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12 octobre 2013 6 12 /10 /octobre /2013 20:32

 

Cité de verre (tome 1 de la trilogie new-yorkaise) de Paul Auster

 (Babel - 180 pages)

Traduit de l'américain  par Pierre Furlan

Titre original : "City of Glass" - 1985

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Premier volet de la "trilogie new-yorkaise" (The New York Trilogy), dont suivront Revenants (Ghosts en 1986) et La Chambre Dérobée (The locked room - 1986), vous aurez compris que "Cité de verre" se passe à New York et bien sûr la ville y a une grande importance.

Paul Auster avait précédemment publié un roman sous le pseudonyme de Paul Benjamin. Ainsi ce roman est sa véritable entrée en littérature.

Et en toute simplicité (!), Paul Auster se met en scène sous son nom dans ce roman.

L'incipit donne tout le suite le sens de l'intrigue du roman : "C'est un faux numéro qui a tout déclenché, le téléphone sonnant trois fois au coeur de la nuit et la voix à l'autre bout demandant quelqu'un qu'il n'était pas".

 

Une erreur de numéro : oui et surtout une erreur d'identité. Et là il faut bien suivre l'histoire.

Quinn est écrivain. Il a publié des livres de poésie puis il s'est lancé dans le roman policier sous le pseudonyme de William Wilson et a créé un héros qui s'appelle Work. Jusque là c'est simple, rien d'exceptionnel.

Seulement, la voix demande Paul Auster, le célèbre détective. Quinn ne sait trop quoi penser et se dit qu'un nouvel appel viendra sans doute le réveiller dans la nuit. Alors, il attend et cette fois, il répond qu'il est bien Paul Auster. Il accepte dès le lendemain un rendez-vous car il a senti l'angoisse au téléphone de cette vois énigmatique.

Donc, suite logique, la rencontre a bien lieu entre Quinn, devenu Paul Auster et Peter Stillman, celui qui demande une protection immédiate. Son épouse, Virginia Stillmann est là aussi. Les deux hommes parlent et le dialogue est long mais plutôt incompréhensible car Peter a de sérieuses difficultés pour s'exprimer. Virginia décode ensuite pour dire qu'un autre Peter Stillman, le père de Peter, a séquestré son fils dans son enfance, le rendant incapable de parler une langue intelligible. Il a fait de la prison pour cela et Virginia, orthophoniste, a épousé le fils pour essayer de le sortir de cette "torpeur". Seulement, le père sort de prison et il faut absolument que Paul Auster suive l'homme pour s'assurer qu'il ne va pas faire de mal à Peter, le fils.

Il a pris son fils comme cobaye pour des études sur le langage. Quinn - Auster accepte la mission et perçoit un chèque d'acompte au nom d'Auster, qu'il ne pourra pas encaisser mais il part à la gare avec une vieille photo.

Et comme les problèmes d'identité sont au centre du roman, ce sont à quelques instants d'écart, deux hommes au profil qui ressemble à Stillman arrive. L'un part d'un côté, l'autre d'un autre côté. Alors, il faut faire un choix et il en choisit un mal habillé qui pourrait bien sortir de prison.

Commence une filature très étroite. Quinn - Auster tient à partir du 4e jour, un carnet très précis dans lequel il note tous les faits et gestes de l'homme, tous les parcours aussi qui ensuite formeront des lettres avec ces déambulations dans New York. Mais je n'en dirai pas plus long pour ne pas déflorer la suite du roman et du "suspens" car il y en a dans ce livre.

On peut juste dire que Quinn va se rendre chez Paul Auster, lequel ouvre sa porte en disant que non il n'est pas détective mais écrivain. Et il dit même avoir aimé les livres de Quinn. Et qui est là chez lui : sa femme au prénom de Siri, d'origine norvégienne !! et son jeune fils Daniel (même prénom que Quinn).

 

Page 145 : ..."Daniel, voici Daniel ! // Le garçon éclata de rire et lança : "Tout le monde est Daniel ! // - C'est vrai, dit Quinn, je suis vous et vous êtes moi. / - Et ça tourne en rond, et ça tourne en rond, cria le garçon en écartant soudain les bras et en tourbillonnant dans la pièce comme un gyroscope. / - Et voici ma femme Siri, poursuivit Auster en se retournant vers sa femme."

 

Et Siri dit bien à Quinn qu'elle est indirectement d'origine norvégienne, née à Northfield, Minnesota.

 

Nous pourrions appeler cela de l'auto-fiction, car Auster a bien eu un fils Daniel, devenu photographe puis il a connu Siri Hustvedt et s'est marié avec elle en 1982.

 

Malgré ces problèmes d'identité qui pourraient paraitre rébarbatifs, ce roman se lit avec beaucoup de plaisir et d'intérêt. Il y a quelques digressions quelque peu fastidieuses, comme le chapitre qui explique les théories de Peter Stillman père et lke dialogue entre Auster et Quinn sur Don Quichotte, qui n'apportent pas grand chose à la narration et ne sont pas d'une pertinence absolue, de mon point de vue.

 

Du nombrilisme, oui, tout de même, mais dès lors où l'on a accepté ces identités "truquées", il faut se laisser porter par ce "suspens" : est-ce le vrai père, va-t-il s'attacher à son fils?, Quinn est-il capable au pied levé d'être un bon détective? Et à quoi sert cette filature? Quinn va aborder Peter Stillman? Que va-t-il sortir de ces entretiens, où là encore l'identité est au coeur de ces rencontres !!!

 

Je recommande donc cette lecture avec aussi et surtout l'envie, quand on a la trilogie entre les mains, de se dire, qu'il faut absolument la lire dans son intégralité pour tout comprendre du fil narratif de l'auteur et de ce que New York va nous révéler puisque son nom est au coeur de la trilogie...

 

A très bientôt, pour le 2e volet : "Revenants" (Ghosts)...

