Récits d'ici et d'ailleurs d'Anne-Claire Rallo (Anesthetize)
Recueil de nouvelles - 53 pages - juillet 2020
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"Récits d'ici et d'ailleurs" se compose de 5 nouvelles.
Je remercie d'entrée l'auteure, Anne-Claire Rallo de m'avoir contacté pour m'envoyer ce recueil.
A la suite de quoi, j'ai lu une nouvelle chaque jour de lundi à hier et deux nouvelles aujourd'hui pour terminer le recueil. A l'issue de chaque lecture, j'ai envoyé mon résumé à Anne-Claire en lui demandant ses réactions par rapport au résumé ou à l'écriture de la nouvelle, que je restitue ci-dessous :
Première nouvelle : Le clown triste
"condamné... la peine capitale !"
Incipit intrigant. Le titre nous fait dire que l'on est dans un cirque. Mais à quelle époque sommes nous pour parler de peine capitale !
Qu'a-t'il pu arriver à Simon le narrateur pour attendre un tel châtiment ?
Rien n'est clair dans son esprit. Quel jour a eu lieu l’événement qui a fait basculer sa vie. Heureusement Jacques a toujours été à ses côtés depuis qu'il est orphelin.
Mais qui est Simon si proche du Meursault de Camus.
Question à Anne-Claire : Comment vous est venue cette idée ?
Pour être honnête, je n’ai jamais (ou alors très rarement) une idée précise de ce que sera mon histoire du début à la fin avant d’écrire.
Je fais parler les personnages et ce sont eux qui, petit à petit, me disent où ils sont, qui ils sont, et ce que j’ai voulu dire!
Pour cette nouvelle j’avoue que le début était un clin d’œil à Victor Hugo (le dernier jour d’un condamné) qui commence avec ce fameux : « condamné à mort ! ».
Deuxième nouvelle : L'avocat du diable
Denis est soumis à la volonté des autres qui ont droit de vie et de mort sur lui. A l'image de notre monde d'aujourd'hui où l'on est sous le regard des autres au travers des réseaux sociaux et de nos appareils connectés.
Alors comment définir cet homme à l'heure de sa mort ou presque ? Il est d'ailleurs plus "virtuel" qu'humain. Une mort programmée !
Commentaire d'Anne-Claire :
C’est surtout une réflexion sur la conscience humaine : sa morale et le chemin que l’on décide de prendre en tant qu’humain et de cette particularité dont nous sommes si fiers de nous targuer que nous nommons « la conscience ».
Troisième nouvelle : Le jardin des épices
Le jardin des épices aurait pu être le jardin des délices si un jour de printemps Rénald, cultivateur d'épices depuis 3 générations, n'avait pas découvert au bord de la rivière Clara, blessée et devenue muette.
Et puis il faut trouver un coupable car on ne tombe pas ainsi sans raison. Et l'employé de Rénald, Johann, noir de peau ferait un bon coupable.
Réalisme vertigineux, à la manière de Guy de Maupassant qui trouble profondément le lecteur. Quelques pages cinglantes qui, étoffées feraient un roman redoutable.
Question à Anne-Claire : Passer du "surnaturel" au réalisme pur, quelle trajectoire pour en arriver là?
À vrai dire j’ai toujours eu plus l’habitude d’écrire du réaliste, peut être à cause de mon parcours de philosophie qui m’a forcément conduit à écrire beaucoup de textes philosophiques, je ne sais pas.
C’est ensuite que j’ai commencé le surnaturel / fantastique, mais qui a aussi toujours fait partie de ma culture et influences (Maupassant, Poe, et plus actuel Stephen King par exemple).
C’est la première fois que je publie des « histoires » à proprement parler, réalistes ou fantastiques. Et Il s’avère que j’y ai pris goût et c’est pourquoi je travaille actuellement sur un roman.
Quatrième nouvelle : Toxique propagande
Quel est ce fil conducteur qui sème la panique puis la mort sur son chemin ces 24 et 25 juin ?
Et brusquement les humains ne sont plus sous contrôle, un virus est passé par là !
