Les passeurs de livres de Daraya :
une bibliothèque secrète en Syrie
de Delphine Minoui
(Le Seuil - 158 pages - octobre 2017)
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D'Istambul où réside Delphine Minoui, le 15 octobre 2015, elle découvre sur internet une photo qui parle d'une bibliothèque secrète à Daraya cette ville de la banlieue de Damas complètement ceinturée par les forces de Bashar El Assad.
Elle comprend qu'elle ne pourra jamais y aller malgré sa carte de journaliste. Elle réussit toutefois à prendre contact avec Ahmad le directeur de cette bibliothèque.
Par Skype puis par Whatsapp ils commencent à discuter. Il a 23 ans et a toujours vécu dans cette ville où il a combattu depuis 2011 pour une révolution libératrice. Et depuis quelque temps avec des amis il collecte des livres trouvés dans les ruines de la ville pour les installer dans un lieu bien protégé et anonyme. Des lecteurs viennent y lire et emmener des livres chez eux pour que leur famille puisse lire également.
Abou est le directeur adjoint de la bibliothèque. Il a été blessé à la tête et a pu réintégré l’équipe. Il a également 23 ans et n'aimait pas trop les livres, tout comme Ahmad et tant d'autres devenus lecteurs ici. Ils cherchent dans les livres des réponses à leur situation. Ils rêvent de démocratie, un mot tabou depuis que les Assad, père puis fils, sont au pouvoir en Syrie.
Une résistance non-violente a débuté dans les années 1990 mais une répression violente a suivi le printemps arabe à partir de 2012 par les armes et par des attaques chimiques. La majeure partie de la population de Daraya a quitté la ville au fur et à mesure que la répression devenait insupportable. iI a alors fallu se défendre avec des armes sans jamais devenir djihadistes et fanatiques. Les combattants gardent leur éthique de croire en la démocratie et les livres restent leur arme intellectuelle.
Le 7 décembre 2015, un obus a détruit une partie de l'immeuble où est enterrée la bibliothèque. Il y a eu des dégâts matériels mais pas de victimes. Il faut reconstruire les étagères et dépoussiérer les livres souvent abîmés.
Shadi s'est improvisé photographe et vidéaste et c'est lui qui communique à présent avec l'auteure. Il ne lit pas mais lui envoie des vidéos de Daraya pendant ou après les bombardements, tandis que la ville est à présent, en ce début 2016, complètement isolée du reste du monde.
L'espoir ne dure pas longtemps car les bombardements reprennent et la faim commence à tuer les habitants. Et quand arrive enfin un convoi de l'ONU, il n'y a que du lait de bébé comme nourriture. Daraya est abandonnée du monde. On est début juin 2016. Les livres n'ont plus la même saveur dans un tel contexte tragique. Ahmad lit des témoignages du long siège de Sarayevo pour se sentir moins seul.
Ce livre est un témoignage incomparable et un message d'espoir pour dire que les livres font partie intégrante des besoins vitaux pour surmonter les violences et tenter de les comprendre et de les combattre par la réflexion avant l'action ici devenue indispensable à Daraya !
On vit presque au jour le jour l'épouvantable siège de Daraya.
Un livre à lire absolument !
Bonne lecture,
Denis