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

 

J'ai lu ce livre dans le cadre d'une lecture commune autour de Paul Auster organisée par Noc Tembule à l'occasion de son "challenge US"

 

challengeus

 

Deuxième lecture pour moi après "Correspondance privée" Henry Miller - Lawrence Durrell

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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 18:50

 

Les champs d'honneur de Jean Rouaud

(Editions de Minuit - 1990 - 186 pages)

Prix Goncourt 1990

 

 

Premier roman de Jean Rouaud, l'auteur va par la suite en faire une série de cinq livres autobiographiques : Des hommes illustres (1993) ; Le monde à peu près (1996) ; Pour vos cadeaux (1998) et Sur la scène comme au ciel (1999).

Ce livre, comme les suivants, raconte la vie de sa famille. Et pour ce premier roman, ce serait plutôt la mort de 3 des membres de la famille : le père du narrateur (Joseph), sa tante (Marie) très dévôte et le grand-père maternel (Alphonse). On est encore à l'époque dans le département de la Loire-Inférieure. 

 

Et pourtant, si ce livre raconte des morts, il ne faut pas oublier qu'ils ont été vivants avant de mourir et l'auteur raconte des moments de vie avec beaucoup de fraîcheur et d'humour. Les voyages dans la 2 CV du grand-père sont de véritables pages d'anthologie.

 

Page 127 : "C'était un temps de fin d'hiver : averses et vent, ciel embrouillé, nuages effilochés ton sur ton dans la grisaille, et un froid humide que le pitoyable véhicule laissait entrer par ses innombrables fissures. Nous avions essayé en vain de tenir à quatre sur la banquette arrière. Mais maman avait beau être menue, ce qui était envisageable dans le DS nous apparentait à des sardines en boîte dans la voiture de grand-père. Grand-mère avait vite trouvé la solution : elle n'irait pas au Pont-de-Pitié, voilà tout, et d'ailleurs ce n'était pas comme si la tante avait encore eu toute sa connaissance".

 

La grande guerre apparait furtivement dans le récit. Quelques pages très généralistes pour une guerre qui a tué deux membres de la famille (un Joseph également et emile, deux grand-oncles du narrateur) mais tellement efficace pour en montrer l'horreur, à l'image de cet extrait :

 

Page 153 : "... Il y avait des mois que les trente étaient des millions, décimés, épuisés, colonie de morts-vivants terrés dans les boues de la Somme et de la Marne, lancés abrutis de sommeil dans des contre-attaques meurtrières pour le gain d'une colline perdue le lendemain et le massacre de divisions entières, pions déplacés sur les cartes d'état_major par d'insensés Nivelle, plan Schlieffen contre plan XVII, tête-à-tête de cervidés enchevêtrés figés dans leurs ramures. Les règles de la guerre, si précieuses à Fontenoy aux ordres du dernier des dondottieres, provoquaient dans cette querelle d'arpenteurs des bilans d'abattoir et une esthétique de bauge. La facture s'alourdissait."

 

On ne suit pas un ordre chronologique dans la lecture de ce texte. On se promène dans la vie de ces gens. On a la fugue du grand-père par exemple qui a dit être allé au musée alors qu'il a pris le bateau pour l'île du Levant, là où sont les nudistes. La tante Marie passe ses journées à faire croire qu'elle est très occupée...

 

Quotidien et mort se cotoient, comme dans toute vie. Car cette famille, celle de Jean Rouault pourrait aussi être la nôtre. Qui n'a pas eu une tante dévôte, un grand-père rêveur qui passe ses après-midis à aller dans le grenier retrouver tous ses rêves de jeunesse, un oncle mort à la guerre...

 

Seulement, tout le monde n'est pas écrivain pour agencer son histoire de manière à en faire un grand livre où le style presque semble pourrait nous égarer. Non, Jean Rouaud est un grand auteur et cette relecture  20 ans après me rappelle que je n'ai pas lu les autres...

 

Alors, promis, je vous parlerai dans les mois qui viennent des 4 autres tomes... Car on ne peut pas en rester là après avoir lu "les Champs d'Honneur".

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

 

Et merci à Julie et son original challenge de 0 à 9 qui en dix mois du 11 au 10 nous fait lire un livre d'une année se terminant par ce chiffre. Ici, du 11 septembre au 10 octobre c'était 0, donc pour moi 1990. Et au fait, le tome 2 "Des hommes illsutres" est de 1993, pourquoi ne pas le lire dans 3 mois pour le chiffre 3...

 

 

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5 octobre 2013 6 05 /10 /octobre /2013 17:09

Une correspondance privée : Lawrence Durrell - Henry Miller

 (Le Livre de Poche - 480 pages)

Présentée par George Wickes

Traduit de l'anglais par Bernard Willerval

Première édition orginale : 1962-1963 - Première édition française : 1963

 

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Cette correspondance entre l'américain Henry Miller (1891-1980) et l'anglais Lawrence Durrell (1912-1990) s'chelonne de 1935 à 1959. Ce sont les deux écrivains qui ont choisi les lettres à éditer. Si le texte de cette correspondance est "intégral", il l'est dans ce sens.

Durrell est très jeune au début et il envoie une première lettre d'éloges en août 1935 : "Je viens de relire "Tropique du Cancer" et il faut absolument que je vous écrive un mot dessus. Pour moi, c'est sans conteste le seul ouvrage digne de l'homme dont ce siècle puisse se vanter. J'ai envie de gueuler bravo !"

Et Miller lui répond le 1er septembre 1935 : "Votre lettre me secoue moi aussi. Vous êtes le premier britannique qui m'ait écrit une lettre intelligente sur mon livre. D'ailleurs, vous êtes aussi le premier qui ose appeler un chat un chat".

Et voilà comment débute une amitié de toute une vie. Miller vit à Paris et ne réussit pas à faire publier ses livres dans le monde anglophone, son oeuvre étant étiquetée "pornographique". Durrell, lui, vit à Corfou où il fait ses premières armes d'écrivain.

