50 auteurs et 50 poèmes pour une année de lecture de poésie.
1/50 : A comme ... Louis Aragon (1897-1982)
Un recueil : Les Adieux (1981)
Un poème du recueil :
Ce que dit l'ombre sans parole
Rien ne sera jamais que rien
Dit l'ombre
Et sa main se ferma sur rien
Même si le grand jour triomphe
Ai-je en réponse demandé
L'ombre a ri d'un rire sans rire
D'un rire de rien
Même si le grand jour trimphe
Même s'il fait jour un jour enfin
Rien ne sera jamais que rien
Répéta l'ombre au fond de l'ombre
Comme si rien ne l'entendait
Rien ni personne rien jamais
J'ai touché ma lèvre pour voir
Ce qui n'est pas possible aux yeux
J'ai touché les mots sur ma lèvre
Mais les mots ne tenaient à rien
Je n'avais plus l'ombre de lèvre
Je n'avais plus l'ombre de mots
C'était pourtant ce devait être
Quelque part l'ombre de quelqu'un
J'essayais de croire que l'ombre
Prouve le jour et q'un jour vient
Prouver la nuit contre le rien
Même si je n'ai ni jour ni ombre
Peut-être une autre
Mais non rien
Rien sinon la neige de rien
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4e de couverture du recueil :"Publié en 1981 par Jean Ristat selon les indications d'Aragon, ce recueil de poèmes a pour double thème la disparition - désarroi de la solitude dans "Paroles perdues" ; perte de l'être aimé dans "Les rendez-vous" , de l'existence même dans "L'an deux mille n'aura pas lieu" - et l'éloge de "l'eternelle poésie" - "Hölderlin", Pouchkine dans "Chant pour Slava" ou, plus allusivement, Hugo dans "Ce que dit l'ombre sans parole". Jusqu'à l'angoisse de la perte ultime, celle de la parole poétique, que trahit parmi d'autres cette écharde :
Il ne suffit pas de se taire
Il faut savoir dire autre chose.