à parler dans une chambre.
En 4e de couverture on peut lire : "Qui songerait, même au soir de la plus vive attente, à reconnaître dans ses mots un sillage de ce qui fût? A peine écrit, le jour appelle un autre jour et nous distance. Sur les pouvoirs de la parole, trop de soupçons, depuis longtemps, ont pesé. Il faut vivre avec eux. Mais le matin est là, l'heure nouvelle est urgente. A tous ces riens de l'air, à ces présences sans profil, il faut un corps qui les accueille, un nom aussi, par-delà tous les signes effacés" (Claude Esteban)
Poète trop méconnu, Claude Esteban a également été traducteur de Octavio Paz, Jorge-Luis Borges ou Garcia Lorca. Il a ainsi été partagé entre deux langues :le français et l'espagnol de par ses origines. Il a aussi écrit sur l'art et la poésie.
Un poète trop peu connu et qui mérite vraiment d'être lu entre prose et poésie dépouillées de tout artifice. Claude Esteban va à l'essentiel, sans détours.
Denis
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5 mars 2015
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17:52
Un poète : Paul Eluard (1895-1952)
Un recueil : Le livre ouvert (1940-1942)
Un poème :
Passer
Le tonnerre s'est caché derrière des mains noires
Le tonnerre s'est pendu à la porte majeure
Le feu des fous n'est plus hanté le feu est misérable
L'orage s'est coulé dans le tombeau des villes
S'est bardé de fumées s'est couronné de cendres
Le vent paralysé écrase les visages
La lumière a gelé les plus belles maisons
La lumière a fendu le bois la mer les pierres
Le linge des amours dorés est en charpie
La pluie a renversé la lumière et les fleurs
Les oiseaux les poissons se mêlent dans la boue
La pluie a parcouru tous les chemins du sang
Effacé le dessin qui menait les vivants
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Un recueil en deux parties :
I - 1938-1940
"Je suis bien sûr qu'à tout moment
Aieul et fils de mes amours
De mon espoir
Le bonheur jaillit à mon cri
Pour la recherche la plus haute
Un cri dont le mien soit l'écho"
II - 1939-1941
"Pourrai-je prendre où elle est
L'apparence qui me manque
Sur les rives d'un visage
Le jour la force éclatante
Le dur besoin de durer"
Le poète met en exergue à chacune des deux parties un poème qui éclaire le lecteur sur ses intentions. Le bonheur pourquoi pas ? N'oublions pas les dates d'écriture qui donnent une idée de la difficulté d'être heureux entre 1938 et 1941. "Le livre ouvert" comme une porte de sortie...
"Dans un livre fixant le point d'or de mémoire
Puis l'oubli dans des yeux qui ne savent pas lire." (Extrait de Tant de livres)
Denis
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26 février 2015
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18:20
Un poète : Robert Desnos (1900 - 1945)
Un recueil : Fortunes (1942)
Un poème :
Les Quatre sans cou
Ils étaient quatre qui n’avaient plus de tête,
Quatre à qui l’on avait coupé le cou,
On les appelait les quatre sans cou.
Quand ils buvaient un verre,
Au café de la place ou du boulevard,
Les garçons n’oubliaient pas d’apporter des entonnoirs.
Quand ils mangeaient, c’était sanglant,
Et tous quatre chantant et sanglotant,
Quand ils aimaient, c’était du sang.
Quand ils couraient, c’était du vent,
Quand ils pleuraient, c’était vivant,
Quand ils dormaient, c’était sans regret.
Quand ils travaillaient, c’était méchant,
Quand ils rôdaient, c’était effrayant,
Quand ils jouaient, c’était différent,
Quand ils jouaient, c’était comme tout le monde,
Comme vous et moi, vous et nous et tous les autres,
Quand ils jouaient, c’était étonnant.
Mais quand ils parlaient, c’était d’amour.
Ils auraient pour un baiser
Donné ce qui leur restait de sang.
Leurs mains avaient des lignes sans nombre
Qui se perdaient parmi les ombres
Comme des rails dans la forêt.
Quand ils s’asseyaient, c’était plus majestueux que des rois
Et les idoles se cachaient derrière leurs croix
Quand devant elles ils passaient droits.
On leur avait rapporté leur tête
Plus de vingt fois, plus de cent fois,
Les ayant retrouvés à la chasse ou dans les fêtes,
Mais jamais ils ne voulurent reprendre
Ces têtes où brillaient leurs yeux,
Où les souvenirs dormaient dans leur cervelle.
