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(Photo site carnetsnord.fr)
Le poil de la bête d'Heinrich Steinfest
(Carnets Nord - 656 pages - Octobre 2013)
Traduit de l'allemand (Autriche) par Corinna Gepner
Titre original : Ein dickes Fell (2006)
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Nouveau partenariat de lecture avec Carnets Nord et merci à Fleur pour sa fidélité.
J'avais lu il y a un peu plus de deux ans "Requins d'eau douce", également publié chez Carnets Nord et qui m'avait fait forte impression. Je lisais peu de "romans noirs" à l'époque et j'avais senti la force littéraire de ce roman.
Dans ce nouveau roman, paru en 2006 dans sa version originale, on retrouve ce ton qui fait la singularité de l'auteur.
On parle souvent de "page turner" pour les romans noirs ou policiers. Avec ce livre, on a aussi envie de tourner les pages pour en savoir plus sur l'intrigue entremêlée entre Anne Gemini, mère célibataire d'un jeune homme handicapé Carl et Cheng mi-asiatique mi-viennois, détective privé, avec au milieu Smolek, fonctionnaire pas si calme que cela.
Anne "accapare" les 140 pages. Elle est sans emploi et se met à rêver qu'elle pourrait devenir tueuse à gage, pour l'argent et peut-être aussi pour le plaisir. Le hasard la fait rencontrer Smolek le jour de l'éclipse totale de soleil. Et justement, il cherche un tueur à gage après avoir eu quelques déconvenues. Et l'affaire se conclut très vite, permettant à Anne de satisfaire son envie d'acheter une maison. Survient l'affaire du meurtre d'un ambassadeur norvégien en représentation à Vienne à l'occasion d'une exposition sur Dürer confiée à Anna.
Alors, surgit un autre personnage, qui devient principal, mettant dans l'ombre Anne, comme on ferait au théâtre avec un jeu de lumière, où soudain Anne tombe dans la pénombre et Markus Cheng est éclairé. C'est lui, l'ancien viennois, parti après avoir perdu un bras lors d'une enquête à Vienne et arrivé à Copenhague où il exerce son activité de détective privé. Et justement, on lui demande d'aller à Vienne enquêter sur le meurtre de l'ambassadeur pour être certain qu'il ne s'agit pas d'un attentat politique.
Arrivé à Vienne, il rencontre Smolek, celui-là même qui a mis Anne sur la route de l'ambassadeur. Double jeu, voire double je... L'intrigue se "corse" alors. Ainsi Cheng et Anna vont très vite se connaitre.
Retrouvailles avec Vienne pour Cheng. Il se rend à son ancien appartement et y rencontre la nouvelle locataire avec qui il va entretenir de très bonnes relations par la suite. Et l'enquête le conduit à retrouver ses amis d'autrefois dont le commissaire Straka.
Nouveau personnage à "abattre", Janoka, un compositeur renommé mais plutôt "loufoque". Quand on sait qu'il est venu à Vienne après qu'il ait su qu'Alban Berg, arrivé 3 heures avant le départ de son train a fini par le râter. Il espère rencontrer le célèbre compositeur Berg, sauf qu'il est mort depuis longtemps (1935).
Et là, cet exemple montre la force et l'intelligence du texte d'Heinrich Steinfest. Il est truffé de références culturelles, à commencer par le philosophe Ludwig Wittgenstein (1889-1951), cité en début de chaque partie du roman et qui sera associé à l'écrivain prix Nobel Knut Hamsun (1859-1952) dans une intrigue autour de manuscrits mis en vente à Vienne.
Ce livre est foisonnant. N'oublions pas Mme veuve l'Ambassadrice, Magda Gude, que l'auteur met aussi en avant dans un récit de sa vie qu'elle nous livre, c'est alors un nouvel éclairage narratif.
Vraiment ce livre est singulier, génial par sa construction, par ses digressions qui restent en lien avec cette histoire de meurtres tout de même. On sourit souvent de voir ces personnages se débattre dans des faux semblants.
650 pages denses et je peux vous garantir que je ne me suis pas ennuyé une seule minute. Cela reste un roman "noir" mais tellement innovant, original, intelligent...
Voici le début du roman : "Commençons par une mise au point : Anna Gemini ne se servait nullement de son enfant pour camoufler ses activités. Ce camouflage ressemblait plutôt à un effet secondaire. Etre chaque jour, et presque chaque heure, auprès de cet enfant représentait au contraire un énorme problème et un risque considérable. Dans ces conditions, le camouflage faisait office de compensation aux difficultés que rencontrait Anne : il était compliqué, en effet, d'être à la fois une mère et une tueuse, de s'occuper d'un enfant lourdement handicapé tout en assassinant de parfaits inconnus sur l'ordre d'autres inconnus tout aussi parfaits."
Franchement, si vous aimez comme moi, la littérature qui a du "corps", pimentée ici à l'huile policière, ce livre ne pourra que vous enchanter.
Bonne lecture,
Denis
Ce livre publié le 10 octobre 2013 rentre dans le challenge "rentrée littéraire" de Sophie Hérisson
4/6