28 mai 2015
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Un poète : Anise Koltz (née en 1928) - Luxembourg
Un recueil : Le porteur d'ombre (2001)
Un poème :
Le porteur d'ombre
Je suis un rapace
dont l'ombre sème la terreur
le geai m'annonce dans les bois
Je me crains moi-même
fragile et inflammable
ma chair ne me défend pas
Chaque fois que je dévore une proie
elle me dévore
Entre chien et loup
le sang de l'homme
se languit de sang
Né pour tuer
un goût amer
rôde dans sa bouche
le chien redevenu loup
flaire sa proie
Je ne sais pas où se termine en moi
l'être humain
où commence la bête
ni quelle part est la meilleure
Mon esprit auto-destructeur
ne se concilie
avec aucun entourage
--------------------------------------------
L'auteure, luxembourgeoise, écrit dans trois langues dont le français. Lapidaire, humaniste et teintée de philosophie, sa poésie s'exprime dans un ton très naturel et accessible.
Anise Koltz est membre de l’Académie Mallarmé et de l’Institut Grand-Ducal des Arts et des Lettres. Elle a reçu le Prix 2008 de la Fondation Servais pour la littérature luxembourgeoise à l’occasion de la parution de L’ailleurs des mots.
Elle a été distinguée par le Prix de Littérature Francophone Jean Arp en novembre 2008.
Une auteure à découvrir... Et pour prolonger cette lecture, n'hésitez pas à télécharger le texte en pdf "Le silence dans la poésie d'Anise Koltz"
Bonne lecture,
Denis
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21 mai 2015
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Un poète : Mohammed Khaïr - Eddine (1941-1995) - Maroc
Un recueil (roman-poème) : Moi l'aigre (1970)
Un poème :
Non je n'ai point dormi
Non, je n'ai pas dormi;
Il a seulement fallu quelques cars de police
quelques grenades et quelques galons sourds
il a fallu qu'un flic entre dans nos peaux
parce que je baffe ton papa et le mien réunis
Oui
il a fallu que j'aille deux mois à l'usine
avec une quinzaine de jours d'absence volontaire
il a fallu que j'attrape le roi avec un miroir rouge
pour qu'un rien de nuit s'en aille et que le rêve des bourgeois
roule au bas de la pente
mais j'ai fait un ouvrier digne de ce monde
cet ouvrier cassera le globe en deux
de sorte que la terre ne sera plus une planète
les morts que nous avons relégués dans leurs os
rongeront la mort putride des bourgeois
et des capitalistes qui rossaient le noir-blanc
qui n'était autre qu'un ouvrier
indiqué à de tels us
car il les aimait les pratiquait baisait le billet de banque
sorti tout froid d'un coffre-fort d'usine
le côté tangent de cette épreuve continuera de nous opposer
Mais nous l'adorerons comme nos ancêtres adoraient
Dieu, nous jouerons avec notre foi, nos faulx, nos
mitraillettes et nos avions, mais
ce monde sera désormais séparé de lui-même
nous serons des trappeurs rompus mais nous vaincrons
ceux qui ont changé leur monde mais pas le Monde
et qui nous expliquent le sang en délestant la terre
de son froid minéral originel
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Mohammed Khaïr-Eddine a publié de la poésie dès l'âge de 16 ans. Un jeune Rimbaud à sa manière, s'ouvrant à la poésie expérimentale, loin du conservatisme littéraire.Sa poésie est sous tension, révoltée aussi.
Il part en France en 1965 où il devient ouvrier ce que l'on sent vivre dans le poème "Non je n'ai pas dormi". Il va publier des romans dont "Agadir" qui va recevoir le prix "Enfants terribles" fondé par Jean Cocteau. Son oeuvre a été publiée aux éditions du Seuil et elle a souvent été censurée au Maroc.
Il rentre en 1979 au Maroc où il meurt en 1995.
"Moi l'aigre" parait en 1970, avec deux parties : une partie en prose qui emprunte pour beaucoup à la poésie et une partie sous forme de pièce de théâtre. Livre de révolte avant tout avec lequel il se veut très libre dans le ton et la forme. L'on vit bien au rythme de "l'aigreur" de l'auteur...
