Affiche de la pièce de théâtre " Les Possédés "
Le président français Nicolas Sarkozy a affirmé jeudi à Bruxelles que "ce serait un symbole
extraordinaire" de "faire entrer Albert Camus au Panthéon", un demi-siècle après la mort accidentelle du prix Nobel de littérature.
M. Sarkozy était interrogé à ce sujet lors d'une conférence de presse, à l'issue du Conseil européen.
"La décision n'est pas encore prise" mais "ce serait un symbole extraordinaire" de "faire entrer Albert Camus au Panthéon", a-t-il dit.
A l'occasion du 50e anniversaire de décès de l'écrivain, "j'ai pensé que ce serait un choix particulièrement pertinent". "Dans cet esprit, j'ai déjà pris contact avec les membres de sa famille, j'ai besoin de leur accord", a-t-il ajouté.
Prix Nobel de littérature en 1957, Albert Camus s'est tué dans un accident d'automobile le 4 janvier 1960.
( Source AOL Actualité )
" L' étranger " est né en 1938 de l'abandon de " La mort heureuse " , roman qui paraîtra sous sa forme inachevée , à titre posthume , en 1971.
Le héros de " La mort heureuse " , Mersault ( " Mer - Soleil " , précisera Camus " ) , devient Meursault ( Meurt - Soleil ? ).
" L'étranger " illustre une forme de bonheur et de tragique méditerranéens chantés avec lyrisme dans " Noces " ( 1939 ) , mais aussi l'absurdité , c'est -à -dire le silence du monde devant les
interrogations fondamentales de l'homme , réflexion philosophique que Camus approfondit , en même temps qu'il compose " L'étranger " , dans "Le Mythe de Sisyphe ( 1942 ).
Achevé en mai 1940, pendant l'exode , " L'étranger " paraîtra le 15 juin 1942 , sous l'occupation allemande.
Récit intérieur de Meursault,
employé de bureau anonyme pour les autres et pour lui-même, qui tue finalement de cinq balles un Algérien sur la plage de Tipaza à Alger.
Quand la sonnerie a encore
retenti, que la porte du box s'est ouverte, c'est le silence de la salle qui est monté vers moi, le silence, et cette singulière sensation que j'ai eue lorsque j'ai constaté que le jeune
journaliste avait détourné les yeux. Je n'ai pas regardé du côté de Marie. Je n'en ai pas eu le temps parce que le président m'a dit dans une forme bizarre que j'aurais la tête tranchée sur une
place publique au nom du peuple français...
L'étranger est le premier roman d'Albert Camus (1913-1960), prix Nobel de littérature, auteur de La peste et de Caligula.
Quelques différentes éditions de "
L'étranger "
L' Alger qu'il a connue , encore toute européenne par l'esprit , les moeurs , les habitudes et le décor de la vie , n'était pas cette cité du Far West qu'elle allait
devenir , l'espace de cinq ou six saisons lorque le ballon d'oxygène de la guerre multiplia sur son sol les immeubles de quinze étages , et l'entoura d'une guirlande de " grands ensembles " dont
ceux de Climat de France et de Diar El Maçoul sont parmi les plus connus. L'Alger de Camus , c'est celle de l'entre -deux - guerres : une grande et belle ville , active et et peuplée certes
, mais plutôt qu'une métropole , une préfecture d'outre-mer , encore à demi coloniale et vite endormie dans la torpeur de l'été.
Vue ancienne d'Alger
Alger, Belcourt , Frond de mer
Ainsi que beaucoup de ses compatriotes , le jeune homme la quittait tous les dimanches , pour ces plages de la côte , de la Madrague à Cherchell , où délicieux
est le bain , puis le repos à l'ombre des pins maritimes.
