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BLOC D'UN COUPLE PASSIONNE DE LIVRES, ART , HISTOIRE, LITTERATURE ET COLLECTIONNEURS DE MARQUE-PAGES.

"Les diaboliques" de Jules-Amédée Barbey d'Aurevilly

 

Les diaboliques de Jules-Amédée Barbey d'Aurevilly

 

J'ai relu ce livre de Barbey d'Aurevilly dans le cadre d'une lecture commune initiée par Laure du bog "Ma danse du monde" dans une version ancienne de 1963 présentée par Jacques-Henry Bornecque, parue aux éditions Garnier.

Ce livre a été déclaré "scandaleux" dès 1850 lorque le directeur de la revue des deux mondes refuse de publier "le dessous de cartes d'une partie de whist", la première en date des "six diaboliques", qui d'ailleurs auraient dû être plus que six. Le sous-titre est en effet "les six premières". Il devait y en avoir 10 au total.

Barbey d'Aurevilly écrit : "Les histoires sont vraies. Rien d'inventé. Tout vu. Tout touché du coude ou du doigt".

 

Alors, pour entrer dans ce monde infernal des "diaboliques", il faut s'imaginer être au 19e siècle, où l'on parle beaucoup dans les salons. Il faut y être bon orateur pour intéresser ce monde de la bourgeoisie et de l'aristocratie, quelle soit parisienne ou provinciale. On aime les "potains", les "histoires croustillantes" où l'honneur est mis à mal. Et il faut aimer le bavardage, les circonvolutions de langage... Un peu dandy aussi, à la manière de l'auteur :

 

 

 

Une fois que l'on s'est installé dans un fauteuil, au coin du feu ou non, on peut se laisser entraîner dans le monde infernal que nous propose l'auteur.

On commence avec "Le rideau cramoisi" : "Il y a terriblement d'années, je m'en allais chasser le gibier d'eau dans les marais de l'Ouest, et comme il n'y avait pas alors de chemins de fer dans le pays où il me fallait voyager, je prenais la diligence de *** qui passait à la patte d'oie du château de Ruel  et qui, pour le moment, n'avait dans son coupé qu'une seule personne". 

Le ton est donné, on monte avec le vicomte de Brassard en diligence et on l'écoute parler de cette histoire de rideau cramoisi, fidèle en son souvenir, du temps où il était soldat en garnison ici. Derrière cette fenêtre, il y avait une belle très jeune femme de 18 ans, Albertine. Très pudique sauf quand elle prenait sous la table la main du vicomte à l'insu de ses parents qui hébergeaient cet homme. Et plus encore, quelques mois plus tard, elle vint lui offrir son corps dans sa chambre, avant qu'un drame (que je tairai) ne se produise... Le vicomte en est encore ému bien des anées plus tard...

 

La deuxième histoire s'intitule "le plus bel amour de Don Juan". Ne pensez pas replonger dans l'histoire tant écrite de ce personnage libertin du 17e siècle... Non, on reste au 19e siècle et c'est le comte Ravila de Raviles qui passe pour un Don Juan auprès des dames des salons. Il a invité 12 de ses anciennes maîtresses et l'une d'elle lui demande en fin de soirée de leur raconter son "plus bel amour". Et alors il parle d'une fillette de 13 ans, dont il était amoureux de la mère. Et l'enfant s'est prise d'amour pour le comte... Quelle histoire non!!! quand à la chute elle est savoureuse car inattendue et loin de la pédophilie, rassurez-vous...

 

Quel titre diabolique pour la troisième histoire "Le bonheur dans le crime" !!! Et oui, comment trouver du bonheur dans une situation de meurtre. Seul Barbey semble pouvoir nous captiver avec de telles morbides aventures. Et alors, comment aimer en secret un homme? C'est dire que Hauteclaire Stassin et le comte de Savigny ont usé d'une astuce folle pour vivre leur amour sous le même toit sans que personne ne soupçonne leur idylle. Pour ce faire, il fallait que la belle Hauteclaire se fasse passer pour une servante auprès de la mère du comte. Et oui, mais un médecin peut être malain et être le seul à comprendre la supercherie car il connaissait la noble demoiselle dans les salons qu'il fréquentait autrefois...