Miller va tout faire pour l'aider à percer car lui aussi aime beaucoup les livres de Durrell. Ils vont se rencontrer une première fois à Paris en 1937 puis en Grèce en 1939. La seconde guerre mondiale va les conduire à migrer : Henry va rentrer aux U.S.A. où il va enfin commencer à se faire reconnaitre et Durrell va aller en Egypte où il travaille comme directeur du service de presse étrangère pour les britanniques.

De son séjour au Caire et à Alexandrie, il a sortira son "quatuor d'Alexandrie" plus tard.

Il est impossible de résumer une correspondance. Il convient surtout de dire que c'est la preuve d'une grande amitié où chacun va aider l'autre à être publié et reconnu. L'un vit en France puis aux USA, l'autre est plus "voyageur" ; Corfou, Rhodes étant ses terres de prédilection, ses emplois le conduisant aussi en Argentine, en Yougoslavie et à Chypre.

Quelques extraits de cette riche et belle correspondance :

Lawrence Durrell (janvier 1937) page 82 : "Ma naissance et mon éducation  ? Je suis né aux Indes. J'y suis allé à l'école - juste sous l'Himalaya. Mes meilleurs souvenirs, un rêve du Tibet, avant mes quatorze ans. Puis cette petite île (la Grande Bretagne) atroce et mesquine là-bas qui m'a dépossédé de moi-même et a essayé de détruire tout ce qu'il y avait en moi de singulier et d'unique. Ma soi-disante éducation n' a été qu'une révolte. J'ai toujours rompu mes amarres quand j'étais malheureux. La liste des écoles que j'ai fréquentées aurait un mètre de long".

 

Tous deux sont des révoltés, des marginaux de la littérature. Ils veulent rompre avec les traditions, ce qui leur vaut les pires difficultés.

 

Henry Miller (8 mars 1937) page 95 : "Le "Carnet Noir" est arrivé et je l'ai ouvert et je l'ai lu avec des yeux exhorbités, avec terreur, admiration et stupéfaction. Je continue à le lire, moins vite, car je veux en savourer chaque bouchée, chaque ligne, chaque mot. Vous êtes le maître de la langue anglaise".

 

Henry Miller (4 avril 1939) page 198 : ..."L'écrivain devrait toujours être en dessous ou au-dessus de la normale, je crois, mais jamais sain et sobre. J'ai travaillé avec mes maladies sans difficultés toutes ces années passées. Mais si je dois devenir un specimen sain et normal, je dirai adieu à ma carrière littéraire.

 

Henry Miller (13 février 1957) page 371 : " Viens de recevoir votre "Justine" et l'ai presque fini, d'un seul trait. Extraordinaire ! Et quelle écriture ! Personne n'écrit l'anglais comme vous ! A donner parfois le frisson . Quel portrait de'Alexandrie !"

 

Lawrence Durrell (juin 1957) page 378 : "Je suis très embarrassé quand je vois tout le temps que vous passez à écrire sur moi au lieu d'écrire sur vous-même. Pour un autobiographe, c'est certaineement là une grande perte d'énergie. Je ne sais comment vous remercier. Que puis-je faire en retour pour vous témoigner ma gratitude?".

 

Ces quelques extraits montrent bien l'attachement l'un pour l'autre et leur fidélité au long des années. Ils parlent aussi de leurs voyages, de leur vie personnelle. Chacun va se marier, avoir des enfants, divorcer... Des vies consacrées tout de même à leur oeuvre, chacun se battant pour se faire éditer car leur oeuvre n'est pas "ordinaire". Elle est moderne, novatrice, provocatrice aussi. Mais on voit par le style de ces lettres que ce sont de véritables écrivains qui mettent autour de coeur dans leur courrier que dans leurs textes. Et ils savent aussi se dire ce qui ne va pas dans leur oeuvre !!! Ainsi Durrell se montre très déçu par "Sexus". 

 

C'est comme toujours l'ntérêt des correspondances d'écrivains de se dévoiler dans leur intimité. Et là il s'agit bien d'une "correspondance privée", consensus des deux auteurs qui ont choisi ensemble les lettres à publier.

 

Bonne lecture,

Denis

 

 

Lecture faite au titre de deux challenges :

 

- Challenge U.S. chez Noc Tembule et lecture commune Henry Miller :

 

challengeus

 

 

- Challenge "en toutes lettres" chez Heide

 

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30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 20:34

 

Correspondance Kawabata - Mishima (Albin Michel - 2000 - 302 pages)

Préface de Diane de Margerie Traduction et notes de Dominique Palmé

Première édition au Japon : 1997

      

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Deux  auteurs majeurs de la littérature japonaise du 20e siècle ont correspondu pendant 25 ans, de 1945 à 1970 :

 

KAWABATA Yasunari (1899-1972 ; Prix Nobel de Littérature 1968), l'aîné dit "le Maître"

MISHIMA Yukio (1925 - 1970) ; le jeune qui débute sa carrière littéraire...

 

En 1945, Kawabata est déjà un auteur reconnu, emblématique de la littérature japonaise. "La danseuse d'Izu" (1926), "Pays de neige" (1935), "L'adolescent" (1921) ont été publiés au Japon et sa notoriété n'est plus à faire. Mishima, lui, a tout juste 20 ans lorsqu'il lui envoie sa première lettre. Il n'a pas encore son nom de plume et signe HIRAOKA Kimitake.

Il a envoyé son premier texte à Kawabata qui lui répond le 8 mars 1945 : "Noda m'a fait transmettre aujourd'hui votre ouvrage "La forêt en fleurs", dont je vous remercie. J'avais eu l'occasion d'en parcourir une partie dans "Bungei bunka", où votre style m'avait déjà beaucoup intéressé, aussi je me réjouis de pouvoir le lire dans sa totalité".

