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Dernière adresse d'Hélène Le Chatelier
(Arléa - collection 1er/mille - septembre 2009 - 96 pages)
Voici un premier roman passionnant et parfaitement bien écrit. Il est écrit avec le "je" de la narratrice, une vieille dame irlandaise, mariée puis veuve de Georges, dont elle a eu un fils.
Elle est venue habiter en France il y a bien longtemps à présent. Mais elle est de moins en moins indépendante car elle fait régulièrement des chutes, a dû s'équiper d'une canne. Sa belle-fille a même eu l'idée d'un boitier qui permet d'appeler les urgences en cas de difficulté majeure.
Elle sent alors que sa liberté est en train de disparaitre et l'irréparable arrive. Il faut partir en maison de retraite. Mais attention, en tant qu'anglophone, elle préfère de loin le mot de "nursing home". Ce "home" permet de s'imaginer avoir encore un "chez soi". Illusion, hélas, car ici, on n'a plus trop droit à la parole, on se robotise, plus de maquillage, par exemple. Ce sont les autres qui décident de ce que l'on fera et quand...
Cette femme, très lucide, a décidé de tout faire pur continuer à gérer son "mental", même si on pourrait la prendre pour démente...
Les souvenirs restent très vivants aussi...
Une narration bien menée, claire et poétique également. On a une empathie très forte pour cette vieille dame, "politiquement incorrecte" malgré les apparences. Et l'auteur sait bien ressortir ces qualités de discernement de la narratrice, sans concessions.
La page 62 montre bien cela :
"Nous y voilà. La fête va avoir lieu tout à l'heure. Je vois d'ici les sourires artificiels collés sur les visages des familles et du personnel. Dans le fond, tout le monde aura une seule préoccupation : trouver le temps de finir ses ahcats, ne pas être là.
Et puis il y aura ces ridicules chapeaux cartonnés que l'équipe de jour portait déjà au déjeuner, histoire de préparer le terrain pour nos esprits devenus trop lents. Ils iront même jusqu'à nous inciter à en porter nous-mêmes, pour nous arracher un sourire qu'ils n'auront jamais, et tenter de faire croire à tout le monde que c'est la fête, qu'il faut s'amuser, coûte que coûte. Vaille que vaille. Ils pousseront même sans doute la farce en allant les coller sur les têtes des plus grabataires, pauvres clowns sans maquillag, légumes inoffensifs, incapables de rebeller. En apparence.
Tout cela est vain."
Un livre fort. Vous aurez compris que c'est un vrai coup de coeur.
Hélène Le Chatelier est née en 1974 à Bourges. Elle est designer et vit en Irlande. "Dernière adresse" est son premier roman. En espérant qu'il y en aura d'autres dans la veine de celui-ci.
Bonne lecture,
Denis