Précisions d'Anne-Claire :
C’est un récit à lire à plusieurs niveaux, qui dénonce également la banalité quotidienne dans laquelle les adultes ont pris l’habitude de vivre et qui n’est que l’illusion d’une voie à suivre, voire parfois même la fuite de la réalité.
Cinquième et dernière nouvelle : Alter-réalité
"Autre réalité" : celle que l'on se crée au travers du regard des autres sur les réseaux sociaux ou en soi-même, sorte de schizophrénie pour le créateur d'un monde imaginaire, l'autre monde !
Précisions d'Anne-Claire :
Le sort de cet homme, lui mais également tous les autres, dont nous faisons parti ; par l’alter réalité des réseaux sociaux pour la plupart, autre chose pour d’autres... juste un moyen de vivre dans un autre monde...
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Cinq nouvelles d'ici et d'ailleurs, de notre temps en tout cas, où l'on s'interroge sur le racisme, les réseaux sociaux et tous les dérèglements qui conditionnent et veulent altérer nos vies physiques et mentales.
Anne-Claire, indirectement, nous dit qu'il faut nous prendre en main, en ne nous laissant pas manipuler par les idées toutes faites et la technologie qui nous "abrutit" plus qu'elle nous épanouit.
Je n'ai aucun mal à adhérer à sa "philosophie" de la vie, car je suis tout à fait dans cette "dynamique" de pensée. Restons libres de penser en toute indépendance, soyons capables de juger par nous-mêmes.
Lisez ce recueil en attendant qu'Anne-Claire Rallo, sous une forme plus longue, approfondisse tous ces thèmes.
Denis
P.S. : les photos de cet article proviennent du site d'Anne-Claire Rallo, qu'elle m'a aimablement autorisée à reproduire ici : https://anneclairerallo.wordpress.com/
Un huitième livre d'Edouard Moradpour, né à Téhéran en 1947, programmé pour avril 2020 et sorti de presse pour le public le 13 août 2020, dans le contexte de la pandémie Covid-19. C'est ainsi que "Ma Louise" a été remarqué pour figurer dans la liste de printemps du Prix Renaudot 2020.
Un roman qui mérite en effet d'être remarqué de par son écriture et de par son histoire pas banale du tout.
Et pourtant, tout commence bien.
Louise noue en chignon sa longue chevelure brune avec un pinceau, Louise aime le surf en hiver et les baignades dans la Creuse, Louise a la peau douce comme une mangue et la bouche en forme de feuille d'automne, Louise aime les nouilles de la rue des Ciseaux et faire son jogging au jardin du Luxembourg, Louise boit du Chinon et des sodas, caresse les chats et prend en photo ses plats, hashtag hashtag hashtag, Louise danse pieds nus sur les volcans, Louise est souple et colorée comme une phrase de poète. (Incipit page 13)
Louise est jeune et belle, factrice dans un quartier chic de Paris. Elle se trouble à chaque fois qu'elle porte un courrier recommandé au docteur Arnaud de Mauger. Elle apprécie ses sourires et ses petits mots mais elle refuse ses cafés.
Arnaud, gynécologue de renom pour dames riches, mène une vie de bourgeois et est marié à Hélène, éditrice. Il a deux enfants et tout est bien huilé et son existence ronronne dans le luxe parisien, sans fantaisies et surprises.
Louise se prend au jeu et lui invente des lettres recommandées pour lui rendre visite à son cabinet. Elle lui envoie des poèmes de William Carlos Williams;
Et puis, un jour elle se décide à lui demander de prendre un café avec lui un samedi matin. Il l'invite alors en retour à aller au restaurant le vendredi suivant avant de finir un peu plus tard dans un hôtel où ils peuvent enfin loin des regards exprimer leur amour. Elle devient alors "sa" Louise.
Et pour aller encore plus loin, il avoue son amour à Hélène et décide de quitter le domicile conjugal pour aller vivre aux côtés de Louise dans un petit appartement. Ils s'inondent alors de bonheur.