Et Mishima de lui répondre le 16 mars 1945 : " Loin de me blamer de l'impolitesse avec laquelle je vous ai fait parvenir inopinément mon livre, l'autre jour, par l'intermédiaire de M. Noda, vous m'avez adressé une lettre très aimable dont je vous remercie infiniment".

 

25 ans bornent la vie littéraire de Mishima entre ses débuts en 1945 et son suicidé par éventration (seppuku) le 25 novembre 1970, si bien que cette correspondance balaie toute la période créatrice de l'écrivain sous le regard toujours complaisant du "Maître", qui lui va décliner d'années en années. Kawabata se plaint de maux à la vésicule, puis d'insomnie et le syndrôme de la page blanche semble l'assaillir. Mais Kawabata est un "personnage public" et il se plaint ausi souvent d'être trop pris par le Pen Club Japonais qu'il préside.

 

Mishima voyage beaucoup , boit et s'en accuse mais il travaille beaucoup. Il est très prolifique et les dernières années de sa vie sont placées sous le signe de l'écriture de sa tétralogie, déclaré "chef d'oeuvre" par Kawabata, "La mer de la fertilité".

 

Kawabata s'est également suicidé, mais deux ans après Mishima et il n'en fait aucune allusion, alors que Mishima écrit le 4 août 1969 : ..."Je dis des choses de plus en plus bêtes, qui vont certainement vous faire sourire, mais ce que je redoute, ce n'est pas la mort, c'est ce qu'il adviendra de l'honneur de ma famille après ma mort. Si jamais il m'arrivait quelque chose, je suppose que le monde en profiterait pour sortir ses crocs, traquer mes moindres défauts, et mettre en pièces ma réputation. Cela m'est égal que l'on se moque de moi  de mon vivant, mais l'idée qu'on puisse rire de mes enfantsaprès ma mort m'est insupportable. Sûr que vous êtes la seule personne à pouvoir les préserver de cela, je m'en remts donc entièrement à vous pour l'avenir".

Et comme le précise la traductrice Dominique Palmé dans une note, le 24 janvier 1971, lors des obsèques publiques, Kawabata qui présidait la cérémonie lut cet extrait de lettre.

 

Ce témoignage montre les liens d'amitiés entre les deux écrivains, poutant tellement différents l'un de l'autre. Jamais, il n'y a de fausses notes dans leur correspondance et chacun s'inquiète de la santé de la famille... Beaucoup de courtoisie, de fidélité sans faille, d'attention avec des cadeaux aussi, dans cette correspondance. Et on sent la sincérité.

 

Un très beau livre, très richement (parfois presque trop) commenté par 342 notes.

Ainsi, le livre se décompose ainsi : préface de Diane de Margerie (d'excellente qualité) de 25 pages ; correspondance intégrale de 200 pages et 65 pages de notes.

 

Quand on lit une telle correspondance d'écrivains, il faudrait, pour ne pas être frustré, lire au moins un livre de chaque auteur concomitamment pour mieux savourer leurs mots.

 

Ceci étant cette lecture est passionnante et je la recommande très vivement à tout amoureux de la littérature japonaise car on vit ici 25 ans d'activité littéraire intense avec des auteurs majeurs.

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

 

J'ai lu ce livre dans le cadre de deux challenges :

 

Le challenge de Adalana que je suis de mois en mois : "écrivains japonais"

Logo écrivains japonais_1

 

et le nouveau challenge de Heide "Challenge en toutes lettres"

 

Lettre plume logo2

 

 

 

 

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25 septembre 2013 3 25 /09 /septembre /2013 19:52

 

Gaby et son maître d'Arthur Bernard

(Editions Champ Vallon - août 2013 - 120 pages)

 

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J'ai lu ce livre en juin 2013 dans le cadre du jury du prix du roman FNAC. Et voir le haut du portrait de Samuel Beckett sur la couverture m'a donné une prodigieuse envie de lire ce livre qui allait me faire entrer dans l'univers du grand auteur.

Alors, oui, il y a de beaux passages, quand le narrateur parle de son maître, mais il y a aussi des pages de "délires" qui gâchent quelque peu l'intérêt du livre, hélas. J'aurais envie d'appeler ces pages "de la bouillie de mots". Sans doute, le narrateur veut se mettre à la hauteur du "maître" mais il n'y parvient pas.

Je, c'est Gabriel Lavoipierre, dit Gaby et il, c'est le maître, qu'il ne faut pas nommner tellement son oeuvre est grande. Et les deux hommes ont été presque voisins sans jamais se parler. Gaby n'ose pas l'aborder.

Une jeune fille canadienne va le croiser, le reconnaître au jardin du Luxembourg près de la statue de Marie Stuart mais le maître lui fait "chut" et c'est tout. C'est son seul mot qui sera entendu.

Ils se sont souvent croisés dans la station de métro Glacière, Gaby tombant en admiration devant Sam... car il ne faut pas le nommer par son nom intégral.

Par chance, l'épouse de Gaby a travaillé en classe d'anglais sur l'oeuvre du "Maître", ce qui lui a permis de recevoir une lettre de Sam... que Gaby a fait sienne.

Et puis, le Maître est mort, enterré à Montparnasse.

L'auteur, qui a publié aux Editions de Minuit "la chute des graves" en 1991, intervient pour dire qu'il est fier d'être dans le même catalogue que Samuel Beckett et qui plus est très près de lui de par l'ordre alphabétique...

Dommage donc, qu'il y ait ces pages qui viennent hacher le texte, le mettre à distance de Beckett pour montrer des pans autobiographiques de Gaby.

A noter que l'auteur a publié en 2011, chez le même éditeur, "Gaby le petit", ce qui semble dire que l'on va suivre ce personnage de livre en livre.

 

Début très prometteur : "J'avais tout lu, relu de lui, en savais par coeur des morceaux entiers, mettant ma voix dans la sienne, sa musique, sa chanson, universelles comme un bruit de feuilles, car quel chanteur, musicien du vent c'était ! // Je le considérais comme mon maître, pourtant ne fûmes en rien familiers".