Un auteur à découvrir au travers d'une douzaine de livres.
Bonne lecture,
Denis
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14 mai 2015
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11:20
Un poète : Philippe JACCOTTET (né en 1925) - suisse
Un recueil : L'effraie et autres poésies (1953)
Un poème :
L'effraie
La nuit est une grande cité endormie
où le vent souffle... Il est venu de loin jusqu'à
l'asile de ce lit. C'est la minuit de juin.
Tu dors, on m'a mené sur ces bords infinis,
le vent secoue le noisetier. Vient cet appel
qui se rapproche et se retire, on jurerait
une lueur fuyant à travers bois, ou bien
les ombres qui tournoient, dit-on, dans les enfers.
(Cet appel dans la nuit d'été, combien de choses
j'en pourrais dire, et de tes yeux...) Mais ce n'est que
l'oiseau nommé l’effraie qui nous appelle au fond
de ces bois de banlieue. Et déjà notre odeur
est celle de la pourriture au petit jour,
déjà sous notre peau si chaude perce l’os,
tandis que sombrent les étoiles au coin des rues.
-------------------------------------
"L'effraie et autres poésies" est le troisième livre de l'auteur et le premier à paraître chez un éditeur français en décembre 2013. Et qui plus est dans la prestigieuse collection "Métamorphoses" dirigée par Jean Paulhan chez Gallimard.
L'installation à Paris de Philippe Jaccottet après guerre a largement contribué à son émancipation littéraire au point de ne plus inscrire dans sa bibliographie ses deux premiers recueils.
Intimisme, maîtrise technique et attention aux détails du quotidien qu'il retrouve chez Henri Thomas ou Eugene Montale influent sur sa poésie d'alors.
De par son titre, le poème initial "L'effraie" se détache des poèmes suivants en formant seul la première séquence du recueli. Le sous-titre, lui, revendique une liberté de structure tout en s'inscrivant dans une tradition, celle des "poésies diverses" de la Renaissance.
Ces poèmes dessinent la silouhette d'un perpétuel errant, d'un déraciné qui raconte aussi les intermittences du coeur ponctuant l'ensemble du recueil d'amours provisoires en des temps de détresse. (Informations issues de l'introduction à ce recueil de Hervé Ferrage dans le tome des oeuvres de Philippe Jaccottet publié dans la collection La Pléiade - Gallimard - 2014).
Je vous invite également à lire la passionnante étude de ce poème chez le poète Jean-Michel Maulpoix (que je présenterai à la lettre M).
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7 mai 2015
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Un poète : Francis Jammes (1868-1938)
Un recueil : Clairières dans le Ciel (1906)
Un poème :
Je la désire
Je la désire dans cette ombreuse lumière
qui tombe avec midi sur la dormante treille,
quand la poule a pondu son œuf dans la poussière.
Par-dessus les liens où la lessive sèche,
je la verrai surgir, et sa figure claire.
Elle dira : je sens des pavots dans mes yeux.
Et sa chambre sera prête pour son sommeil,
et elle y entrera comme fait une abeille
dans la cellule nue que blanchit la chaleur.
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Ce poème fait partie de la série "Tristesse" du recueil écrit entre 1902 et 1906 et qui comprend :
- En Dieu / Tristesses / Le poète et sa femme / Poésies diverses / L'Eglise habillée de feuilles
L'auteur précise que les poèmes "En Dieu" et "L'Eglise habillée de feuilles" sont des plus récents. Ils ont été écrits après son retour au catholicisme, l'un en 1905, l'autre en 1906.
"Tristesses" reprennent la déception amoureuse de Francis Jammes qui aimait une jeune femme dont la famille a refusé le mariage avec lui.
Les autres parties du recueil sont également en grande partie inspirées par ce désarroi amoureux.
Il va alors se convertir au catholicisme comme une "rédemption" avant, notamment avec le long poème "En Dieu", de suivre le chemin de la vie éternelle...
Et très étonnamment, la partie centrale du recueil est une pièce de théâtre en 3 actes "Le poète et sa femme" d'une quarantaine de pages.