Cela ne faisait peut-être pas l’affaire
Des chapeliers et des dentistes.
La gaieté des uns rend les autres tristes.
Les quatre sans cou vivent encore, c’est certain.
J’en connais au moins un
Et peut-être aussi les trois autres.
Le premier, c’est Anatole,
Le second, c’est Croquignole,
Le troisième, c’est Barbemolle,
Le quatrième, c’est encore Anatole.
Je les vois de moins en moins,
Car c’est déprimant, à la fin,
La fréquentation des gens trop malins.
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Robert Desnos a été poète, journaliste et surréaliste jusqu'en 1930). Il fut aussi résistant et déporté au camp de Theresienstad en Tchécoslovaquie où il meurt de typhus peu après la libération du camp et l'armistice, le 8 juin 1945.
Fortunes est publié en 1942 et reprend des poèmes des années 1930 regroupés autour de 8 parties :
I - Siramour
II - The night of Loveless Nights (1930)
III - Les sans cou (1934) (dont est issu le poème ci-dessus)
IV - Complainte de Fantômas
V - Les portes battantes (1936)
VI - Le satyre
VII - L'homme qui a perdu son ombre
VIII - Bacchus et Apollon
La plupart des poèmes sont très longs.
Dans la postface au recueil, Robert Desnos écrit : "Fortunes, qui rassemble les poèmes d'une période de dix ans (les plus récents sont vieux de cinq), me donne l'impression d'enterrer ma vie de poète".
Et il termine sa postface ainsi : "Que ferai-je à l'avenir? Si tous les projets ne se mesuraient à la longueur de la vie, je voudrais reprendre des études mathématiques et physiques délaisées depuis un quart de siècle, rapprendre cette belle langue. J'aurais alors l'ambition de faire de la "Poétique" un chapitre des mathématiques. Projet démesuré certes, mais dont la réussite ne porterait préjudice ni à l'inspiration, ni à l'intuition, ni à la sensualité. La Poésie n'est-elle pas aussi science des nombres?"
Poèsie = science des nombres ? Oui, si on pense à la versification très organisée à la manière des alexandrins et des rimes!!!
Et puis sa vie s'est écourtée hélas bien vite après avoir écrit cette postface.
Bonne lecture,
Denis
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19 février 2015
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17:57
Un poète : Mahmoud Darwich (1941-2008)
Un recueil : Comme des fleurs d'amandier ou plus loin (Actes Sud - 2007)
Traduit de l'arabe (Palestine) par Elias Sanbar
Paru à Beyrouth en 2005 - Titre original : Ka-zahr al-lawz aw ab'ad
Un poème :
VOILA QUE LES MOTS
Voilà que les mots volettent dans ma tête.
Je me souviens d'une terre au nom céleste portée
par les mots.
Les morts ne rêvent pas souvent et s'ils rêvent
personne ne croit leurs rêves...
Voilà que les mots volettent dans mon corps,
abeille après abeille...
Si j'écrivais du bleu sur le bleu,
les chansons verdiraient et la vie me reviendrait.
Par les mots, j'ai trouvé plus court le chemin
jusqu'au nom...
Les poètes ne sont pas souvent joyeux
et quand ils le sont, personne ne les croit...
J'ai dit : Je suis toujours vivant
parce que je vois les mots
voleter dans ma tête.
J'ai en tête une chanson
qui va et vient
entre la présence et l'absence,
elle n'ouvre la porte
que pour la refermer... Une chanson sur
la vie de la brume mais elle n'obéit
qu'aux mots que j'ai oubliés !
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Mahmoud Darwich a été un des plus grands poètes de notre temps. Ce recueil est magnifique à l'image de son titre.
La 4e de couverture du livre dit :
Mahmoud Darwich poursuit dans ce recueil une recherche commencée il y a au moins dix ans, aux frontières de la poésie et de la prose. Mais au-delà de toute préoccupation technique, demeurent ses choix premiers : en poésie, toute idée, toute pensée doit passer par les sens ; toute poésie est d'abord orale, et par là musique ; et elle s'arme de fragilité humaine pour résister à la violence du monde.
On entre dans un monde intérieur qui regarde, se souvient, se cherche dans les autres et dans l'exil aussi, car une petite moitié du recueil est consacré à 4 longs textes à la fois prose et poésie sur le thème de l'exil.