 

Page 81 (moins convaincant) : "De cinquième, n'y en avait qu'un tous les sept jours, pas plus de semaine des quatre vendredis qu'une des quatre jeudis tant espérée de mon temps des écoliers tire-au-flanc. Ce jour-là était également jour sans viande, et, aussi bon mécrant que bon catholique rapport au goût exquis du pêché, j'allais y dévorer un steack saignant et toujours au même endroit, un coin qu'on commençait à appeler snack en langue moderne, à l'Odéon, juste face à la statue de Danton."

 

Une déception avec ces digressions qui rendent le texte haché, laissant le lecteur dubitatif. Dommage alors que le sujet était vraiment intéressant.

 

Bonne lecture (pourquoi pas, au moins pour les références à Beckett),

 

Denis

 

 

Livre lu dans le cadre du challenge rentrée littéraire 2013 organisé par Sophie Hérisson.

2e titre après mon "coup de coeur" : "Le jardin de l'aveugle " de Nadeem Aslam (livre voyageur qui attend son premier destinataire)

 

 

                                                                              2/6

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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 20:58

 

La confession d'un enfant du siècle d'Alfred de Musset (Pocket - 332 pages)

Première publication : 1836

 

Alfred de Musset (1810-1857) venait de sortir de sa liaison avec George Sand quand il écrivit ce texte autobiographique. Il rencontre George Sand le 19 juin 1833 lors d'un dîner et ils vont se quitter définitivement le 6 mars 1835. Un peu moins de dexu ans d'une aventure amoureuse tumultueuse dont Alfred de Musset tire ce livre en 1836, presque "à chaud", tandis que George Sand publiera "Elle et lui" en 1859, soit plus de vingt ans plus tard.

 

Octave, le héros de "la confession...", 19 ans lors au début du texte, raconte ainsi ses mésaventures sentimentales. Ce "mal du siècle" qu'il va nous présenter débute un soir dans un dîner, quand il s'aperçoit que sa maîtresse fait du pied à un de ses amis. Trahi, il demande réparation par un duel dont il sort blessé (au propre et au figuré). Il revoit sa maîtresse, se rend comtpe qu'il l'aime toujours mais la situation est compliquée et son ami Desgenais essaie e lui expliquer dans quel état d'esprit il est.

 

Page 33 : "J'ai à raconter à quelle occasion je fus pris d'abord de la maladie du siècle. // J'étais à table, à un grand souper, après une mascarade. Autour de moi mes amis richement costumés, de tous côtés de jeunes gens et des femmes, tous étincelants de beauté et de joie ; à droite et à gauche des mets exquis, des flacons, des lustres , des fleurs ; au-dessus de ma tête un orchestre bruyant, et en face de moi ma maîtresse, créature superbe que j'idôlatrais. (...) Comme je me retournais pour prendre une assiette, ma fourchette tomba. Je me baissai pour la ramasser, et, ne la trouvant pas d'abord, je soulevai la nappe pour voir où elle avait roulé. J'aperçus alors sous la table le pied de ma maîtresse qui était posé sur celui d'un jeune homme assis à côté d'elle ; leurs jambes étaient croisées et entrelacées, et ils les resserraient doucement de temps en temps".

 

Le drame "romantique" peut alors se mettre en marche. Octave va aller de déceptions en déceptions, d'abord avec Mme Levasseur, une amie de sa maîtresse qu'il va séduire et abandonner presque aussitôt, se disant qu'il n'est plus capable d'aimer.  Desgenais va l'entraîner dans le monde du libertinage et des aventures éphémères.

Et puis, il rencontre Béatrice Pierson, plus âgée que lui, qui va le repousser. Seulement Octave se rend compte qu'elle l'aime.

 

Elle lui écrit : 'page 169) "... Je suis plus vieille que vous de quelques années, et je vous demande de ne plus me revoir. Ce serait en vain que vous tenteriez d'oublier un moment de faiblesse ; ce qui s'est passé entre nous ne peut ni être une seconde fois ni s'oublier tout à fait. // Je ne vous quitte pas sans tristesse ; je fais une absence de quelques jours ; si, en revenant, je ne vous trouve plus au pays, je serai sensible à cette dernière marque de l'amitié et de l'estime que vous m'avez témoignées. - Brigitte Pierson".

 

Et telle la relation avec George Sand, celle entre Octave et Brigitte se révèle compliquée. Octave est suspicieux, essaie de savoir si elle lui est fidèle, surveille Smith qui va être l'amant de Brigitte, plusieurs preuves l'attestant.

Octave repousse alors de jours en jours le voyage qu'il doit faire en Italie avec Brigitte, pense même à la tuer... Musset met beaucoup de lui dans ces pages.

 

Page 282 : "Tandis que, du jour au lendemain, je remettais sans cesse ce départ, je perdais la force et le sommeil, et peu à peu, sans que je m'en aperçusse, toute la vie m'abandonnait. Lorsque je m'asseyais à table, je me sentais un mortel dégoût : la nuit, ces deux pâles visages, celui de Smith et de sa maîtresse, que j'observais tant que durait le jour, me poursuivaient dans des rêves affreux".

 

Ce récit est tout à fait dans l'esprit du romantisme apparu en France au début des années 1830. Musset s'inscrit en plein dans ce mouvement littéraire qu'il investit tout d'abord par le théâtre (Les caprices de Marianne, 1833 ; On ne badine pas avec l'amour, 1834 ; Lorenzaccio, 1835).

Une lecture inspirée par l'envie de relire cet auteur par un de ses écrits emblématique du romantisme. Alors, bien sûr, le ton par moments très lyrique peut paraître "daté", mais l'ensemble du récit s'avère lisible même 180 ans plus tard, à condition, bien sûr, de lire dans l'esprit de l'époque et non avec notre regard d'aujourd'hui.

 

Une très intéressant lecture pour revisiter un 19e siècle toujours aussi divers et passionnant.