Beaucoup de contrastes et d'originalité dans ce recueil tout à fait attachant et dans ce ton "Paroifs, je suis triste. Et, soudain, je pense à elle. Alors je suis joyeux..."
Je vous propose également ce poème qui se rattache à la partie "poésies diverses" et qui a pour titre :
Ne me console pas.
Ne me console pas. Cela est inutile.
Si mes rêves qui étaient ma seule fortune
quittent mon seuil obscur où s’accroupit la brume
je saurai me résoudre et saurai ne rien dire.
Un jour, tout simplement (ne me console pas !)
devant ma porte ensoleillée je m’étendrai.
On dira aux enfants qu’il faut parler plus bas.
Et, délaissé de ma tristesse, je mourrai.
Bonne lecture,
Denis
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30 avril 2015
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Un poète : Jacques IZOARD (1936-2008) - nationalité belge
Un recueil : Le bleu et la poussière (1998 - Editions de la Différence - collection "Clepsydre")
Un poème :
Le bleu et la poussière...
D'une enfance américaine...
Petite enfance et jeux
de carquois, depals, de dards,
Et, toujours, la pâleur,
le revers et l'avers,
et, contre tout,
le poids du corps.
Nous suivions le sentier;
ne fût-ce qu'un sentier,
ne fût-ce qu'un treillis...
Et la limite imiterait
la fin du désert,
le froid mat,
la solitude.
Mais solitude éclate.
Mots gardés par la main.
Mains qu'on savonne.
Hygiène à tête de chat.
Et yeux perdus, folie
du regard et du regard.
Et jamais ne répéter
la même chose.
Et lèvres se taisent.
Et lèvres n'existent pas.
D'ailleurs, rien n'existe.
Et le récit des petits pas,
des fétus, des ficelles
nouées bout à bout...
Des ficelles qu'on trouve
sous les pas du vent,
de l'orage et de l'océan.
Jamais l'ogre ne vient
me dévisager.
Personne ne m'oublie.
Personne ne me parle.
Et la peau se régénère
en mille flammes.
Qui ne brûlent pas.
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Un titre "Le bleu et la poussière" et un sous-titre "poèmes" et ainsi pendant 172 pages (j'ai reproduit ci-dessus les 3 premières pages), deux poèmes de 4 à 10 lignes environ, comme des haikus allongés, libres, pour dire l'homme, sa vie, sa pensée.
Son pseudonyme vient du col alpin "l'Izoard", son nom de naissance étant Delmotte. Il a notamment découvert Eugène Savitzkaya, animant pendant 30 ans, "la nuit de la poésie" à Liège, sa ville de naissance.
Ce recueil reçut le prix Alain Bosquet en 1999 et le prix triennal d epoésie en 2001.
Ce long poème de 172 pages s'achève par cette strophe :
Avais-je trouvé près d'ici
telle plante encanaillée,
tel caillou têtu d'être
seulement caillou...?
Je croyais à l'existence
près des sources et des puits,
Ne m'accaparaient alors
ni fièvre, ni folie.
Entre le bonheur bleu de l'enfance et la poussière d'une vie qui s'effondre, Jacques Izoard sème comme des petits cailloux ses courts poèmes pour retrouver le chemin dans un paysage en ruine. Et peut-être aussi pour comprendre comment il s'est perdu, même si se perdre est le destin de tous ceux qui vivent : "Tout fut sans issue."
Le propos, né du désespoir, livre aussi la formule de son dépassement; car les mots, avec leur secrète et invincible justice, recèlent la promesse d'une nouvelle naissance : "Retrouve enfin le souffle/ et meut les paroles./ Elles coloreront tes lèvres./ Elles afflueront/ vers l'enfance à dos d'âne/ et la périssoire à faucon."
Alors seulement, grâce au pouvoir vital de l'écriture, peut survenir la réconciliation avec le réel et avec soi-même: "Nous aimerons nos ongles, nos souffles./ Et nous conserverons le coeur/ pour d'autres aventures."
Ce texte est fascinant car c'est un grand voyage poétique qui nous ramène à nous-mêmes, à nos interrogations.On marche, on déambule, on observe la nature pour en tirer une philosophie.
C'est là pour moi une grande découverte que ce livre et un grand coup de coeur poétique.