Mais un jour, Arnaud reçoit un message de Louise et tout bascule. Elle a décidé de se suicider. Sauvée in extremis grâce à Arnaud, leur amour se fissure car une tierce personne vient s'immiscer dans leur vie !
84 courts chapitres en trois parties pour raconter cette histoire qui nous surprend brutalement dans notre confort de lecteur. Un énième livre d'amour fou, se dit-on, se doutant tout de même que dès lors où on n'est pas dans un roman "glamour" il va fatalement se passe quelque chose... Et c'est gagné car on est vraiment surpris par les coups de tonnerre qui débutent page 143.
- Ce que je raconte... Arnaud, veux-tu vraiment le savoir? Alors écoute bien... Tu vas comprendre. (page 141)
Lisez ce livre, bien écrit, sans fioritures mais avec une prose fluide, imagée, au travers de références au cinéma, dont c'est la culture de Louise.
Merci à Patricia, attachée de presse des éditions Michel de Maude, de m'avoir fait découvrir ce livre et cet auteur.
L'auteur, par ailleurs avocat et haut fonctionnaire, publie régulièrement depuis 1983.
"La chanson de Passavant" a été écrit en mémoire du lieutenant de vaisseau Patrocle Passavant des Baleines, commandant la Torti Zian, disparu en mer au large d'Aldabra, le 2 décembre 2004.
4 parties composent ce recueil et s'inspirent des voyages de Passavant entre Yougoslavie, Cambodge, Djibouti, Afghanistan et autres lieux, comme rappelé en quatrième de couverture.
Vers Odessa
Sur les bords de la Neva
J'ai vu hâler deux soldats rouges
Ils étaient saoûls ils avaient froid
Deux amis nés au fond d'un bouge
Je suis parti pour Odessa
Dans un wagon plein de prières
La neige autour bloquait les voies
Des officiers faisaient l'enchère
Cela sentait le pigeon gris
Le lait caillé et les soucis
Gare de Kiev en plein midi
Souvenir de Djougachvili
Dans la Russie des jours anciens
La halle en fer brillait soudain
Les feux désolés du matin
Tendaient de soie les beaux raisins
Nul enfant mort dans l'escalier
Nul Potemkine en cuirassé
Nulle danseuse aux bras levés
Mais c'est Pouchkine que j'ai croisé
En haut de la rue maritime
Il écoutait le carillon
Musique froide d'Onéguine
Un concerto sur un glaçon
Je n'aime pas les mondes morts
Les opéras qu'on se joue seul
Les rescapés qui se décorent
Ni les voyages dans un linceul
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François Sureau a fait revivre Patrocle Passavant des Baleines en 2011 dans le recueil "Sans bruit sans trace" puis en 2016 avec un troisième volume " Sur les bords de tout".
Bonne lecture et n'oubliez pas que la poésie rafraîchit le cerveau.
Sous-titré "Roman", ce livre pourrait également être un essai sur la forêt, un refuge pour l'être humain.
Un arbre planté dans la propriété au pays de Retz a survécu au passage d'une tondeuse à gazon quand le narrateur était enfant. Depuis, il est devenu un bel arbre, "son arbre" !
Le narrateur, peut-être l'auteur lui-même, a parcouru la forêt depuis son jeune âge, souvent avec son grand-père et jusqu'aux dernières heures de celui-ci. Il allait de branche en branche avec le plaisir de fuir le monde des humains.
La vie d'adulte est arrivée avec toutes ses contraintes et la forêt est redevenue un lieu de retour sur soi, pour y retrouver aussi des moments de sérénité et d'oxygène.
"D'outre-tombe", le grand-père raconte son vécu en forêt.
Et puis, il y a "Petite Anne", née sans amour et qui a trouvé sa voie en humant la forêt. Par la suite, elle a appris les langues indiennes d'Amérique Centrale et du Sud. Elle est partie au Costa Rica à la rencontre des forêts situées à plus de 3 000 mètres d'attitude, son objectif restant d'aller se confronter à la forêt amazonienne.