Camus pratiquait la nage et le football ; il aimait " l'Université d'Alger qui, nous écrivait-il , se distingue de ses concurrentes françaises en ce qu'elle ressemble beaucoup plus , par le décor
naturel et le style de vie , aux portiques anciens qu'aux prisons de la métropole.Notre plus grande occupation était , et est restée longtemps pour moi , le sport. C'est là que j'ai pris mes
seules leçons de morale ".
Il fut gardien de but au racing Universitaire d'Alger jusqu'à ce que la maldie l'obligeât à interrompre ses études.
En Algérie , deux endroits privilégiés semblent avoir formé sa sensibilité , deux lieux bien différents , mais qui , chacun , ont tendu les deux extrémités de son arc : Oran et
Tipasa.
Vue panoramique d'Oran
Oran , qui a perdu son âme , fut la Marseille de l'Afrique française.
" A première vue ( nous dit Camus dans La Peste ) , Oran est une ville ordinaire et rien de plus qu'une préfecture française de la côte Algérienne.La cité elle-même , on doit l'avouer , est laide
, une ville sans pigeons , sans arbres et sans jardins , où l'on ne rencontre ni battements d'ailes ni froissements de feuilles. "
Rien de plus vrai , à s'en tenir aux apparences , que ce portrait d'un grand port , aux quartiers d'affaires désespérément semblables à ceux de Marseille ou de Toulouse , qui a grandi sans ordre
et sans urbanisme , en bousculant toutes les prévisions.
Mais Camus en aimait la vitalité ; moins enracinée que celle d'Alger , la population y était plus variée et plus turbulente , fruit d'un melting pot où il entrait autant d'Espagnols et de Maltais
que de Francaouis.
De ces origines bigarrées , était jaillie une génération solide de jeunes hommes bruns , grands , bien découplés , de filles justement admirées pour leur santé , leur plénitude dorée. Ce n'est
pas un hasard si camus , qui avait passé un an et demi à Oran , en 1941 - 1942 , a trouvé dans le spectacle de ses rues encombrées et de ses boulevards débonnaires , ( mais il suffit de monter à
Santa - Cruz ou d'emprunter le circuit du Murdjadjo pour mesurer ce que ce beau cadre naturel a perdu en se hérissant en béton ) le décor saisissant du plus significatif de ses romans , d'un
roman devenu prophétique , comme Le Procés de Kafka , et pour les mêmes raisons : La Peste.
L'autre pôle algérien , que Camus a tiré d'une ombre deux fois millénaire , et qui lui restera à jamais associé dans la mémoire des hommes , c'est Tipasa.
Vue des ruines romaines de
Tipasa
Quelques vues de Tipasa pour le plaisir ( FLICK .FR )
Ce n'est pas seulement dans " Noces " que
Camus a parlé de Tipasa d'inoubliable manière , mais dans " L'été " où il entonne en l'honneur de ce ciel " frais comme un oeil , lavé et relavé par les eaux ", de cette lumière " vibrante " qui
fait surgir , sur la mer comme sur chaque arbre ou chaque maison , " une nouveauté émerveillée " , un véritable hosannah : " La terre , au matin du monde , a dû surgir dans une lumière semblable
".
Pour lui , pas un seul des soixante -neuf kilomètres de route ( d'Alger à Tipasa ) qui n'ait été recouvert de souvenirs et de ronronnement du car , les matins , les filles fraîches , les plages ,
les jeunes muscles toujours à la pointe de leur effort , la légère angoisse du soir dans un coeur de seize ans , le désir de vivre, la gloire , et toujours le même ciel au long des années ,
intarissable de force et de lumière , insatiable lui-même , dévorant une à une , des mois durant , les vctimes offertes en croix sur la plage , à l'heure funèbre de midi ..." , c'est tout
cela qu'il voyait se lever en lui , dès que la route , quittant le Sahel et " ses collines aux vignes couleur de bronze ", commençait à plonger vers la côte.
Il aimait le lourd et solide Chenoua qui , le soir , quand le soleil couchant dore les pentes de la montagne , est seul à célébrer " la gloire fragile du jour ".
