1 mai 2009
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Carlos Fuentes : L'instinct d'Inez - 2000 - traduction française 2003 - Gallimard - Collection "Du monde entier"
Traductrice de l'espagnol (Mexique) par Céline Zins - 195 pages
(livre également paru en collection Folio)

Et sans préjuger des avis des autres lecteurs du blogoclub dont les chroniques vont s'étendre tout au long de ce 1er mai, je pense que ce livre aura dérouté plus d'un(e) lecteur (trice).
Et n'oublions pas que nous sommes face à un auteur mexicain, très imprégné depuis de longues années "dans" la culture littéraire latino-américaine, que l'on a souvent qualifiée de "baroque".
Ceci pour dire que l'on est dans un roman d'exigeance littéraire avérée, que je qualifierais plutôt de conte philosophique que de roman.
Comme j'aime beaucoup les romans qui demandent une grande attention au lecteur, j'ai fortement aimé ce livre, qui débute par une phrase très philosophique (vous comprendrez mieux ici la référence au conte philosophique) :
"- Nous n'aurons rien à dire sur notre mort"
C'est au crépuscule de sa très longue vie que Gabriel Atlan - Ferrara, célèbre chef d'orchestre français pense à cette phrase, alors qu'il doit donner son dernier concert à Salzbourg, où il s'est installé.
Sa spécialité est "la damnation de Faust" d'Hector Berlioz.

Gabriel se souvient de l'avoir jouée à Londres en 1940. Il y avait alors remarqué une choriste mexicaine Inès. Il va alors passer un week-end au bord de la mer avec elle, mais il veut résister à l'amour et préfère partir subrepticement.
En 1949, il va jouer au Mexique et retrouve Inès devenue la diva Inez Prada. C'est elle qui incarne Marguerite toujours dans ce chef d'oeuvre musical qu'est "la damnation de Faust". Et cette fois, leur amour "occulté" va être "consommé".
Et puis, une dernière fois, ils vont se retrouver à Londres en 1967 à Covent Garden toujours pour cette même oeuvre...
On aura compris à quel point la musique est importante dans ce roman, ciselant ainsi un texte très "musical". La langue y est magnifique.
Mais Carlos Fuentes perd son lecteur dans les méandres de sa narration en y introduisant des symboles comme le cristal et surtout en y insérant une seconde histoire qui morcelle les étapes des rencontres avec Inez et Berlioz et qui perd le lecteur dans "la poésie" des origines du monde.
Ainsi apparaissent A-nel et Ne-il, personnages préhistoriques, dont l'amour sera tué par la violence des temps anciens (qui ressurgent à l'époque moderne bien sûr, notamment quand gabriel se fait agresser à Mexico).
Les liens entre les 2 parties imbriquées par chapitre interposés sont loin d'être évidents et il faut se laisser porter par la poésie du texte plutôt que par ses intentions philosophiques.
La "femme ancêtre" va surgir sur la scène de Covent Garden, mettre nue Inez et lui offrir son enfant ensanglanté. Là, on rejoint le Mephistophélès du Faust de Berlioz et de Goethe, car c'est le moment où se chantait le "sancta Maria, ora pro nobis"

Le chant de la femme rejoint les gémissements du début du langage de nos ancêtres. Toute la musique est là. Hymne à l'amour pour les femmes et pour la musique, nous révèle ici Carlos Fuentes.

Quelques mots sur l'auteur : Carlos Fuentes est né en 1928 à Mexico. Après des études au Chili, en Argentine et aux U.S.A., il a été ambassadeur à Paris de 1975 à 1977, qu'il connaissait bien pour y avoir vécu auparavant.
Il a écrit de nombreux textes qu'il a regroupé dans un titre général : "l'âge du temps".
Ainsi ce livre qui s'inscrit parfaitement dans ce contexte apparait dans le
I - LE MAL DU TEMPS - TOME III - L'instinct d'Inez
Il clôturerait un cycle débuté par Aura - Compleanos - Une certaine parenté (3 livres pour constituer le tome I) - Constancia.
Si vous n'avez pas été découragés par cette présentation, n'hésitez pas à lire cet auteur, car il le mérite tant son oeuvre est âpre mais belle par sa langue.
Et comme il ne faut jamais oublier qu'il est mexicain, je citerai cette phrase page 105 du roman, qui résume bien ce pays à mon sens :
"Le Mexique : les mains vides de pain, mais la tête pleine de rêves"
Rien que pour cette phrase, Carlos Fuentes doit être lu, pour apporter du rêve dans notre vie de terrien.
Bonne lecture, et allez à la découverte des autres chronques de ce roman.
Sylire répertorie tous les textes présentés à ce titre sur son blog.
Et faîtes comme moi, en parallèle à la lecture de ce roman, écoutez "la damnation de Faust" de Berlioz...
Denis