La ville où nous habitions était au fond d'une vallée, les collines qui l'entouraient étaient toutes en forêt. Ce qui me donnait le sentiment de vivre dans une clairière. C'étaient ses lisières qui m'attiraient. Le passage de la clarté à l'ombre. Franchie cette ligne, c'était comme si j'avais disparu. J'escaladais les grands arbres, je me nichais au plus loin de la terre, j'y passais des après-midis. J'aurais voulu devenir autre chose. Un oiseau peut-être, pour m'envoler. Il me fallait toujours redescendre pour rentrer. Arrivée au sol, je me sentais pataude. Là-haut, je ne sentais plus mon poids. En haut on saute, on virevolte, on chute et on se rattrape. Ici-bas on ne peut rien faire d'autre que mettre un pied devant l'autre, c'est toujours la même chose. (Pages 108-109)
Un livre qui aide à la méditation, à la recherche d'ailleurs, réels ou mentaux par le souvenir.
La poésie s'empare des mots comme la forêt nous offre sa protection. Sans doute très "rousseauiste" mais il faut bien rêver et se trouver des "lieux à soi", qui soient capables de s'approcher de nos aspirations.
J'avais lu le premier texte de Mathias Lair en 1979 : "Journal en Lair" (Apostrophe) et j'ai eu plaisir à retrouver cet auteur 40 ans plus tard.
Mathias Lair Liaudet est écrivain, philosophe et psychanalyste.
Il a exercé la psychanalyse et pratiqué l'intervention psycho-sociologique.
Poète, essayiste et journaliste, il publie régulièrement en revues et chez de petits éditeurs, sous le nom de Mathias Lair.
Sous le nom de Jean-Claude Liaudet, il publie des ouvrages de psychanalyse destinés au grand public chez L'Archipel, Fayard, Flammarion, Albin Michel, Odile Jacob.
Il a animé les éditions Apostrophe, puis la revue Mot pour Mot qui fut soutenue par le CNL.
Mathias Lair Liaudet a fondé le CALCRE (Comité des Auteurs en Lutte contre le Racket de l’Édition) en 1979 ; a participé aux travaux du CPE (Conseil Permanent des Écrivains) depuis 1980.
Après avoir présidé le SELF (Syndicat des Écrivains de Langue Française), il est devenu Secrétaire général de l’Union des écrivains. Il a également participé au lancement du MOTif (Observatoire du livre et de l’écrit en Île-de-France).
Aujourd’hui, il préside la Commission poésie de la SGDL, il représente l’association en tant que président du Conseil de gestion de la formation des artistes-auteurs de l’Afdas (Fonds d'assurance formation des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs).
Il publie en 2016 son premier roman, "L'amour hors sol".
Je recommande vivement ce roman qui m'a été adressé par Valéry des Editions Sans Escale et que je remercie et félicite pour sa maison d'édition qui mérite d'être découverte.
(Editions de l'Olivier - janvier 2020 - 128 pages)
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Un drôle de bonhomme que le narrateur de cette histoire qui est son histoire !
Avec toutes ces idées qui me brûlaient le cœur je me suis dit qu'il fallait vraiment que je me bouge que je fasse quelque chose alors je suis parti au Corner voir s'il y avait quelque chose à voir et pour ce jeudi matin c'est clair il y avait pas grand monde il y avait même carrément personne
J'ai dit bonjour à Martine et au sourd elle m'a demandé si ça allait et elle m'a donné un petit vere à sa façon pour me changer l'esprit (Incipit page 7)
120 pages pour plonger dans l'esprit de cet homme que l'on imagine comme étant "marginal", un peu "à part", souvent malmené par les autres mais qui sait toujours rebondir, sourire, se sentir heureux. Si on le taquine, c'est pour son bien. Cela veut dire qu'il intéresse les autres.
Dans la vidéo que j'ai mise en fin d'article, l'auteur nous rappelle qu'il est écrivain mais aussi homme de théâtre. Ce premier roman aurait pu être une pièce de théâtre, un long monologue.
