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Après "Les impudents" de Marguerite Duras lu en décembre 2012, je poursuis la lecture de l'oeuvre de Marguerite Duras, avec son deuxième roman publié en 1944 : "La vie tranquille".
Je le lis dans la prestigieuse collection "La pléiade"
Le livre est également disponible en Folio Gallimard
Ce livre n'a pas eu plus de succès lors de sa sortie que le premier et Raymond Queneau qui soutient pourtant Marguerite Duras auprès de Gallimard ne trouve pas le roman très bon. Il parle de récit inorganisé, non maîtrisé et trop influencé par la littérature américaine, notamment celle de Faulkner.
"La vie tranquille" se passe dans la même région que "Les Impudents". Seul le nom a changé : ce sont ici les Bugues, en Dordogne. On y retrouve aussi le trio : mère, fils et fille avec la relation difficile avec le frère. Il s'appelle Nicolas dans le roman. Marguerite Duras apprit la mort de son frère pendant qu'elle rédigeait ce roman et sa douleur est reprise dans le roman. On sent qu'elle aimait son petit frère d'un amour charnel et le reproduit dans le livre. Dyonis Marcolo, l'homme qu'elle aime à ce moment-là transparait dans le personnage de Tiène que l'héroïne Françou (diminutif de Francine) aime.
Alors, oui, livre décousu avec trois parties :
- La première où presque tout se joue dans ces relations difficiles entre les personnages. Françou raconte l'histoire de sa famille sur quelques mois, à partir d'un drame qui se joue dès les premières pages.
Début du roman : "Jérôme est reparti en deux vers les Bugues. J'ai rejoint Nicolas qui, tout de suite après la bataille, s'était affalé sur le talus du chemin de fer. Je me suis assise à côté de lui, mais je crois qu'il ne s'en est même pas aperçu..."
En effet, Françou assiste à une rixe entre son oncle Jérôme et son frère Nicolas. Jérôme a aimé la femme de Nicolas, Clémence, en secret et Françou l'a dénoncé auprès de son frère, d'où cette bataille qui va être fatale à l'oncle.
Clémence va alors partir, en laissant son bébé, Noël, à Françou.
Quant à Tiène, il a connu Nicolas à Périgueux et est venu s'installer ici, il y a quelques mois. Il travaille ainsi à la ferme. Françou l'aime et finit par lui faire comprendre mais Luce, une amie de Nicolas vient ici à présent. Elle semble avoir pris l'ascendant dans le coeur de Tiène. Nicolas ne le supporte pas et un nouveau drame va surgir...
- La deuxième partie se passe au bord de la mer à T..., où Françou est venue se reposer pour quinze jours. Elle se regarde le soir dans le miroir et entame une longue méditation sur son corps, sa vie, son amour pour Tiène etc... à partir de l'image qui lui est renvoyée. Ces pages ont fait le bonheur des psychanalystes.
"Je n'avais pas remarqué que lorsque la porte de l'armoire à glace était entrebaillée, le lit s'y reflétait tout entier. J'étais couchée lorsque je me suis aperçue couchée dans l'armoire à glace ; je me suis regardée. Le visage que je voyais souriait d'une façon à la fois engageante et timide..."
Elle s'ennuit ici et voit un homme qui lui parle un soir au bord de la mer, puis elle va le voir régulièrement sans qu'il lui adresse ensuite la moindre parole...
Ici, les mots sont proches de ceux de Camus dans "l'étranger", qu'elle semblait avoir apprécié : mer, soleil, mort, été. (Cf. présentation de l'oeuvre dans la Pléiade par Christiane Blot-Labarrère).
- La troisième partie, c'est le retour aux Bugues. Et elle commence par un long monologue mis en italique par l'auteur pour le différencier du reste du texte, ce qu'elle ne refera pas par la suite.
Ainsi débute le monologue : "9 heures du soir à la gare des Ziès sans avoir prévenu Tiène. Il pleut et la nuit est bien noire. En route pour les Bugues (je compte) : dix-sept et quinze, trente-deux jours depuis la mort de Nicolas. Quinze depuis mon départ pour T..."
Monologue où elle reprend tous les moments de sa vie et notamment ces semaines avec ces morts... Elle passe trois jours dans une cabane avant de réapparaitre chez elle. Tiène a pris des métayers et elle doit s'en accomoder...
Trois parties, en effet, qui sont autant de ruptures narratives.
Ce n'est pas encore Duras telle qu'on l'a connue, mais dans ce livre à la fin elle croit à la vie tranquille et se le répète comme un leitmotiv.
J'ai aimé ce livre tout de même. Quand on veut lire une oeuvre complète, chaque livre est une pierre à l'édifice, et on sait combien celle de Duras a été scabreuse, faite de ruptures comme ce livre...
Avec le prochain texte, ce sera le départ pour l'Indochine avec son roman "Barrage contre le Pacifique".
N'hésitez pas à nous rejoindre dans la communauté Marguerite Duras d'Heide et de son challenge.
Bonne lecture,
Denis