Aux pires heures de l'occupation , le souvenir de ce ciel lui servit de refuge : " C'était lui , qui , pour finir , m'avait empêché de désespérer. j'avais toujours su que les ruines de
Tipasa étaient plus jeunes que nos chantiers ou nos décombres ".
Car Tipasa , modeste villégiature de la côte algérienne , survit à son ancienne splendeur : les ruines y parlent plus haut que les villas perdues dans les bougainvillés.
Chaque pierre dit la fragilité des civilisations , l'attente des Barbares au seuil des temples , leur tragique irruption dans le bonheur tiède d'une romanité décadente.
Comment , lorsqu'on a la chance de s'y trouver au printemps , ne pas y répéter comme un " Alleluia ", les premiers mots de " Noces "?
" Tipasa est habitée par les dieux , et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes , la mer cuirassée d'argent , le ciel bleu écru , les ruines couvertes de fleurs et la lumière à
gros bouillons dans les amas de pierres. A certaines heures , la campagne est noire de soleil. Les yeux tentent vainement de saisir autre chose que les gouttes de lumières et de couleurs qui
tremblent au bord des cils ". ( Extrait de Noces )
Stèle de Camus à Tipasa
Source Livre des Prix Nobel de Littérature édité sous le patronage de l'Académie Suédoise et de la Fondation Nobel
Albert Camus / La Peste ( 1957 )
Beau livre (relié)
Editions Michel Lafon - Sortie le 3/12/2009
Illustrations noir et blanc et
couleur
-
190 pages -
Cinquante ans après la disparition brutale d’Albert Camus, le 4
janvier 1960 dans un accident de voiture, Catherine Camus, sa fille, se livre pour la première fois, dans un émouvant album souvenir. Elle nous fait découvrir un Camus inédit, intime, et rend
hommage à l’écrivain incontournable et acteur de son temps. De l’Algérie de son enfance au prix Nobel, du journal Combat à L’Étranger, retour sur l’existence engagée du journaliste, dramaturge,
romancier, philosophe qui, toute sa vie, a pris position, à travers ses écrits, contre la peine de mort, les injustices du communisme, du colonialisme…
Photos de famille inédites, images d’Algérie, articles de journaux, manuscrits, affiches, scènes de théâtre : Catherine Camus raconte son père en nous ouvrant toutes les archives Camus. Portrait
intime d’une immense figure du XXe siècle.
1950
LES JUSTES ( Gallimard )
ACTUELLES I ( Gallimard )
LE MINOTAURE OU LA HALTE D' ORAN ( Charlot )
Mars - Retour à Paris
Avril - Camus est obligé de revenir à Cabris
Août - Il poursuit sa convalescence à Grand - Valtin , dans les Vosges.
Septembre - Après avoir eu à Paris bien des domiciles provisoires , il trouve enfin un appartement 29, rue Madame , où il s'installe avec sa
famille.
Vue de la Rue Madame à Paris
Albert Camus sur la Terrasse de son appartement Rue Madame
1951
Août - Publication dans Les Temps Modernes , du chapitre de L'Homme révolté sur Nietzsche.
Septembre - Publication , dans Les Cahiers du Sud , du chapitre sur Lautréamont. André Breton s'en indigne dans Arts du 12 octobre. C'est le début
d'une violente polémique.
Octobre - L'Homme révolté ( Gallimard )
Novembre - Voyage en Algérie
Rencontres avec André Gide ( Nouvelle Revue Française )
1952
Herman Melville , dans Les Ecrivains célèbres , t III ( Mazenod ). L'artiste en prison, préface à la Ballade de la geôle de Reading d'Oscar Wilde ( Falaize ).
Février - Malgré la brouille récente , Camus et Breton se retrouvent ensemble dans un meeting organisé pour essayer de sauver des syndicalistes
condamnés à mort par Franco.