La mère du narrateur est morte. Martine qu'il apprécie tant et qu'elle sait protéger quand il le faut, dans son bar, lui a conseillé de voir les autres, de ne pas s'enfermer en lui.
Son univers, le seul qu'il connaît et aime, c'est celui du Centre commercial. Il y est comme chez lui et généralement il arrive de bonne heure, à l'ouverture. Il aime être fouillé, surtout par un des vigiles, plus efficace que les autres et qui sait effleurer ses parties plus intimes, au point de lui apporter du bonheur.
Il connaît tous les magasins, toutes les marques qu'il aime acheter, tous les vendeurs et vendeuses. Son plus grand plaisir reste de participer à des jeux organisés au sein du Carrefour. Il ne gagne jamais mais il se plaît à se confronter aux autres.
Et puis, il sort du Centre Commercial et se rend à la piscine. Il est obnubilé par Leslie, la caissière, si belle et si gentille. Comme il n'avait pas de bonnet, elle lui en a offert. Alors, certes, il est allé nager, il est allé vers les bulles pour s'amuser mais il a surtout attendu avec impatience le moment de sortir pour revoir Leslie et lui parler, surtout que c'était l'heure de la pose cigarette.
Chaque jour alors se reproduit le même déroulement de la journée : le Centre Commercial puis la piscine. Et il trouve toujours quelque chose ou quelqu'un a contemplé pour se sentir heureux.
Ses bonheurs sont simples, comme il l'est lui-même. Seulement, il doit constamment combattre son "démon" qui est en lui et qui devient monstrueux quand il s'empare de son esprit et de son corps. Il ne peut plus se contrôler et les pires ennuis sont susceptibles de survenir. Dans ces moments essentiellement, il transpire à grosses gouttes.
Et il dit souvent "Ah lala" : comme une ponctuation dans ce monologue sans ponctuation scandé par des paragraphes.
Je n'en dirai pas plus sur cette histoire. On a bien ici l'esprit du roman, fait d'émerveillements dans un quotidien que la plupart des lecteurs exécrerait mais dont ce "drôle de bonhomme" en fait son paradis.
Et on vit pendant 120 pages à ses côtés, voire en lui, en se demandant comment il peut rester toujours optimiste alors que des histoires sordides tentent de s'abattre sur lui.
J'ai apprécié dans la vidéo le rapprochement que l'auteur fait avec les descriptions précises de Georges Perec en "tentative d'épuisement des lieux" qu'il observe. Je pense que Perec aurait aimé ce roman et ce rapprochement avec son oeuvre.
L'auteur m'a envoyé ce roman pour que je lui donne mon sentiment sur son livre.
Je veux toujours être objectif dans mes jugements et je dois avouer bien fort que j'ai vraiment adoré "Nul si découvert", tellement bien écrit, tellement original. Ce livre est un plaisir absolu de lecture et que je recommande chaleureusement.
Je viens de terminer la lecture " Le monde n'existe pas " de Fabrice Humbert, un thriller entre fiction et réalité, racontant la violence à l'âge des Fake News.
Digne d'une série Américaine, Fabrice Humbert nous transporte à New - York où sur les écrans de Times Square , Adam Vollman, journaliste au New Yorker, croît reconnaître celui qui fût 20 ans au paravant son grand amour : Ethan Shaw.
Celui - ci est recherché pour le viol et l'assassinat d'une jeune Mexicaine de 16 ans.
Adam ne veut pas y croire et il va retourner enquêter à Drysden, où ils se sont connus.
Mais à mesure qu’il se confronte au passé, toutes ses certitudes vacillent...
Roman haletant et réflexion virtuose sur la puissance du récit.
" Le monde n’existe pas " interroge jusqu'au vertige une société aveuglée par le mensonge, où réalité et fiction ne font qu'un.
Un livre que je vous conseille vivement tant pour l'écriture et la façon dont il a été conçu, et j'avoue avoir beaucoup aimé ce mélange entre réalité et fiction qui donne au roman une toute autre dimension.
Beaucoup aimé.