Bonne lecture,
Denis
Ce recueil s'inscrit de par les origines de l'auteur dans le mois belge d'Anne et Mina qui se termine aujourd'hui.
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23 avril 2015
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Un poète : Victor Hugo (1802-1885)
Un recueil : "Les contemplations " (1856)
Un poème :
Chose vue un jour de printemps
Entendant des sanglots, je poussai cette porte.
Les quatre enfants pleuraient et la mère était morte.
Tout dans ce lieu lugubre effrayait le regard.
Sur le grabat gisait le cadavre hagard ;
C'était déjà la tombe et déjà le fantôme.
Pas de feu ; le plafond laissait passer le chaume.
Les quatre enfants songeaient comme quatre vieillards.
On voyait, comme une aube à travers des brouillards,
Aux lèvres de la morte un sinistre sourire ;
Et l'aîné, qui n'avait que six ans, semblait dire :
« Regardez donc cette ombre où le sort nous a mis ! »
Un crime en cette chambre avait été commis.
Ce crime, le voici : — Sous le ciel qui rayonne,
Une femme est candide, intelligente, bonne ;
Dieu, qui la suit d'en haut d'un regard attendri,
La fit pour être heureuse. Humble, elle a pour mari
Un ouvrier ; tous deux, sans aigreur, sans envie,
Tirent d'un pas égal le licou de la vie.
Le choléra lui prend son mari ; la voilà
Veuve avec la misère et quatre enfants qu'elle a.
Alors, elle se met au labeur comme un homme.
Elle est active, propre, attentive, économe ;
Pas de drap à son lit, pas d'âtre à son foyer ;
Elle ne se plaint pas, sert qui veut l'employer,
Ravaude de vieux bas, fait des nattes de paille,
Tricote, file, coud, passe les nuits, travaille
Pour nourrir ses enfants ; elle est honnête enfin.
Un jour, on va chez elle, elle est morte de faim.
Oui, les buissons étaient remplis de rouges-gorges,
Les lourds marteaux sonnaient dans la lueur des forges,
Les masques abondaient dans les bals, et partout
Les baisers soulevaient la dentelle du loup ;
Tout vivait ; les marchands comptaient de grosses sommes ;
On entendait rouler les chars, rire les hommes ;
Les wagons ébranlaient les plaines, le steamer
Secouait son panache au-dessus de la mer ;
Et, dans cette rumeur de joie et de lumière,
Cette femme étant seule au fond de sa chaumière,
La faim, goule effarée aux hurlements plaintifs,
Maigre et féroce, était entrée à pas furtifs,
Sans bruits, et l'avait prise à la gorge, et tuée.
La faim, c'est le regard de la prostituée,
C'est le bâton ferré du bandit, c'est la main
Du pâle enfant volant un pain sur le chemin,
C'est la fièvre du pauvre oublié, c'est le râle
Du grabat naufragé dans l'ombre sépulcrale.
ÔDieu ! la sève abonde, et, dans ses flancs troublés,
La terre est pleine d'herbe et de fruits et de blés,
Dès que l'arbre a fini, le sillon recommence ;
Et, pendant que tout vit, ô Dieu, dans ta clémence,
Que la mouche connaît la feuille du sureau,
Pendant que l'étang donne à boire au passereau,
Pendant que le tombeau nourrit les vautours chauves,
Pendant que la nature, en ses profondeurs fauves,
Fait manger le chacal, l'once et le basilic,
L'homme expire ! — Oh ! la faim, c'est le crime public ;
C'est l'immense assassin qui sort de nos ténèbres.
Dieu ! pourquoi l'orphelin, dans ses langes funèbres,
Dit-il : « J'ai faim ! » L'enfant, n'est-ce pas un oiseau ?
Pourquoi le nid a-t-il ce qui manque au berceau ?
Avril 1840.
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"Les Contemplations" fait partie des grandes oeuvres de Victor Hugo.
C'est un très gros volume de poèmes qui forment une "autobiographie" du poète entre 1830, année de la maturité et 1855, période de l'exil.
Deux parties : "Autrefois" (1830/1843) - Une révolution et une terrible mort, celle de Léopoldine pour borner cette période.
