Cité de verre (tome 1 de la trilogie new-yorkaise) de Paul Auster
(Babel - 180 pages)
Traduit de l'américain par Pierre Furlan
Titre original : "City of Glass" - 1985
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Premier volet de la "trilogie new-yorkaise" (The New York Trilogy), dont suivront Revenants (Ghosts en 1986) et La Chambre Dérobée (The locked room - 1986), vous aurez compris que "Cité de verre" se passe à New York et bien sûr la ville y a une grande importance.
Paul Auster avait précédemment publié un roman sous le pseudonyme de Paul Benjamin. Ainsi ce roman est sa véritable entrée en littérature.
Et en toute simplicité (!), Paul Auster se met en scène sous son nom dans ce roman.
L'incipit donne tout le suite le sens de l'intrigue du roman : "C'est un faux numéro qui a tout déclenché, le téléphone sonnant trois fois au coeur de la nuit et la voix à l'autre bout demandant quelqu'un qu'il n'était pas".
Une erreur de numéro : oui et surtout une erreur d'identité. Et là il faut bien suivre l'histoire.
Quinn est écrivain. Il a publié des livres de poésie puis il s'est lancé dans le roman policier sous le pseudonyme de William Wilson et a créé un héros qui s'appelle Work. Jusque là c'est simple, rien d'exceptionnel.
Seulement, la voix demande Paul Auster, le célèbre détective. Quinn ne sait trop quoi penser et se dit qu'un nouvel appel viendra sans doute le réveiller dans la nuit. Alors, il attend et cette fois, il répond qu'il est bien Paul Auster. Il accepte dès le lendemain un rendez-vous car il a senti l'angoisse au téléphone de cette vois énigmatique.
Donc, suite logique, la rencontre a bien lieu entre Quinn, devenu Paul Auster et Peter Stillman, celui qui demande une protection immédiate. Son épouse, Virginia Stillmann est là aussi. Les deux hommes parlent et le dialogue est long mais plutôt incompréhensible car Peter a de sérieuses difficultés pour s'exprimer. Virginia décode ensuite pour dire qu'un autre Peter Stillman, le père de Peter, a séquestré son fils dans son enfance, le rendant incapable de parler une langue intelligible. Il a fait de la prison pour cela et Virginia, orthophoniste, a épousé le fils pour essayer de le sortir de cette "torpeur". Seulement, le père sort de prison et il faut absolument que Paul Auster suive l'homme pour s'assurer qu'il ne va pas faire de mal à Peter, le fils.
Il a pris son fils comme cobaye pour des études sur le langage. Quinn - Auster accepte la mission et perçoit un chèque d'acompte au nom d'Auster, qu'il ne pourra pas encaisser mais il part à la gare avec une vieille photo.
Et comme les problèmes d'identité sont au centre du roman, ce sont à quelques instants d'écart, deux hommes au profil qui ressemble à Stillman arrive. L'un part d'un côté, l'autre d'un autre côté. Alors, il faut faire un choix et il en choisit un mal habillé qui pourrait bien sortir de prison.
Commence une filature très étroite. Quinn - Auster tient à partir du 4e jour, un carnet très précis dans lequel il note tous les faits et gestes de l'homme, tous les parcours aussi qui ensuite formeront des lettres avec ces déambulations dans New York. Mais je n'en dirai pas plus long pour ne pas déflorer la suite du roman et du "suspens" car il y en a dans ce livre.
On peut juste dire que Quinn va se rendre chez Paul Auster, lequel ouvre sa porte en disant que non il n'est pas détective mais écrivain. Et il dit même avoir aimé les livres de Quinn. Et qui est là chez lui : sa femme au prénom de Siri, d'origine norvégienne !! et son jeune fils Daniel (même prénom que Quinn).
Page 145 : ..."Daniel, voici Daniel ! // Le garçon éclata de rire et lança : "Tout le monde est Daniel ! // - C'est vrai, dit Quinn, je suis vous et vous êtes moi. / - Et ça tourne en rond, et ça tourne en rond, cria le garçon en écartant soudain les bras et en tourbillonnant dans la pièce comme un gyroscope. / - Et voici ma femme Siri, poursuivit Auster en se retournant vers sa femme."
Et Siri dit bien à Quinn qu'elle est indirectement d'origine norvégienne, née à Northfield, Minnesota.
Nous pourrions appeler cela de l'auto-fiction, car Auster a bien eu un fils Daniel, devenu photographe puis il a connu Siri Hustvedt et s'est marié avec elle en 1982.
Malgré ces problèmes d'identité qui pourraient paraitre rébarbatifs, ce roman se lit avec beaucoup de plaisir et d'intérêt. Il y a quelques digressions quelque peu fastidieuses, comme le chapitre qui explique les théories de Peter Stillman père et lke dialogue entre Auster et Quinn sur Don Quichotte, qui n'apportent pas grand chose à la narration et ne sont pas d'une pertinence absolue, de mon point de vue.
Du nombrilisme, oui, tout de même, mais dès lors où l'on a accepté ces identités "truquées", il faut se laisser porter par ce "suspens" : est-ce le vrai père, va-t-il s'attacher à son fils?, Quinn est-il capable au pied levé d'être un bon détective? Et à quoi sert cette filature? Quinn va aborder Peter Stillman? Que va-t-il sortir de ces entretiens, où là encore l'identité est au coeur de ces rencontres !!!
Je recommande donc cette lecture avec aussi et surtout l'envie, quand on a la trilogie entre les mains, de se dire, qu'il faut absolument la lire dans son intégralité pour tout comprendre du fil narratif de l'auteur et de ce que New York va nous révéler puisque son nom est au coeur de la trilogie...
A très bientôt, pour le 2e volet : "Revenants" (Ghosts)...
Bonne lecture,
Denis
J'ai lu ce livre dans le cadre d'une lecture commune autour de Paul Auster organisée par Noc Tembule à l'occasion de son "challenge US"
Deuxième lecture pour moi après "Correspondance privée" Henry Miller - Lawrence Durrell