 

Bonne lecture,

Denis

 

Et cette lecture, bien que programmée avant la création du challenge, s'inscrit dans ce nouveau et passionnant "challenge du XIXe siècle" qu'a initié "Netherfield Park", un blog à quatre main comme bonheur de lire

 

Et comme ce blog s'intéresse autant à la littérature qu'au cinéma, je précise que "la confession d'un enfant du siècle" a fait l'objet d'une adaptation :

 

 

 

 

 

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15 septembre 2013 7 15 /09 /septembre /2013 05:00

 

Le gang des mégères inappropriées

(ou comment kidnapper un mari quand on n'a rien pour plaire)

de Tom Sharpe (Belfond - collection lttérature étrangère - 232 pages - 2010)

Titre original : The Gropes (2009)

Traduit de l'anglais par Daphné Bernard

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Notre cher auteur Tom Sharpe a eu la courtoisie très "british" de décéder en plein mois anglais sur les blogs, d'où mon idée de lui rendre hommage ce 15 septembre (après les vacances d'été donc) par une lecture commune.

 

J'ai finalement choisi ce livre disponible en bibliothèque sachant qu'au départ je pensais lire son premier roman publié en France en 1986 : "La route sanglante du jardinier Blott", ce que j'avais annoncé un peu trop vite, mais j'avais lu le premier chapitre, seulement le livre n'était plus disponible. C'est presque du Tom Sharpe, cette histoire de choix de lecture...

 

Donc, pour faire plus simple au niveau du titre, j'ai lu "The Gropes" (où les éditeurs français vont-ils chercher des titres accrocheurs alors que je suis persuadé que Tom Sharpe n'avait pas besoin de cela pour être lu en France).

 

Et justement, il s'agit bien de l'histoire de la famille Grope de Grope Hall. Et oui, car leur implantation dans le Northumberland remonte aux calendes anglaises. L'auteur remonte gaillardement à leurs origines au moment de la conquête normande par les vikings (des gens que l'on connait bien en Normandie, et étant normand moi-m-eme, qui vous dit que je n'ai pas du sang Grope - alors là fuyons à bride abattue...).

Car la famille n'est pas très fréquentable. D'abord, ce sont les femmes qui ont le pouvoir mais elles sont "moches" et les Grope vivent en autarcie. Quand ils kidnappent quelqu'un il devient prisonnier du clan et comme ce sont des hommes, il doit épouser une Grope et il perd son nom de famille obligatoirement. Je sens que les féministes vont applaudir et avoir envie de rencontrer ces braves gens !!! Et cerise sur le gâteau, il doit donner une fille à son épouse, sinon tout est fait pour se débarrasser de la progéniture mâle.

Page 11 : "... on murmurait un peu partout que si un garçon était l'aîné (ce qui se révélait fort rare), on l'étranglait dès sa naissance. Vrai ou faux, il est certain qu'au cours des ans, les Grope produisirent une quantité inhabituelle de filles."

 

Et on en vient à notre époque avec une descendante directe : Belinda.

 

Vera est mariée à un directeur de banque, Horace Burnes et a un fils Esmond, pas très éveillé, attiré toutefois par l'art !!!. Mais un soir, un drame est évité de justesse. Horace, ivre, rentre chez lui et prend un couteau pour tuer Esmond.

 

Page 48 : "Saisissant un couteau à découper, il s'avança d'un pas lourd vers son fils, se jeta sur lui et tomba face contre terre.

- Papa ne tourne pas rond? demanda Esmond tandis que Vera s'agenouillait près d'Horace et lui retirait le couteau des mains.

- Il n'est pas lui-même. Ou plutôt il a l'impression qu'il est est quelqu'un d'autre. un truc comme ça. Esmond, est*ce que tu peux, pour une fois, arrêter de raser les murs et aider ton père à retrouver ses esprits  avant que j'appelle une ambulance?"

 

Pour sauver son fils, elle l'envoit chez son frère Albert, homme d'affaires plus que douteux, marié à Belinda. Mais personne ne sait qu'elle est une Grove. Elle va s'en servir plus tard pour "sauver" Esmond qu'elle trouve naïf mais plutôt beau garçon.

 

C'est alors que cette histoire explose complètement comme les personnages du roman. Horace va définitivement partir. Albert et sa soeur vont passer pour fous par la police et les psychiatres, après que Belinda aura décidé d'emmener avec elle Esmond dans son fief à Grove Hall...

 

Beaucoup d'humour, de dialogues "décalés" entre personnages plus fous les uns que les autres y compris le commissaire de police qui va avoir à intervenir après le départ de Belinda. Al-Quaida est même cité dans le roman.

Avec Tom Sharpe, et je pense que les autres romans sont de la même veine, on ne s'ennuie pas et on se laisse emporter par la folie romanesque dans laquelle il nous conduit.

Ce livre n'a pas été un coup de coeur mais une découverte d'un auteur que je ne connaissais pas vraiment. Je ne me précipiterai pas vers ses autres livres sauf les lectures d'autres bloggeurs me font changer d'avis notamment au regard de sa série Wilt.

 

Ce livre s'inscrit dans le challenge "littérature du Commonwealth"

 

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

Voici les liens vers les autres articles de cette lecture commune : 

 

- Wilt 1 : Cléanthe, Martine, Valentyne

- Wilt 2 : Adalana

- Wilt 3 : Delphine

- Le gang des mégères inapprivoisées : Denis, Lou et Noctembule

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11 septembre 2013 3 11 /09 /septembre /2013 16:53

 

 

Juin 2013 - Grands Détectives 10/18 - 384 pages

 

Nous sommes en 1864 et Lizzie Martin accepte un poste de dame de compagnie à Londres auprès d'une riche veuve qui est aussi une propriétaire de taudis. Lizzie est intriguée d'apprendre que la précédente dame de compagnie a disparu, apparemment après s'être enfuie avec un inconnu. Mais quand le corps de la jeune fille est retrouvée dans les décombres de l'un des bidonvilles démolis récemment autour de la nouvelle gare de St Pancras, Lizzie commence à se demander ce qui s'est passé. Elle renoue avec un ami d'enfance, devenu l'inspecteur Benjamin Ross, et commence à enquêter avec son aide, au péril de sa vie, pour découvrir la vérité sur la mort de la jeune fille dont le sort semble étroitement lié au sien.