Le premier de ces exils débute ainsi :
C'est mardi et le temps est clair, je marche
dans une rue latérale, sous un toit
de châtaigners... Je marche léger léger
comme évaporé
de mon corps, comme si j'avais rendez-vous
avec un poème. Je regarde ma montre,
l'esprit ailleurs. Je parcours les pages
Et ce poème se poursuit pendant 11 pages. On est emporté par les mots. Des phrases se répondent, se répètent aussi. L'ensemble du recueil est un hymne à la poésie comme mode de pensée. Le poète regarde, interprète et aussi se met en scène dans sa quête d'un sens à une vie.
Bonne lecture de ce poète palestinien incontournable,
Denis
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12 février 2015
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18:00
Un poète : René Char (1907-1988)
Un recueil : Le marteau sans maître (1934)
Deux poèmes :
La torche du prodigue
Brûlé l'enclos en quarantaine
Toi nuage passe devant
Nuage de résistance
Nuage des cavernes
Entraîneur d'hypnose.
Vérité continue
Le novateur de la lézarde
Tire la corde de tumulte
On mesure la profondeur
Aux contours émus de la cuisse
Le sang muet qui délivre
Tourne à l'envers les aiguilles
Remonte l'amour sans le lire.
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Ce sont ces deux poèmes qui ouvrent les oeuvres complètes de René Char dans la collection de Galimard "La pléiade".
Ils font partie du recueil "Le marteau sans maître" composé de plusieurs parties:
- Arsenal (1927-1929)
- Artine (1930)
- L'action de la justice est éteinte (1931)
- Poèmes militants (1932)
- Abondance viendra (1933)
Soit au total 55 textes : poèmes en vers libres ou en prose...
Un grand éclectisme étalé sur 8 ans en une époque où René Char est surréaliste.
Les poèmes sont d'abord publiés séparément avant d'être regroupés en 1934.
On a beaucoup dit que René Char est un poète hermétique. Son grand ami Paul Veyne, l'historien bien connu, a publié un livre de très grande qualité pour nous dire ce que René Char a voulu dire dans ses poèmes et nous rapprocher de l'intimité de l'auteur et de ses poèmes.
A lire en parallèle de la lecture des poèmes de René Char :
Le recueil "Le marteau sans maître" est également disponible dans la collection "poésie" de Gallimard :
Et pour être complet, notons que le compositeur et chef d'orchestre Pierre Boulez a composé une oeuvre pour voix et six instruments tirée du recueil de René Char.
Bonne lecture,
Denis
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5 février 2015
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Un poète : Andrée Chedid (1920-2011)
Un recueil : Contre-chant (1968) repris dans le recueil "Textes pour un poème" 1949-1970
Un poème :
Contre-chant
Où en es-tu, Vie ?
Où en sommes-nous ?
Plaines d'encre. Supplices. Hécatombes.
Nasses du malheur. Phénix de la haine.
Beaux visages racornis.
Un temps pour chacun,
Et puis le gong final!
Si je te mesure à tes ombres,
La grêle des preuves te condamne.
Toi, dans la lagune aux couleuvres.
Toi, nid de mort.
Toi, pourrie par les racines,
Je te couvre du linceul de nos mains.
Pourtant, de toutes nos voix
Je te crie : Bienvenue!
Bienvenue aux fenêtres
Qui criblent la muraille,
A l'âme sans séjour,
A nos corps continués,
Aux terrasses de demain où l'on veille,
A tes lopins d'infini où l'on croit.
Toi, plus vive que les ronces,
Bienvenue!
Toi, gravée d'espace
Et de cette terre des terres.
Toi, arquée au-dessus des nuits.
Vie, où en es-tu?
Où nous en sommes.
Andrée Chedid
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Que dit la vie ? Comment répond-elle à la mort ? Questionnement du monde dans lequel on vit et pour lequel on cherche un avenir. Parler aux autres et même à un Dieu qui paraît bien impuissant.
Qui est qui ? Qui parle à qui ? Où est la parole d'espoir plus que de vérité ?
Voilà quelques impressions ressenties à la lecture de ce recueil d'un cinquantaine de poèmes.
Dans une courte préface dite "ouverture, Andrée Chedid dit "L'expérience, après intuition, m'a confirmé que les chemins qu'offre la Poésie - en dépit de son terrain glissant, de ses achoppements, de ses creux - procurent à l'existence un essor renouvelé, un désir persistant, qui raniment sans cesse l'appétit d'être au monde".
Une grande dame de la littérature contemporainte tant poétesse que romancière dont la famille s'est souvent illustrée autour de Louis Chedid, son fils et de M (Matthieu Chedid) son petit-fils. Une belle lignée et continuité autour de la poésie de la vie.
