Notes de Hiroshima de OE Kenzaburô (Folio - 271 pages)
Traduit du japonais par Dominique Palmé (Hiroshima Nôto - 1965)
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L'auteur, Prix Nobel de Littérature en 1994, né en 1935 dans l'île de Shikoku, avait 10 ans au moment de l'explosion des deux bombes atomiques sur le Japon.
Est-il besoin de rappeler que le 6 août 1945, une bombe a été lâchée par un avion américain sur Hiroshima et le 9, sur Nagasaki, faisant des dégâts énormes et des morts sans nombre, sans oublier tous les irradiés.
Les survivants ont eu un traitement particulier par les autorités japonaises, notamment les accès aux soins et ont été appelés "hibakusha".
Fin d'une guerre dans des conditions horribles, puisque les japonais vont capituler le 2 septembre 1945.
DIx-huit ans plus tard, OE Kenzaburô, déjà reconnu comme écrivain, se rend en août 1963 faire un reportage sur la 9e conférence mondiale contre les armes nucléaires.
Très vite, il comprend que l'intérêt de son voayge n'est pas de suivre les débats politiques, confus, avec déchirement entre intervenants. L'intérêt c'est de rencontrer des "hibakusha". Ainsi, il passe de longs moments avec Shigeto, médecin et directeur de l'hôpital de la bombe A, spécialisé dans le traitement des atomisés.
Ces "hibakusha" sont "l'esprit de Hiroshima". Ce sont des gens qui se battent pour vivre, survivre avec parfois l'envie du suicide pour échaper à leurs souffrances.
Des femmes refusent d'être enceintes et si elles le sont, elles ont l'angoisse de faire naître un monstre.
OE sent la nécessité de les rencontrer, de leur parler. Et il va régulièrement revenir à Hiroshima, d'où ces notes qui s'échelonnent sur plusieurs années. Il revoit des "hibakusha" régulièrement, apprend que certains sont mort et Shigeto continue de lutter contre la mort et entend établir une base de données des retombées de l'arme nucléaire.
L'auteur s'interroge ainsi sur ce monde absurde qui a été capable de lancer de telles bombes d'anéantissement. Et pendant ce temps, les hommes politiques se querellent autour de ce qu'il faut penser d'Hiroshima, car les essais nucléaires continuent (à l'époque de la guerre froide, notamment) et rien du passé ne semble les empêcher de penser à un futur "criminel".
Les marcheurs de la paix viennent chaque année à Hiroshima, mais là aussi, on les écoute, sans plus...
Quant aux entretiens avec les hibakusha, ils sont poignants mais les réponses sont toujours humbles, car ce sont des gens du silence à présent. Ils ne parlent plus de ces jours terribles d'août 1945...
Page 72 : (au sujet des rassemblements de foule dans le Parc de la Paix, en parlant des hibakushi) " On les croirait aveugles à la foule entassée dans le parc, sourdes à ses applaudissements et ses acclamations. Mais à mes yeux, ces familles de Hiroshima, rudement touchées par la mort, remplissent par leur présence en ce lieu une fonction analogue à celle du choeur de la tragédie grecque, en faisant ressortir de la façon la plus vive la gloire et la misère du drame qui se joue au premier plan de la tribune."
1963, l'année où il vient à Hiroshima, c'est aussi l'année de la naissance de son fils handicapé, c'est dire qu'il avait aussi en tête cet événement tragique pour lui. Sa vie va vraiment changer ensuite, par son implication pour lutter pour la paix et par son implication de père qui va d'ailleurs faire de son fils un excellent musicien.
Belles leçons de courage, à l'image de celle des hibakusha que OE a soutenus dans ses textes en les présentant tels qu'ils étaient, courageux, silencieux et déterminés.
Un livre fort, sans concessions, y compris pour lui-même et ses interrrogations bien légitimes devant un tel drame.
Lecture faite dans le cadre du challenge d'Adalana
Bonne lecture,
Denis