 

J'ai beaucoup aimé cette intrigue qui nous entraîne dans une Londres victorienne , superbement décrite.

Une intrigue complexe et glaçante, traitée avec un sens aigu de l'humour anglais.

 

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10 septembre 2013 2 10 /09 /septembre /2013 07:00

 

Les braises de Sandor Marai (Le livre de poche - biblio - 218 pages)

Titre original : A gyertyak csonkig égnek (1942)

Traduit du hongrois par Marcelle et Georges Régnier

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L'auteur, Sandor Marai (1900-1989), hongrois, choisit l'exil en 1948 et s'est suicidé aux Etats-Unis en 1989. Il a essentiellement écrit sur la bourgeoisie hongroise dont il est originaire.

 

 

La présentation de l'auteur dans cette édition dit à juste titre : " La concentration de ses récits dans l'espace et dans le temps, la gravité des réflexions développées par les principaux personnages apparentent son art à la dramaturgie classique".

Quant à la 4e de converture, elle nous dit que l'auteur s'inscrit dans la lignée de Schnitzler, Zweig ou Musil.

A noter que l'oeuvre de Sandor Marai fut interdite en Hongrois jusqu'en 1990, date à laquelle la Hongrie est sortie du giron soviétique.

 

J'ose affirmer qu'en effet les analyses psychologiques de l'auteur, sa narration claire, précise et son style efficace, sans fioritudes le rapproche de Stefan Zweig. J'ai souvent senti des parentés et la comparaison avec Schnitzler m'a paru pertinante également. Je ressens moins les affinités électives avec Robert Musil (ou alors oui en oubliant "l'homme sans qualités" qui est d'une autre dimension).

 

L'intrigue est relativement simple. Henri, vieux général en retraite depuis longtemps, retiré de la vie dans son chateau avec sa très vielle nounou, Nini, âgée de 91 ans, reçoit une lettre qui lui annonce que son vieil ami, Conrad est en route pour le rencontrer. 41 ans et 43 jours que les deux hommes ne se sont pas rencontrés.

Henri demande à Nini de reconstituer la salle à manger telle qu'elle était  à l'époque, lors de sa dernière soirée avec Conrad avant son départ qui semblait sans retour jusqu'à ce jour.

L'auteur nous présente ses personnages, leur longue amitié en amont de cette rencontre, le mariage de Henri avec Catherine mais le vrai grand moment du livre commence lorsque les deux hommes se retrouvent dans le chateau, après cette si longue absence.

Page 69 (l'arrivée de Conrad) : "Dans son habit noir, il (Henri) descendait l'escalier comme un vieillard, mais le buste droit et avec solennité. En bas, la porte du salon s'ouvrit et , dans l'embrasure, derrière le domestique apparut un homme vieux.

- Tu vois, je suis revenu encore une fois, dit l'hôte doucement.

- Je n'ai pas douté un instant que tu reviendrais, répondit le général également à voix basse et il sourit.

Puis ils se serrèrent très poliment la main".

 

C'est alors que commence vraiment la dramaturgie du texte. On entre avec ces deux hommes dans cette pièce reconstituée. Il manque Christine, décédée 8 huits après le départ de Conrad. Le huis clos peut s'installer entre les deux vieillards

 

Page 77 : "Ils étaient assis aux deux bouts de la longue table de la grande salle à manger, dans laquelle aucun invité n'avait pénétré depuis la mort de Christine. Une salle à manger où, depuis des dizaines d'années, personne n'a pris de repas fait penser à une sorte de musée".

 

Le général commence alors à parler dans une sorte de monologue qui va durer plus de 100 pages. Conrad intervient régulièrement pour de brèves interventions. Et ce passé va se révéler lentement, au fil des pages, des détours.

 

Page 97 : "- Nous n'en avons plus pour longtemps à vivre, déclare le général en guise de conclusion à ses réflexions muettes. Une ou deux années, peut-être même pas autant. Nous ne vivrons plus longtemps, puisque te voilà revenu. Tu le sais toi-même parfaitement.

- Oui, je le sais, dit Conrad tranquillement".

 

Vous imaginez la tension psychologique qui va monter de pages en pages, de révélations en révélations.

Il est bien sûr impossible d'en dire beaucoup plus sur l'intrigue car il faut vraiment lire ce livre, magnifique, au style sobre, efficace.

L'on se pose la question bien sûr : pourquoi être parti brutalement? pourquoi n'avoir pris aucune nouvelle de Henri et Catherine pendant ces 41 ans?...

 

Un dernier extrait, page 106 (c'est le général qui parle) : "- Il faut  que je te dise toute ma pensée. Oui, je parle de vengeance. Mais celui qui est offensé et veut se vanger, l'homme déçu, trompé et abandonné, était-il vraiment un ami?...(sic) Vois-tu, ce sont les questions auxquelles je me suis efforcé de répondre quand je suis resté seul. La solitude ne m'a naturellement pas apporté de réponse. Les livres eux-mêmes ne m'ont pas donné de solutions satisfaisantes, pas plus les livres anciens - oeuvres de penseurs chinois, juifs et romains - que les livres modernes qui ont, il est vrai, leur franc-parler, mais qui ne contiennent que des mots et non pas la vérité. D'ailleurs, quelqu'un a-t-il jamais écrit la vérité?"

 

Le général a ruminé pendant 41 ans ce départ brutal, sans prévenir, et c'étaient les meilleurs amis du monde. Et leur amitié dans tout cela? Etait-elle sincère?