 

Ces trois premières femmes sont-elles assez diaboliques à votre goût, au vu de ces présentations???

 

Non, sans doute, car il y en a trois autres encore... La comtesse du Tremblay et sa fille Herminie dans "les dessous de cartes d'une partie de whist", ou encore Rosalba dite la "pudica" (on croit rêver d'un tel nom pour une diabolique) dans "A un dîner d'athées" sans compter la duchesse de Sierra-Léone devenue par vengeance prostituée dans le Paris sordide d'avant Hausmann dans "la vengeance d'une femme".

La prose de Barbey d'Aurevilly est très imagée, riche aussi, avec de nombreuses références littéraires.

 

Exemple dans "Le bonheur dans le crime" (Page 161 de l'édition Garnier) : "Le comte et la comtesse de Savigny refont tous les jours, sans y penser, le magnifique chapitre de "L'amour dans le mariage" de Mme de Staël, ou les vers plus magnifiques encore du "Paradis perdu" dans Milton". 

 

Voltaire, Montaigne, Tacite, Goethe et d'autres encore sont invités à la table de l'auteur au travers des citations ou références dont il égrène son texte.

Alors, on aime ou non cette littérature, pour ma part, je m'y suis replongé avec plaisir, peut-être aussi par solidarité normande, avec Barbey que je cotoie depuis bientôt 40 ans. J'ai acheté régulièrement des études sur le personnage et l'oeuvre. Et pourtant ile st aux antipodes de ce que je suis : ni dandy, ni artiste, ni aristocrate comme lui. Mais je suis sous le charme du conteur...

 

Merci à Laure de m'avoir permis de revenir à cette oeuvre que j'avais lue en 1978... c'est dire mon compagnonnage avec ce "satanique" écrivain.

Bonne lecture,

Denis

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S
I never read Barbey d'Aurevilly, but the cover of the book itself is very impressive which make a curiosity in the reader about the content of the book. The article is very interesting. I feel I should definitely read this.
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E
<br /> Bonsoir Denis. Un livre que je n'ai pas lu. Merci pour ton article. Bonne soirée<br />
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D
<br /> <br /> à lire à mon avis<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Je l'ai lu et étudié au lycée, puis relu souvent par la suite quand j'ai vu le film ! Comme je le disais à Laure, pour moi c'est un petit chef-d'oeuvre, à une époque où tout se passait dans<br /> les salons : heureusement qu'il y avait des écrivains-dandys pour nous rapporter la face sombre de ce qui s'y déroulait... Mais là je n'ai pas envie de le relire, je reste sur mon bon souvenir...<br /> Très beau billet que tu nous a fait là !!!<br />
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D
<br /> <br /> meric pour le compliment du billet, je voulais le rendre "atractif" et un peu dans le ton de l'époque. Barbey est un merveilleux conteur, dandy et très incisif. J'ai adoré son roman "un prêtre<br /> marié". Là aussi, comme pour Duras; Kerangal et d'autres, c'est le style qui fait tout.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Barbey a un écriture ample aussi.<br /> <br /> <br /> <br />
H
<br /> Eh bien, quel article ! Je n'ai jamais lu Barbey d'Aurevilly, mais je sens qu'il va falloir que j'y remédie.<br />
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D
<br /> <br /> merci pour le compliment. Barbey c'est pour moi un "ami", raconteur d'histoires que je fréquente depuis de longues années.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Ah bel article ! Je ne m'étais pas vraiment renseignée sur la censure, etc., j'en ai appris plus grâce à toi. L'auteur réunit vraiment tout ce que j'aime, je reviendrai certainement vers lui.<br />
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D
<br /> <br /> merci pour "le bel article", le tien ausi est passionnant.<br /> <br /> <br /> Tu devrais lire "un prêtre marié". J'ai adoré ce livre et le style là aussi fait beaucoup pour la narration d'un "diabolique", tu imagines un prêtre marié !!!<br /> <br /> <br /> <br />