19 janvier 2017
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Comme l'ombre qui s'en va d'Antonio Muñoz Molina
(Le Seuil - 440 pages - Août 2016)
Traduit de l'espagnol par Philippe Bataillon
Titre original : Como la sombra que se va (2014)
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"Mes jours sont comme l'ombre qui s'en va et moi comme l'herbe qui a séché." (Psaume CII)
Puis le roman débute ainsi : "La peur m'a réveillé immergé dans la conscience d'un autre; la peur et l'intoxication par les lectures et les recherches. C'était comme ouvrir les yeux dans une pièce autre que celle où je m'étais endormi. Dans mon éveil persistait la panique d'un rêve."
Un livre très ambitieux, plus qu'un roman assurément. L'auteur aura mis près de 30ans pour venir à bout de son projet.
Tout a commencé au tout début de l'année 1987.quand Antonio Muñoz Molina a décidé de partir en "repérage" à Lisbonne pour y achever son roman "Un hiver à Lisbonne". C'est alors qu'il trouve des traces du passage de James Earl Ray en 1968 peu après qu'il ait assassiné Martin Luther King à Memphis (USA). L'homme est arrivé à Lisbonne sous une fausse identité : Ramon George Sneyd et s'est installé à l'hôtel "Portugal".
L'écrivain va alors déambuler dans Lisbonne avec deux projets en tête : trouver l'inspiration des lieux pour acheter un roman qu'il n'arrive pas à terminer puis aller sur les traces d'un assassin pour en faire peut-être un jour un roman.
Antonio Muñoz Molina a quitté sa famille pour quelques jours alors que sa femme vient d'accoucher d'un enfant. Il culpabilise tout en sachant qu'il a besoin de sortir de son milieu familial et de son travail de fonctionnaire.
Il refait alors sur site et mentalement le long parcours de James Earl Ray qui l'a mené de la délinquance et de la prison au meurtre d'un homme qu'il ne connaissait même pas. Un certain Raoul pourrait être derrière tout cela. De manière décousue et au fil des années jusqu'à la rédaction de ce roman dans les année 2010, l'auteur taille son sillon pour essayer de comprendre pourquoi cet homme a tué à Memphis le 4 avril 1968.
Pas de linéarité dans ce roman. On suit les errances de l'auteur dans ses pensées et ses voyages. Il relit les journaux, les témoignages, rencontrent quelques personnes qui ont rencontré ou croisé James Earl Ray au Canada, à Londres, à Barcelone, à Memphis lors de sa longue cavale de deux mois avant d'être arrêté à Londres.
On lit le roman comme si l'on était aux côtés d'Antonio Muñoz Molina sans trop savoir où conduiront les lectures, les rencontres. Un roman de "work in progress" qu'il faut lire lentement. De toute façon on ne peut pas aller vite car les pages sont denses, sans aucuns dialogues. Les pensées arrivent brusquement au détour d'une page ou d'une rue... Il n'y a pas de vérités dans ce livre car tout peut être remis en cause y compris les propres convictions de l'auteur.
Un livre très "psychologique" voire "philosophique". Un livre de grande qualité littéraire à lire sans précipitation.
Bonne lecture,
Denis