Dans le cadre des lundis philo de Heide
Voici ma 19e collaboration avec pour thème "Jankelevitch"
La lecture commune concernait :
Quelque part dans l'inachevé
Entretiens avec Vladimir Jankelevitch par Béatrice Berlowitz
(Gallimard - 265 pages - 1978)
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Le philisophe Valdimir Jankelevitch (1903-1985) s'entretient avec Béatrice Berlowitz quelques années avant de mourir. Il est connu pour sa verve légendaire. Homme de culture, philosophe attentif à son temps, meurtri par le nazisme, il aligne les mots à une vitesse exceptionnelle qui lui donne un ton exhaltant. On se laisse alors envoûter par son flux ininterrompu. Beaucoup de musicalité dans sa voix.
On retrouve ce ton dans ces entretiens car presque toujours, une question de Béatrice Berlowitz entraîne de longues réponses de Vladimir Jankelevitch. Quand elle dit qu'il oblie vite ses notes pour improviser dans ses conférences avec cette voix qui s'enflamme, il répond alors que c'est quelque chose qui resemble à de la joie qui mène à cela (page 44).
On sait aussi qu'il aimait la musique et a écrit de nombreux livres sur sa passion. Et en exergue à ce livre, on a quelques notes de la 3e symphonie inachevée de Borodine (n'oublions pas que le philosophe est d'origine russe).
Et Jankelevitch de dire dès le début des entretiens : "Evitons surtout de faire un de ces livres hâtifs comme un pique-nique". Ce qui conduit les deux interlocuteurs à accepter le magnétophone mais à condition de pouvoir retravailler les textes pour mieux cerner la pensée du philosophe. Pas de transposition littérale donc.
Tout commence par ce chapitre I "Ce Je haïssable" et les premiers mots de jankelevitch sont : "Ce n'est pas à celui qui écrit de dire "mon oeuvre", de parler de son oeuvre propre comme nous autres, humbles lecteurs, témoins ou tiers, parlons de l'oeuvre de Proust ou de Simenon..."
On pourrait se croire dans un roman, le roman d'une vie "inachevée". Et c'est parti pour 260 pages et 29 chapitres pour tenter d'expliquer une pensée.
J'en ai lu 7 à ce jour. Je ferai donc comme Heide, je vous ferai part de quelques ressentis dans le courant du mois.
Ce livre se déguste et comme toujours en philosophie résumer une vie de philosophie en quelques mots ou phrases est impossible.
Jankelevitch se montre ainsi sévère avec son moi dès le début des entretiens.
Le début du livre répond au thème du mois dernier sur "le temps". Page 26 il dit "Le travail philosophique est un cercle où l'on tourne sans fin, courant derrière le temps qui fuit."
L'homme n'a aucune prise sur le temps face à l'infini du temps.
Autre idée passionnante : il faut toujours une deuxième fois pour apprécier et affirmer un sentiment, un événement, une idée. Tout ce qui n'est fait qu'une fois n'a pas de prise sur la conscience de l'être humain.
Enfin, la création est souvent improvisation au sein de règles préexistantes.
Voici quelques idées directrices qui ont marqué ma lecture de ces premiers chapitres.
Ce livre est à lire absolument et à méditer, reprendre, en ayant au fond de soi la voix et le débit musical de Jankelevitch, un très très grand monsieur.
Une video pour écouter quelques minutes cette voix unique :
http://www.youtube.com/watch?v=O8s3zsH57js
Bonne lecture et à lundi prochain pour quelques autres pensées glanées au fil des chapitres,
Denis