Gueules cassées de la Grande Guerre par Sophie Delaporte
(Agnès Vienot Editions - 263 pages - mai 2004)
Première édition : 1996
Préface de Stéphane Audoin-Rouzeau
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Sophie Delaporte est historienne, spécialiste de la médecine, notamment pendant la Grande Guerre. Son livre est d'une grande richessepour en savoir plus sur ces "blessés de la face", appelés plus tard "les gueules cassées". Dans une première partie, l'auteure retrace le parcours du blessé à partir du moment où il reçoit au visage sa défiguration.
Ainsi, tout commence lors des combats entre tranchées. Le blessé est généralement évacué de nuit pour ne pas alerter l'ennemi. Seulement, c'est souvent trop tard, car certaines plaies dont celles de la face n'attendent pas pour être soignés, le blessé perdant souvent beaucoup de sang, la plaie infectée et mourant alors, avant d'être transporté en ambulance vers le poste de secours installé à l'arrière du front.
Après les premiers soins indispensables, les blessés de la face (maxillo-faciaux) sont généralement transportés vers un hôpital de l'avant spécialisé mais les interventions plus lourdes de reconstruction esthétique nécessitent d'envoyer les blessés vers des hôpitaux de l'arrière, loin du front.
Dans une seconde partie, l'auteure s'attache à montrer les difficultés de retrouver une "identité" car il faut s'habituer à son nouveau visage mutilé, déformé. Le miroir était interdit et c'est le corps médical qui montrait le visage au blessé. Il y eut peu de suicidés mais beaucoup de solidarité est née entre "gueules cassées" et une certaine gaité va même transparaître dans leur journal "La Greffe Générale". Les jeunes infirmières ont eu du mal à s'adapter à ces visages déformés, hideux pour certains, ce qui n'a pas empéché certains mariages avec ces femmes dévouées, humaines.
Le plus difficile est de se montrer à sa famille et malheureusement il y eut des rejets de mères ou d'épouses devant "l'horreur" du visage.
Une dernière partie traite de l'Union des Frères de Souffrance" et de l'organisation des blessés maxillo-faciaux pendant et plus encore après la Grande Guerre. Le Colonel Picot blessé de la face a été à l'origine du mot "gueule cassée" et a beaucoup contribué à "redorer" le blason de ses amis, devenant Président de leur Association. Une des grandes réalisations de cette Association a été la création d'un domaine à Moussy le Vieux en région parisienne où les adhérents ont pu venir se reposer, travailler. Une colonie de vacances a même été mise en place dans le domaine pour accueillir les familles.
La loterie nationale a créé une loterie des "gueules cassées" pour aider au financement. Le Maréchal Pétain a même été parrain de l'Association.
Les blessés de la face ont bien sûr accepté par la suite toutes les Gueules Cassées des autres conflits : 2e guerre mondiale, guerre d'Indochine ou d'Algérie...
Un livre très instructif sur ces blessés souvent laissés pour compte d'un conflit majeur du 20e siècle.
Il est probable que le livre est difficile à trouver mais si vous en avez l'occasion lisez ce livre, illustré de quelques photos. L'édition aurait pu être de meilleure qualité pour la mise en page et l'insertion des photos.
A saluer aussi Stéphane Audoin-Rouzeau, un spécialiste de la Grande Guerre qui a préfacé ce livre.
Bonne lecture,
Denis