"Aujourd'hui" (1843/1855) - Double exil après la mort qui a ruiné la vie de Hugo et après la prise du pouvoir par Napoléon III.
Le poème "Chose vue un jour de printemps" est le 17e poème de 30 (la plus longue série de poèmes du recueil) du livre III "Les luttes et les rêves" de la période "Autrefois". La date est celle des faits mais non de la composition du poème qui, elle, est de 1854. On sent la fibre de l'écrivain qui écrira "Les misérables".
Le titre rappelle la compilation de textes, journaux... réunis après la mort du poète sous le titre "Choses vues", que je lis par ailleurs cette année.
Ce très grand recueil de 158 poèmes sur près de 500 pages devrait devenir le livre de chevet de chacun pour y puiser des sources d'inspiration et des temps de réflexions, de regard sur le monde qui nous entoure... : une sorte de "philosophie de la vie".
Bonne lecture,
Denis
Lu dans cette très riche édition présentée et annotée par Ludmila Charles-wurtz (2002)
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16 avril 2015
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Un poète : Gaspard Hons (né en 1937) poète belge francophone
Un recueil : L'orage en deux (anthologie poétique 1974-1996) paru en 1998 chez l'éditeur "Le dé bleu"
Un poème :
Cordages d'haleines (1975)
à l'embouchure des lèvres
- détour des heures chaudes -
des mains grasses
palpent femmes-pastèques femmes-figues
sous les peaux couvent algues de feu
gousses de sel Les bras déshabillés
rêvent d'arbre-sexe de naussée-salamandre
Au coeur des murailles-silences l'heure pardonne
aux mémoires courtes
l'été profère : couteaux-secs cigarettes-tournesols
et chais vêtus du bleu féminin,
la parole est nue au pied des arbres
-le liège fait peau neuve, la fête
est ce vertige de vin léger de vin qui délie -
un oiseau amer crible - parfois -
le mur des chaleurs
aube. Lenteur d'haleine coiffée
de pain-huile-tomates
haine. amertumes. Plus tard, après la parole
après le geste-brûlure...
le ventre n'a plus d'épaules, la cheville
effleure le lierre, la montagne du départ
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Un poème à l'écriture très libre où les majuscules, les ponctuations sortent de leur position habituelle pour nous livrer des images, des "odeurs", des "senteurs" et des bouffées de rêves et de méditations. Comme le dit l'auteur c'est "la petite musique du monde".
Celle qui résonne, raisonne en nous.
Une belle découverte pour moi qui se rattache au "mois belge" animé par Mina et Anne.
Denis
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9 avril 2015
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Un poète : Guy Goffette (né en 1947à Jamoigne - Belgique)
Un recueil : Solo d'ombre (éditions Ipomée - 1983)
Un poème :
A quelle distance...
A quelle distance de la route
marchons-nous dans quel
chemin d'abeilles affolées
et pourquoi cet entêtement à crier
cette gesticulation
si nul ne peut répondre
Serions-nous donc si près de la mer
dont l'orchestre invisible
bat nos tempes
que tout
même la nuit
nous soit sel
et gerçure
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Ce premier poème du recueil ouvre la première partie : "A quelle distance de la route"
La deuxième partie donne son titre au recueil : "Solo d'ombre" et commence avec ce poème :
A travers le feuillage
A travers le feuillage des jours
le soleil passe la main
et lance sur le carrelage
la monnaie de notre pièce
Solo d'ombres et de voix
pour que nous y trouvions
la force de prendre
le présent par l'avenir
comme un enfant par ses yeux
et rassemblions assez d'oiseaux
pour croire en l'arbre fraternel
qu'ensemble nous portons
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Les éditions Ipomée ont publié de beaux livres de poésie dans les années 1980, c'est alors que j'ai rencontré l'oeuvre de Guy Goffette, une oeuvre vouée à la poésie, aux poètes aussi.
Il a ainsi publié un très beau livre sur Verlaine : "Verlaine d'ardoise et d'argile" (Gallimard L'un et l'autre - 1996).
Dans la même collection, l'auteur a publié un livre sur Auden : "Auden ou l'oeil de la baleine".