Bonne lecture,
Denis
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29 janvier 2015
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18:00
Un poète : Yves Bonnefoy (né en 1923)
Un recueil : Hier régnant désert (1958, revu et abrégé en 1978)
Un poème :
Le bruit des voix
Le bruit des voix s'est tu, qui te désignait.
Tu es seul dans l'enclos des barques obscures.
Marches-tu sur ce sol qui bouge, mais tu as
Un autre chant que cette eau grise dans ton coeur,
Un autre espoir que ce départ que l'on assure,
Ces pas mornes, ce feu qui chancelle à l'avant.
Tu n'aimes pas le fleuve aux simples eaux terestres
Et son chemin de lune où se calme le vent.
Plutôt, dis-tu, plutôt sur de plus mortes rives,
Des palais que je fus le haut délabrement,
Tu n'aimes que la nuit en tant que nuit, qui porte
La torche, ton destin, de tout renoncement.
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Yves Bonnefoy est un des plus grands poètes contemporains français. Sa bibliographie est immense entre poésie et essais (poésie, peinture...), sans oublier ses traductions de Shakespeare.
Son recueil "Hier régnant désert" invite souvent la mort mais la vie continue à émerger quoiqu'il arrive.
4 parties : Menaces du témoin - Le visage mortel - Le chant de sauvegarde - A une terre d'aube
Et 57 poèmes en vers...
Je vous renvoie à ces deux articles pour en savoir plus sur cette oeuvre très originale au ton souvent étrange en témoigne le titre lui-même : écriture syncopée... :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hier_r%C3%A9gnant_d%C3%A9sert
http://semen.revues.org/5993
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22 janvier 2015
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Un poète : Charles Baudelaire (1821-1867)
Un recueil : Les Fleurs du Mal
Un poème :
Le serpent qui danse
Que j'aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !
Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêlent
L’or avec le fer.
A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant,
Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon cœur !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
Le Serpent qui danse évoque l'amour charnel et passionnel entre Jeanne Duval et le poète. C'est un poème hétérométrique composé de 9 quatrains dont le lyrisme est teinté d'un certain érotisme.
On ne présente plus le recueil "les fleurs du mal" qui a fait scandale lors de leur publication en 1857 et qui contient de très beaux poèmes comme "La chevelure", "L'invitation au voyage" ...
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15 janvier 2015
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18:00
Un poète : Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
Un recueil : Poèmes à Lou
Un poème : Je t'écris ô mon Lou (Avril 1915)
Je t'écris ô mon Lou
Je t’écris ô mon Lou de la hutte en roseaux
Où palpitent d’amour et d’espoir neuf coeurs d’hommes
Les canons font partir leurs obus en monômes
Et j’écoute gémir la forêt sans oiseaux
Il était une fois en Bohême un poète
Qui sanglotait d’amour puis chantait au soleil
Il était autrefois la comtesse Alouette
Qui sut si bien mentir qu’il en perdit la tête
En perdit sa chanson en perdit le sommeil
Un jour elle lui dit Je t’aime ô mon poète
Mais il ne la crut pas et sourit tristement
Puis s’en fut en chantant Tire-lire Alouette
Et se cachait au fond d’un petit bois charmant
Un soir en gazouillant son joli tire-lire
La comtesse Alouette arriva dans le bois
Je t’aime ô mon poète et je viens te le dire
Je t’aime pour toujours Enfin je te revois
Et prends-la pour toujours mon âme qui soupire
Ô cruelle Alouette au coeur dur de vautour
Vous mentîtes encore au poète crédule
J’écoute la forêt gémir au crépuscule
La comtesse s’en fut et puis revint un jour
Poète adore-moi moi j’aime un autre amour
Il était une fois un poète en Bohême
Qui partit à la guerre on ne sait pas pourquoi
Voulez-vous être aimé n’aimez pas croyez-moi
Il mourut en disant Ma comtesse je t’aime
Et j’écoute à travers le petit jour si froid
Les obus s’envoler comme l’amour lui-même
10 avril 1915.
Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou (1915)
Poème dédié à la Comtesse Louise de Coligny, dite Lou.
Avril 1915. Le front. Que peut-on faire dans une hutte en roseaux quand les obus tombent et que la mort est partout ? Les hommes ont peur.
Dans cette situation paradoxale, Guillaume Apollinaire a écrit les superbes poèmes d'amour et de mort que sont les Poèmes à Lou, inclus dans sa correspondance avec cette jeune femme.
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