Les roses d'Atacama de Luis Sepúlveda
(Métailié - collection Suites Hispano-américaines - 164 pages)
Traduit de l'espagnol (Chili) par François Gaudry
Titre original : Historias marginales (2000)
Première édition française : 2001 (2012 pour la présente édition) -------------------------------
Lire Luis Sepúlveda est toujours un bonheur pour moi. Et ce livre ne fait que confirmer que quelque soit la forme et le contenu des livres de l'auteur chilien, c'est un "ravissement" littéraire.
Que ce soit "Journal d'un tueur sentimental" (1998), "Une sale histoire" (2005) que j'ai présenté sur ce blog, ou "Les roses d'Atacama", je retrouve le ton jubilatoire de Luis Sepúlveda. Il sait nous envoûter et nous emporter dans son univers littéraire avec vigueur, intelligence et empathie.
Ce livre, de mémoire, a eu un certain succès lors de sa parution en France. Son titre espagnol reflète parfaitement le propos : "Historias MARGINALES". L'auteur, au fil des années et des lieux, a rencontré des "marginaux", des êtres courageux, formidables mais qui n'ont jamais cherché la notoriété. La "morale" de ce recueil nous conduit inéluctablement à l'humilité.
34 courts textes (de 4 à 6 pages pour la majorité d'entre eux) pour des hommes, des femmes rencontrés entre les années 70 et 90, en Amérique Latine ou en Europe, au fil des voyages de l'auteur. Exil, combat contre les dictatures (Argentine, Chili, Salvador ...). Des écrivains, des militants... 34 balises pour marquer les temps forts de la propre vie de Luis Sepúlveda. C'est lors d'une visite du camp de concentration de Bergen Belsen, en Allemagne, que l'auteur a eu envie de raconter l'histoire de ces personnes qui ont su avoir du courage, comme ceux qui sont tombés ou ont survécu aux camps nazis. Sepúlveda lit alors sur une pierre de Bergen Belsen : "J'étais ici et personne ne racontera mon histoire".
Il s'attache ainsi à raconter la vie de ceux qu'il a cotoyé et qui resteront des "anonymes" : la russe Vlaska, l'allemand Friedrich Niemand, Lucas l'argentin ou le professeur Galvez... Ces "anonymes" se sont battus pour leurs idées sans jamais baissé les bras.
Deux écrivains sont présentés dans ces pages : le poète juif Avrom Sützeker et Francisco Coloane. Je ne connais pas le premier, mais j'aime beaucoup les récits du chilien Coloane. Papa Hemingway fait un cours passage dans le livre.
Et bien sûr, il y a "Les roses d'Atacama" qui donnent leur nom au titre français du recueil. L'auteur, en compagnie de Fredy, va voir ces roses :
Page 89 : "- Les voilà. Les roses du déser, les roses d'Atacama. Les plants sont toujours là, sous la terre salée. Les gens d'Atacama les ont vues, et les Incas, les conquistadors espagnols, les soldats de la guerre du Pacifique, les ouvriers du nitrate. Elles sont toujours là et fleurissent une fois par an. A midi, le soleil les aura calcinés, dit Fredy en prenant des notes dans son carnet".
Tout Sepúlveda est là. Grand observateur, toujours avec un oeil neuf, attentif aux autres, capable d'émerveillement comme ses "héros" qui trouvent constamment des ressources intérieures pour continuer le "combat".
Un coup de coeur inévitablement.
Bonne lecture,
Denis
Livre lu dans le cadre du challenge animé par Eimelle Laure
et qui a mis à l'honneur le Chili ce trimestre.