Juin - Francis Jeanson publie dans Les Temps Modernes l'article d'Albert Camus ou l'âme révoltée qui reproche à la révolte de Camus d'être " délibérément statique ".
Août - Les Temps Modernes publient la réponse de Camus à laquelle répliquent Sartre et Jeanson. C'est la rupture.
Novembre - Camus démissionne de l'UNESCO pour protester contre l'admission de l'Espagne de Franco.
Décembre - Circulant seul en voiture , visite des oasis du Sud algérien : Laghouat , Ghardaïa.
Laghouat
Ghardaïa
Les Esprits ( Gallimard ) , adaptation de Larivey que Camus avait écrite en 1940.
La dévotion à la Croix ( Gallimard ) , adaptation de Calderon.
Ces deux pièces ont été jouées au Festival d'Angers dont le directeur était Marcel Herrand. Mais Herrand meurt huit jours avant l'ouverture du festival et Camus doit le remplacer.
ACTUELLES II ( Gallimard )
La vie d'artiste , mimodrame , dans la revue oranaise SIMOUN.
1954
L'été ( Gallimard )
Présentation du désert , dans Désert vivant de Walt Disney ( Société française du livre )
L'enchantement de Cordes ( Privat )
Octobre -Voyage en Hollande
Novembre - décembre - Voyage en Italie
1955
Février - Lettre à Roland Barthes sur la Peste ( Club ). Bref voyage à Alger.
Mars - Georges Vitaly crée au théâtre La Bruyère Un cas intéressant , pièce de Dino Buzzati adaptée par Camus ( L'Avant - Scène ).
Mai - Premier voyage en Grèce , pays dont Camus avait rêvé toute sa vie.
Collaboration à L'Express qui durera jusqu'en février 1956.
Albert Camus à L'Express
En revenant au journalisme , il espère contribuer à ramener au pouvoir Pierre Mendès - France , en qui il voit un des seuls hommes capables de dénouer la crise algérienne.
Préface aux Oeuvres de Roger Martin du Gard dans la Pléiade.
Novembre - L'Espagne et le Donquichottisme dans Le Monde Libertaire.
1956
Janvier - Retour à Alger. Le 22 , les libéraux européens et musulmans organbisent une réunion ( en fait , tous les musulmans sont secrètement du
FLN , ce que Camus et ses amis ignorent ). Tandis que dehors on hurle des menaces de mort, Camus lit son Appel pour une trève civile en Algérie.
Camus dans son bureau des éditions Gallimard en 1956
20 septembre - Création au théâtre des Mathurins de Requiem pour une nonne , adapté de Faulkner , avec Catherine Sellers. La pièce est publiée en
octobre ( Gallimard ). La Chute ( Gallimard).
Camus devant le théâtre des Mathurins
1957
Article sur la Hongrie : Le Socialisme des potences ( Demain ).
Mars - L'Exil et le Royaume ( Gallimard )
27 mai - Arrestation du libéral Jean de Maisonseul. Camus se déclare solidaire de Maisonseul.
Juin - Camus dirige de nouveau le festival d'Angers. On y reprend Caligula et on y joue son adaptation du Chevalier d'Olmedo , de Lope de Vega. La
pièce est publiée par Gallimard.
Camus et ses enfants : Catherine et Jean, en juin 1957,
au Festival d'Angers pour la représentation du Chevalier d'Olmedo.
10 juillet - Non lieu pour Maisonseul
Septembre - Réflexions sur la guillotine. Associé aux Réflexions sur la pendaison d'Arthur Koestler et complété par une étude de Jean Bloch -
Michel , cet essai est une des deux parties des Réflexions sur la peine capitale ( Calman - Lévy ).
17 octobre - Prix Nobel de littérature
7 décembre - Départ pour Stockholm. Arrivée le 9 après un arrêt à Copenhague.