Je suis fidèle à ses romans depuis le début et vraiment là je suis stupéfaite par l'écriture de ce livre.
Fabienne
Photo prise lors de notre rencontre en février 2020 au Havre à la librairie "Au fil des pages"
Noël Herpe est parti sur les routes de France en 2017 et 2018 pour présenter et commenter les films de Henri-Georges Clouzot (1907-1977).
Auparavant, il nous entraîne dans une errance dans Paris sur les lieux du temps passé qui ont marqué des moments de vie avec sa famille ou des amis.
Puis, il reprend étape par étape son périple dans 37 lieux entre banlieue parisienne et province.
Les projections en banlieue sont à l'image de la vie quotidienne : les gens sont pressés, en retard à cause des transports en commun : que ce soit à Ris-Orangis, Neuilly-Plaisance, Tremblay-en-France, Le Plaissy-Robinson ou Le Blanc-Mesnil.
Pire, les débats et surtout les questions sont souvent d'un intérêt moindre. Clouzot n'attire pas forcément les foules, y compris les cinéphiles.
Noël Herpe va manger pendant les projections puis revient à l'issue de celles-ci pour animer le débat.
Parmi les villes "obligatoires", Il y a Niort, la ville où naquit Clouzot et dont le seul souvenir dans la ville est une plaque qui marque le lieu de sa naissance.
Niort, comme tant d'autres villes, a un centre ville bien triste. Est-ce un signe des temps où la culture, l'attrait du "beau" se perd au bénéfice de "l'utilitaire". C'est ce que j'ai ressenti à la lecture de ces souvenirs.
On sent que Noël Herpe n'est pas très optimiste. On sent que parfois il n'a pas envie de discuter de cinéphilie auprès des spectateurs et des organisateurs, trop peu réceptifs ou trop "sectaires" dans leurs goûts, n'hésitant pas à émettre des "clichés" sur certains films et cinéastes.
L'auteur vit beaucoup dans les bars, restaurants et hôtels pendant son périple. Il est attentif à ce qui s'y dit autour d'un verre ou d'un plat.
Il en profite aussi pour projeter son film "Fantasmes et fantômes" (2017) souvent controversé lors des débats. Le cinéma expérimental n'est pas forcément très bien perçu et compris.
Passionné également par Eric Rohmer, il y fait souvent allusion notamment à Clermont-Ferrand et au Chambon qui ont été des lieux de tournage.
Cette tournée ne grandit pas la France contemporaine, du moins celle que l'auteur a rencontrée. Le cinéma de nos "parents" ou "grand-parents" ne sont plus dans notre champ "visuel", que ce soit "Le corbeau", "L’assassin habite au 21", "Les diaboliques", "Le mystère Picasso", "Quai des Orfèvres" ou "Le salaire de la peur" du seul Clouzot. Des titres "mythiques" pourtant !
Merci à Juliette, attachée de presse des éditions Bartillat de m'avoir adressé ce livre passionnant au-delà de ses constats pessimistes mais sincères.
Bonne lecture,
Denis
Je traverse une France morte, un pays peuplé d'ombres, de regrets, de traces vaines.Ne suis-je pas le plus mort d'entre ces morts? page 147)
Quatrième roman de la jeune romancière née à Alger en 1986 et qui en France désormais.
"Nos richesses" en 2017 avait obtenu un franc succès autour de la personnalité remarquable du libraire et éditeur (notamment d'Albert Camus) Edmond Charlot.
Cette fois-ci, avec ce roman, elle s'intéresse à une cité de la périphérie ouest d'Alger: la cité du 11-décembre-1960 à Dely Brahim.
Le 2 février 2016, trois enfants jouent au ballon dans l'immense terrain vague de la cité.
Inès a 11 ans et elle est la fille de Yasmina et la petite-fille d'Adila. Adila, moudjahida, est une femme devenue mythique en Algérie après ses combats pour l'indépendance algérienne.
Jamyl vit chez ses grands-parents et Mahdi vit avec son père, mutilé lors d'un attentat en novembre 1999.