De bien beaux titres pour des livres de grande qualité où la poésie domine le texte.
Il a ainsi publié de nombreux recueil, essais. J'ai eu le plaisir de le rencontrer en février dernier au salon du livre de Bruxelles. Et il m'a rappelé qu'il vit en France mais est resté belge de coeur et sur son passeport.
A défaut de pouvoir lire "Solo d'ombres" chez Ipomée, vous trouverez des recueils dans la collection "Poésie - Gallimard".
Ce 14e jeudi poésie de 2015 s'inscrit donc dans le mois belge d'Anne et Mina
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2 avril 2015
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Un poète : Lorand Gaspar (né en 1925 en transylvanie orientale)
Un recueil : Patmos et autres poèmes
Un poème :
Mer Rouge
Maîtresse lumière, corrosif amour,
nudité accomplie par la flamme
battements immobiles dans la pierre -
dureté des fonds sous l'eau translucide
enchantement de couleurs et de formes
étincellement d'écailles et de chairs
dans la mécanique des dents voraces.
Pieds nus en sang nous marchons au Jardin.
Que nous puissions voir et souvent être aveugles,
toucher un mouvement si simple dans nos corps
porter certains jours au plus clair de la pensée
un caillot de nuit trop lourd à nos coeurs
comme on creuse un puits à sa soif au désert -)
Que nous soyons ces corps opaques, mais pénétrables
tels les flans érodés des massifs calcaires
où fermente une clarté le soir -
il arrive pourtant que cernés de ténèbres
nous tournions nos visages du coté du néant -
Et celui qui depuis longtemps nage
dans la tendre enflure matinale
voit dans l'eau qu'il rompt l'abîme
qui tient toute étendue embrassée -
Au sommet de la flamme qu'y avait-il
que le feu n'eût déjà consumé ?
Pluie, ô douce pluie de la terre -
Soie drue ocre et or de l'aube minérale
où nous parle encore la beauté que fend
d'un trait sans défaut la nageoire
dorsale et la peur, puis tout se retend
sans plis sans couture -
(Texte inédit avant parution dans le recueil "Patmos et autres poèmes")
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Auteur cosmopolite, il écrit en français et a été médecin puis chirurgien en France et en Tunisie.
Traducteur, photographe et poète, Lorand Gaspar mérite d'être plus connu.
Je vous renvoie à cet article très intéressant pour en savoir plus sur le poète :
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/gaspar.html
Bonne lecture,
Denis
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26 mars 2015
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Un poète : Max-Pol Fouchet (1913-1980)
Un recueil : Demeure le secret (1961)
Un poème : Le moment d'égrener (poème sans titre)
Le moment d'égrener
La rosée de l'aube
Les cristaux du jour
Les envols de courlis
A la lèvre du vase
La goutte en suspens
Attend de tenir
Un reflet une image
Le miroir des perles
Les grains du désert
Avant la cassure
Refléter le monde
Dans la paume la main
Les doigts les yeux
Une larme une perle
Une goutte un monde
Le moment d'grner
Les étoiles du ciel
Les grappes du soir
Les ultimes raisons
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Né en 1913, comme son ami Albert Camus, Max-Pol Fouchet en voudra à son ami d'avoir épousé Simone Hié, sa fiancée. Il a été comme Camus l'élève du philosophe Jean Grenier.
Edmond Charlot publie ses premiers textes en Algérie.
Il rallie le général De Gaulle pendant la guerre puis voyage beaucoup.
En juillet 1958, il va se faire connaitre en créant et animant "Lectures pour Tous" aux côtés de Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet, et Nicole Vedrès, pour faire découvrir en direct chaque semaine de nouveaux livres aux téléspectateurs.
Il va publier de nombreux livres de poésie, d'art, de voyages dont ce recueil en 1961 "Demeure le secret", écrit souvent dans la solitude de la nuit à Vezelay notamment.
Repos du "guerrier" pour écrire des textes profonds, inspirés.
9 parties avec des poèmes plus ou moins longs, souvent sans titres.
A découvrir et auteur à ne pas oublier...
Denis
Livre réédité par la très belle collection "Un endroit où aller" - Actes Sud
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