10 décembre - Cérémonie de remise du Prix Nobel
Photos lors de la cérémonie de remise des NOBEL
12 décembre - Débat à l'université de Stockholm qui donne lieu à un incident avec un étudiant algérien. " J'ai toujours condamné la terreur , je dois condamner aussi un
terrorisme qui s'exerce aveuglément , dans les rues d'Alger par exemple , et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice , mais je défendrai ma mère avant la justice.
"
14 décembre - Conférence L'Artiste et son temps à l'université d'Uppsala.
1958
22 janvier - Ce que je dois à l'Espagne , allocution prononcée devant des républicains espagnols.
Février - Discours de Suède ( Galliamard )
Juin - ACTUELLES III ( Gallimard ) , consacrées à l'Algérie.
Nouvelle édition de L'Envers et l'Endroit , avec une préface importante ( Gallimard ).
9 Juin - Départ pour la Grèce. A Rhodes , il rejoint Michel Gallimard et les Prassinos pour un long périple en bateau.
Septembre - L'Isle - sur - la -Sorgue . Achat d'une maison à Lourmarin.
maison d'Albert Camus à Lourmarin
18- 27 octobre - L'Isle - sur - la -Sorgue
1959
De l'insignifiance ( Cahiers des saisons ).
Préface à une nouvelle maion d'édition des Iles de Jean Grenier.
Préface à l'édition Allemande des Poésies de René Char.
30 janvier - Création au théâtre Antoine des Possédés de Dostoïevski , adaptés et mis en scène par Camus. La pièce est publiée par Gallimard.
17 mars - Mort de Paul Oettly , oncle par alliance de Camus , acteur et metteur en scène souvent mêlé à ses créations théâtrales.
28 avril - Lourmarin
12 mai - Gros plan télé visé.
6 au 13 juillet - Venise , où les Possédés sont joués à Fenice. En octobre, il accompagne la troupe à Lausanne , en novembre à Marseille.
Décembre - Pourparlers avec André Malraux , ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles pour diriger le théâtre Récamier , et avec Michel
gallimard pour monter sa propre compagnie.
1960
4 janvier - Un peu avant 14 heures , au Petit- Villeblevin , près de Villeneuve - la - Guyard , dans l'Yonne , Camus trouve la mort en
voiture.
Michel gallimard , qui revenait du Midi et avait pris Camus au passage , à Lourmarin , perd lui aussi la vie dans cet accident.
Camus est enterré à Lourmarin.
Voiture dans laquelle Albert Camus a trouvé la mort
Tombe d'Albert Camus au cimetière de Lourmarin
" L'absurde , c'est la raison lucide qui constate ses limites. "
" L'homme est la seule créature qui refuse d'être ce qu'elle est. "
" La démocratie , ce n'est pas la loi de la majorité mais la protection des minorités. "
" L'important n'est pas que cette façon de raisonner soit bonne mais qu'elle fasse réfléchir. "
" Toute forme de mépris, si elle intervient en politique , prépare ou instaure le fascisme. "
" Il est plus facile de mourir de ses contradictions que de les vivre. "
" La bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté , si elle n'est pas éclairée. "
" L'homme n'est pas entièrement coupable ; il n'a pas commencé l'histoire ; ni tout à fait innocent , puisqu'il la continue."
" La grandeur de l'homme est dans sa décision d'être plus fort que sa condition. "
" Il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre. "
En partenariat avec le magazine «Books»
Longtemps dénigré par l'intelligentsia française, Albert Camus fait l'objet d'une véritable
«renaissance»
Alors que s'approche le cinquantième anniversaire de la mort d'Albert Camus, en janvier 1960, deux livres américains rendent
hommage à l'écrivain et moraliste français.