Le lendemain, mercredi 3 février 2016, deux généraux arrivent en voiture d’apparat devant le terrain vague : Saïd et Athmane. Ils annoncent qu'ils sont devenus propriétaires de ce terrain, anciennement militaire, comme la cité, pour bâtir deux grandes villas. Leurs propos déclenchent une révolte des jeunes à laquelle s'associe Adila. Le chauffeur alerte la gendarmerie puis ils repartent croyant l'endroit paisible, d'oùleur stupeur d'avoir été agressés.
Comment ça s'est passé? demandèrent les épouses des deux généraux lorsque ces derniers rentrèrent furieux et humiliés. Il furent agacés de cette question.
Le général Saïd ne répondit pas tout de suite et sortit dans le jardin fumer quelques cigarettes. (...) Le général Athmane, lui, réunit ses cinq enfants dans le salon ainsi que son épouse.
(...) - A vrai dire, reconnut froidement Saïd, on avait baissé la garde. On s'est fait avoir comme des bleus.
- C'est rare que tu sois si peu vigilant, s'étonna sa femme.
- Oui, c'est une bonne leçon, la racaille se cache partout,même chez les enfants de hauts officiers. (page 45-46)
Mohamed et Cherif, d'anciens militaires à la retraite ont tout vu, sans intervenir.
D’ailleurs les deux généraux les invitent pour essayer de trouver avec eux un accord pour éviter de nouvelles échauffourées.
Mais rien n'y fait et les enfants s'organisent pour sauver leur terrain quand les militaires reviendront car ils savent qu'ils ne lâcheront pas l'affaire. On est en Algérie et personne n'a réussi jusqu'à présent à s'opposer de manière "définitive" à toute décision gouvernementale.
Les enfants des quartiers alentours viennent en renfort armées de pierres et de bâtons, prêts à accueillir les généraux ou leurs représentants.
Kaouther Adimi sait maintenir le suspens et elle nous rappelle par l'intermédiaire d'Adila quelques moments clés de l'histoire contemporaine de l'Algérie et de l'impossibilité de s'exprimer et d'intervenir contre le régime en place depuis l'indépendance.
Et si les enfants y arrivaient pour la plus grande honte de leurs aînés !!!
- Ah, Mohamed, mon ami, comment les choses vont-elles se terminer? J'ai peur pour ces enfants.
- Moi aussi Cherif. Les généraux ne vont pas se laisser faire.
- Non, ils ne vont pas se laisser faire mais les gosses non plus ! Ils sont courageux et ils sont décidés à se battre pour une cause importante. Reconnais-le, ils ont mis notre génération hors jeu en quelques jours. Nous vivons dans la peur, pas eux. (page 219)
Belle leçon de "morale", quelle que soit l'issue du combat ! Les enfants sont devenus "les petits de décembre".
Reprise des activités de plein air de Jean-Claude Lalumière
(Editions du Rocher - Octobre 2019 - 221 pages)
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Trois hommes ont en commun l'île d'Oléron où ils vont se rencontrer.
Mickael est le plus jeune. Il a 22 ans et est amoureux, sans lui avouer dans ses courriels. Il est sur l'île, de passage, mais sa solitude l'incite à poursuivre son séjour.
Il est logé chez Christophe, installé depuis un an sur l'île. Il a 47 ans et a hérité de la maison de sa grand-mère Henriette. Au départ, il était venu pour la vider. Valérie l'a aidé au début puis elle l'a quitté. Alors, il a décidé de garder la maison, d'y habiter et de la rénover. Pour ce faire, il a accepté de loger Mickael, l'exonérant de loyer à condition qu'il l'aide pour les travaux, ce qu'il accepter volontiers.
Et puis, il y a sur l'île, Philippe, 85 ans, bientôt veuf d'Elisabeth, l'ancienne institutrice de la commune de Saint Georges d'Oléron. Un soir, il a annoncé à Christophe la mort de son épouse, ce qui a resserré les liens entre les deux hommes, voisins depuis quelques mois.