Des questions et d'autres encore avec des tentatives de réponses qui sont autant de pensées non résolues du général et qui semblent laisser presque insensible Conrad...

 

On ne sort pas indemne d'un tel livre car on pense soi-même à sa vie, ses amitiés, la solitude, la méditation... Il y a tout cela dans le livre.

 

Deux / trois heures de lecture, le temps d'une pièce de théâtre, d'une tragédie... ces longs dialogues (monologues) font penser au théâtre aussi, car ce roman pourrait facilement être joué sur une scène, sans rien changer aux dialogues, les enchainer simplement. Ce qui a été le cas en France notamment en 2003 par le grand acteur Claude Rich (né en 1929).

 

 

J'ai lu ce livre en lecture commune avec Valentyne (blog la jument verte).

 

Un chef d'oeuvre à lire absolument et je lirai d'autres oeuvres de l'auteur par la suite d'autant que la littérature d'Europe centrale fait partie de mes passions littéraires.

 

Bonne lecture,

 

Denis

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1 septembre 2013 7 01 /09 /septembre /2013 19:48

Dans le cadre du blogoclub, le thème choisi pour le 1er septembre 2013 est la littérature irlandaise.

 

 

 

J'ai choisi pour ma part un auteur que je ne connaissais absolument pas, donc j'ai pu le lire sans a-priori.

Edna O'Brien a tout de même écrit : "Avec Joyce et Beckett il constitue notre trinité de grands écrivains irlandais".

Mes yeux ont tout de suite pétillé à la bibliothèque, cela aurait pu se voir en me regardant, et donc je suis reparti avec ce livre, de plus publié chez un éditeur que j'aime particulièrement :

 

L'Archiviste de Dublin de Flann O'Brien (Phébus-Libretto - 240 pages)

Traduit de l'anglais (Irlande) et présenté par Patrick Reumaux

Titre original : "The Dalkey Archive" (1964)

 

D'entrée Patrick Reumaux dans sa préface nous prévient : "En 25 ans, j'ai écrit 10 livres sous quatre noms de plume totalement incompatibles et sur des sujets n'ayant pas le moindre rapport entre eux..."

L'on a tout de suite compris que l'on ne va pas rentrer dans un roman "classique", mais dans un roman qui va nous entraîner dans un drôle de monde.

 

Et de fait voici le premier paragraphe du roman : "Dalkey est une petite ville sur la côte à environ douze milles au sud de Dublin. C'est une ville ahurissante, repliée sur elle-même, tranquille, faisant semblant de dormir. Les rues sont étroites, pas évidentes comme rues avec des croisements qui paraissent accidentels. Les boutiques ont l'air fermées mais sont ouvertes. Dalkey ressemble à une modeste colonie qui doit être (se dit le voyageur) très proche d'un endroit fameux par son importance et sa distinction. Et c'est le cas: vestibule d'une synopticité divine".

 

(Synopticité n'existe pas en français mais synopticity existe en anglais et serait utilisé dans la bible, ce qui annonce le côté mystique et théologien d'un des personnages, Mr de Selby.)

 

Un superbe style décoiffant d'entrée de jeu. Et dans cette sombre ville, une nuit, deux amis Mick Shaughnessy et Hackett tombent sur un homme blessé, Mr de Selby, physicien et théologien. Complaisamment, ils le raccompagnent chez lui. Et alors, le "brave homme" les informe qu'il a trouvé une substance chimique qui supprime l'oxygène et peut alors tuer tout être vivant sur terre. Il lui reste à trouver comment véhiculer sa substance pour qu'elle se répande dans le monde entier instantanément.

Cette révélation ne semble pas effrayer les deux amis qui rentrent chez eux en prenant rendez-vous le lendemain à huit heures avec l'étrange Mr de Selby.

Le rendez-vous est prévu pour qu'ils plongent avec lui vers une grotte souterraine. Et là, le "savant fou" entre en contact entre autre avec Saint Augustin...

Cette partie du roman est délirante, vous pouvez l'imaginer.

C'est alors que Mick, le héros principal que l'on suit tout au long du roman, se dit qu'il faut quand même faire quelque chose pour éviter cette extermination. Il en parle à un ami policier , le sergent Fottrell, et ils fomentent un plan pour aller subtiliser le produit.

Et une autre histoire vient absorber Mick, car on lui dit que James Joyce est revenu en Irlande et vit isoler et incognito dans une station balnéaire au nord de Dublin, Skerries.

 

Mick ne peut pas laisser passer sa chance de rencontrer le grand écrivain et il part à sa recherche et finit par le trouver, mais bien sûr, personne ne doit rien savoir de lui. D'ailleurs, il nie être l'auteur d'"Ulysse" (écrit par des pornographes qui ont usurpé son nom).

L'objectif pour Mick est de faire rencontrer Joyce et De Selby, mais entretemps, Joyce souhaite devenir jésuite et Mick lui fait rencontrer le père Cobble.

L'archiviste de Dublin, c'est Joyce.

Vous aurez compris que ce roman est une "farce" à caractère philosophique, prenant la religion et la littérature en "défaut". Et qu'il ne faut y chercher aucune rationnalité.

Le temps est aboli, sans doute, grâce à De Selby. La question reste : Mick pourra-t-il empêcher le savant fou à réaliser son rêve d'extermination...

Je ne suis pas sûr que je lirai d'autres livres de cet auteur aux noms multiples. Par contre, je resterai un fervant lecteur de Joyce et Beckett.

Bonne lecture,

 

Denis

 

Ce livre rentre aussi dans le challenge Commonwealth du blog "la bouteille à la mer"

 

Logo-challenge-littérature-culture-du-commonwealth

 

 

 

ainsi que pour le challenge British Mysteries organisé par Lou et Hilde :

 

 

 les quatre de baker street, les orphelins de londres, arthur conan doyle, sherlock holmes, époque victorienne, londres, londres xixe, londres victorienne, angleterre victorienne, angleterre xixe, mois anglais, challenge british mysteries

 

 

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