Le premier, par David Caroll, professeur à l'université de Californie, est consacré à «Camus l'Algérien». S'appuyant notamment sur son autobiographie inachevée, «Le Premier Homme», publiée en
1994, il rend compte du rôle du problème algérien dans l'élaboration de la philosophie morale de l'ancien Algérois. Camus, on le sait, refusa de prendre parti dans la guerre d'Algérie. Il avait
défendu les droits des «musulmans» à la veille de la Seconde Guerre mondiale, mais quand le conflit éclata, en 1954, il fit valoir que l'on n'était pas obligé de choisir entre la justice et le
massacre des innocents.
Le second ouvrage, par David Sherman, qui enseigne la philosophie à l'université du Montana,
revient en profondeur sur les accusations d'inconsistance philosophique dont a été victime l'ancien résistant de la part du camp sartrien, dans les années 1950, avant et après le début de la
guerre d'Algérie. Dans un compte rendu de ce livre publié dans les «Notre Dame Philosophical Reviews», publication en ligne de l'université catholique de Notre Dame (Indiana), le philosophe
sénégalais Souleymane Bachir Diagne approuve le travail de réhabilitation mené par Sherman.
Normalien, Bachir Diagne, actuellement professeur à l'université Columbia de New York, a été l'élève d'Althusser et de Derrida, et connaît bien les arcanes de l'intelligentsia française. Tout en
s'emmêlant un peu dans les dates, il rappelle la méchante querelle qui éclata en 1952 du fait de Francis Jeanson, un fidèle de Sartre. Jeanson publia dans la revue de ce dernier, «Les Temps
modernes», un article critiquant «L'Homme révolté», paru l'année précédente. L'article était intitulé «Albert Camus ou l'âme révoltée», titre ironique évoquant la «belle âme» selon Hegel, figure
de l'homme, écrit Diagne, «incapable d'agir, étant prisonnier de sa posture éthique, pris entre deux options qu'il juge également répréhensibles».
Ignorant Jeanson, qu'il ne connaissait pas, Camus adressa sa réponse directement à Sartre («Monsieur le directeur»),
affirmant n'avoir pas de leçon à recevoir de ceux qui «n'ont jamais placé que leur fauteuil dans le sens de l'histoire». Allusion cinglante à l'absence d'engagement de Sartre dans la
Résistance, alors que Camus, lui, avait risqué sa vie, en animant le mouvement Combat. Sartre répondit avec brutalité, l'accusant de surcroît d'incompétence philosophique. La rupture entre les
deux hommes était consommée.
«Camus», par David Sherman, Wiley-Blackwell, 2009 (non traduit en français).
En jeu, le point de vue développé par Camus dans «L'Homme révolté», selon lequel ni le capitalisme ni le communisme ne
méritaient d'être soutenus. Avant cela, Camus s'était attiré une critique du même ordre de la part de Roland Barthes, après la parution de «La Peste», fin 1947. Barthes lui reprochait de refuser
un véritable «engagement» et de préférer la morale à la politique.
Sherman considère que nous assistons aujourd'hui à une «renaissance» de Camus, et Diagne souscrit à ce point de vue. «L'effondrement des certitudes idéologiques fait que Camus n'est plus persona non grata et mérite d'être redécouvert comme "un philosophe de notre temps", selon les mots qui clôturent le livre de Sherman.» Depuis la chute du mur de Berlin, l'heure est en effet, écrit Sherman, à l'engagement au profit de valeurs «éthico-politiques cosmopolites telles que le dialogue entre les culture et les droits de l'homme», état d'esprit qui rencontre exactement l'attitude de Camus. Sherman souligne aussi un autre aspect très actuel de la position de l'écrivain français, son refus de l'esprit de système au profit d'une observation attentive du monde réel. Autre forme d'opposition à l'auteur de «L'Être et le Néant» et de la «Critique de la raison dialectique».
«Je donne au théâtre un temps que je refuse avec obstination aux dîners en ville» – car c'est le lieu de la vérité.
" Pour vivre dans la vérité , jouez la comédie " !
Albert camus