Mickael et Christophe ne voulant pas que Philippe reste seul dans la journée, ils le font venir sur le "chantier" pour qu'il puisse leur parler et leur préparer les repas du midi.
Et soudain, Christophe a l'idée de créer un restaurant d'autant qu'il a retrouvé le carnet de recettes de sa grand-mère.
Une autre idée va également leur venir à l'esprit d'autant qu'ici on est sur une île entourée d'eau !
Chacun vit ses angoisses, ses espoirs dans un cadre idéal pour la recherche de solutions, même si on sent bien que Philippe ne croit plus en grand chose.
Par courts chapitres dont l'intitulé rappelle lequel des trois va être le personnage principal des quelques pages qui vont suivre et par l'entrelacement de leur histoire sur l'île, on entre réellement dans l'intimité des trois hommes.
L'écriture impeccable, entre courriels, dialogues, articles de journaux permet d'éclairer les trois parcours, sans les alourdir, de manière souvent "plaisante", au bon sens du mot. On se laisse emporter sur l'île aux côtés de Mickael, Christophe et Philippe.
Un beau livre, agréable à lire, réflexion sur la vie et sur le temps, loin du monde, du bruit et de l'urgence de la vie urbaine.
Merci aux Editions du Rocher de m'avoir adressé ce roman.
(HD - Ateliers Henry Dougier - Septembre 2019 - 224 pages)
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Livre de la rentrée littéraire d'un éditeur dont j'aime bien les livres.
Le roman nous entraîne dans le Japon contemporain. Toutefois, le roman débute à Paris où le narrateur habite. Il espère qu'Olya pourra venir l'y rejoindre, comme elle le lui a promis.
Yoshi san est né au Japon et sa mère est décédée à sa naissance et il eut bien peu de liens avec son père, homme d'affaires japonais devenu un temps ministre.
il lui a fallu du temps avant de se ranger et de vivre une vie "saine" !
Fasciné depuis toujours par la Russie et sa rencontre avec Sacha, conférencier russe, ne fait que renforcer son amour pour ce pays et sa culture. Et pourtant, les relations entre le Japon et la Russie ont été compliquées depuis de longues années.
Le grand-père aurait participé à des massacres en 1905 en Russie. Le narrateur va d'ailleurs entreprendre un voyage vers ses origines près de la frontière russe avant de la franchir.
Sacha va brusquement disparaître et Olya va entrer dans sa vie. Elle aussi est russe. Elle est venue au Japon pour se prostituer. Le narrateur l'a rencontrée dans un bar et a eu immédiatement une attirance pour elle. Ils vont se revoir régulièrement jusqu'à ce qu'elle aussi s’éclipse.
Deux russes qui entrent dans sa vie puis en sortent brusquement. Etrange situation. Et si c'étaient des espions?
On en est là de ses interrogations quand il quitte le Japon.
Le lecteur entre dans ce monde russo-japonais pour se rappeler que ces pays si proches géographiquement sont en fait complètement différents dans tous les domaines : culture, conditions de vie, économie etc...
On décroche de temps en temps, il faut l'avouer mais la langue est toujours de grande qualité, proche de la poésie dans son élaboration et dans sa narration.
L'auteur, Michel Louyot a été attaché culturel à Moscou puis il a vécu neuf ans au Japon, où il a dirigé l'institut franco-japonais de Kyushu et enseigné le français à l'université du Kurumu, d'où sa parfaite connaissance du contexte historico-culturel du roman.
"Sacha a disparu". J'avais gardé le billet, le lisant et le relisant en cherchant à deviner quelque intention ou émotion derrière les mots. L'écriture était d'une femme, à n'en pas douter. Une écriture raffinée. Sans doute une connaissance de Sacha, peut-être une amie intime. il était resté discret sur ses relations. L'âme russe recelait bien des mystères. Je n'en avais pas fini de sonder l'énigme de ce pays composite, asiate vu de l'Europe, branche orientale du continent européen vu de l’Asie.
Merci à Estelle, attachée de presse et à l'éditeur HD de m'avoir adressé ce roman que je recommande pour sa langue et son contexte historico-culturel.