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BLOC D'UN COUPLE PASSIONNE DE LIVRES, ART , HISTOIRE, LITTERATURE ET COLLECTIONNEURS DE MARQUE-PAGES.

Lire la poésie : de A à Z... (8/50) - D comme Desnos

Lire la poésie : de A à Z... (8/50) - D comme Desnos
Un poète : Robert Desnos (1900 - 1945)
Un recueil : Fortunes (1942)
Un poème :
                  Les Quatre sans cou
Ils étaient quatre qui n’avaient plus de tête,
Quatre à qui l’on avait coupé le cou,
On les appelait les quatre sans cou.
 
Quand ils buvaient un verre,
Au café de la place ou du boulevard,
Les garçons n’oubliaient pas d’apporter des entonnoirs.
 
Quand ils mangeaient, c’était sanglant,
Et tous quatre chantant et sanglotant,
Quand ils aimaient, c’était du sang.
 
Quand ils couraient, c’était du vent,
Quand ils pleuraient, c’était vivant,
Quand ils dormaient, c’était sans regret.
 
Quand ils travaillaient, c’était méchant,
Quand ils rôdaient, c’était effrayant,
Quand ils jouaient, c’était différent,
 
Quand ils jouaient, c’était comme tout le monde,
Comme vous et moi, vous et nous et tous les autres,
Quand ils jouaient, c’était étonnant.
 
Mais quand ils parlaient, c’était d’amour.
Ils auraient pour un baiser
Donné ce qui leur restait de sang.
 
Leurs mains avaient des lignes sans nombre
Qui se perdaient parmi les ombres
Comme des rails dans la forêt.
 
Quand ils s’asseyaient, c’était plus majestueux que des rois
Et les idoles se cachaient derrière leurs croix
Quand devant elles ils passaient droits.
 
On leur avait rapporté leur tête
Plus de vingt fois, plus de cent fois,
Les ayant retrouvés à la chasse ou dans les fêtes,
 
Mais jamais ils ne voulurent reprendre
Ces têtes où brillaient leurs yeux,
Où les souvenirs dormaient dans leur cervelle.
 
Cela ne faisait peut-être pas l’affaire
Des chapeliers et des dentistes.
La gaieté des uns rend les autres tristes.
 
Les quatre sans cou vivent encore, c’est certain.
J’en connais au moins un
Et peut-être aussi les trois autres.
 
Le premier, c’est Anatole,
Le second, c’est Croquignole,
Le troisième, c’est Barbemolle,
Le quatrième, c’est encore Anatole.
 
Je les vois de moins en moins,
Car c’est déprimant, à la fin,
La fréquentation des gens trop malins.

 

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Robert Desnos a été poète, journaliste et surréaliste  jusqu'en 1930). Il fut aussi résistant et déporté au camp de Theresienstad en Tchécoslovaquie où il meurt de typhus peu après la libération du camp et l'armistice, le 8 juin 1945.
Fortunes est publié en 1942 et reprend des poèmes des années 1930 regroupés autour de 8 parties :
I - Siramour
II - The night of Loveless Nights (1930)
III - Les sans cou (1934)  (dont est issu le poème ci-dessus)
IV - Complainte de Fantômas
V - Les portes battantes (1936)
VI - Le satyre
VII - L'homme qui a perdu son ombre
VIII - Bacchus et Apollon
La plupart des poèmes sont très longs.
Dans la postface au recueil, Robert Desnos écrit : "Fortunes, qui rassemble les poèmes d'une période de dix ans (les plus récents sont vieux de cinq), me donne l'impression d'enterrer ma vie de poète".
Et il termine sa postface ainsi : "Que ferai-je à l'avenir? Si tous les projets ne se mesuraient à la  longueur de la vie, je voudrais reprendre des études mathématiques et physiques délaisées depuis un quart de siècle, rapprendre cette belle langue. J'aurais alors l'ambition de faire de la "Poétique" un chapitre des mathématiques. Projet démesuré certes, mais dont la réussite ne porterait préjudice ni à l'inspiration, ni à l'intuition, ni à la sensualité. La Poésie n'est-elle pas aussi science des nombres?"
Poèsie = science des nombres ? Oui, si on pense à la versification très organisée à la manière des alexandrins et des rimes!!!
Et puis sa vie s'est écourtée hélas bien vite après avoir écrit cette postface.
Bonne lecture,
Denis

 

 

 

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