Les Fiancés de Loches de Georges Feydeau
(L'Avant-Scène théâtre - avril 2009)
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Le vaudeville, théâtre du quiproquo par excellence, a très longtemps souffert de préjugés. Eugène Labiche (1815-1888) et Georges Feydeau (1862-1921), son cadet, en ont été les chantres au XIXe siècle.
Labiche avait écrit "sa" loi dramatique : "Une pièce est une bête à mille pattes qui doit toujours être en route. Si elle ralentit , le public baille ; si elle s'arrête, il siffle".
"Les fiancés de Loches" est une oeuvre de jeunesse, peu représentée depuis sa création en 1888. Cette pièce laisse entrevoir derrière la comédielégère à rebondissement l'étendue effrayante du vide qui entoure les certitudes de ces personnages finissant à l'asile psychiatrique. Elle a été écrite en collaboration avec M. Desvallières et s'inspire de la pièce de Labiche
L'acte III est sans doute une critique des méthodes de Charcot. D'ailleurs les frères Choquart sont l'anagramme de Charcot.
L'avant-Scène reprend la représentation de la pièceau théâtre des Amandiers en 2009, dans la mise en scène de Jean-Louis Martinelli. C'est la première fois que le metteur en scène travaille sur un texte de Feydeau. Ce qui l'a intéressé ici c'est le "théâtre de l'oralité" par contraste avec le "théâtre littéraire" très écrit qu'il a surtout fait jouer.
Oui, on a bien là du théâtre de l'oralité et du mouvement. Les personnages n'arrêtent pas de parler, d'interrompre une conversation, de courir de çi, de là, comme on le voit dans le théâtre dit de"boulevard", tel qu'on peut levoir de temps à autre à la télévision. Pas de phrases longues, jamais de tirades ou de monologues consistants. Des mots dits en aparté par exemple. Et puis, comme on est dans du théâtre de mouvement, beaucoup de didascalies.
Trois actes en trois lieux différents. Tout commence dans un bureau de placement où travaille Séraphin. Sa spécialisation : le placement de domestiques. Le voisin du dessus Plucheux vient le voir et lui annonce que l'agence pour laquelle il travaille a fermé brusquement. Il a donc mis une affiche pour que ses clients aillent voir Seraphin. Sa spécialité était celle d'une agence matrimoniale. Surviennent les Gevaudan, l'ainé appelé Gevaudan, le frère cadet Alfred et leur soeur Laure, tous droits venus de Loches pour "conquérir" Paris et surtout y trouver l'âme soeur. On comprend tout de suite le quiproquo qui débute et qui tiendra la pièce jusqu'au dénouement dans les dernières phrases. Un autre personnage arrive alors, le Docteur Saint-Galmier qui recherche des domestiques et ces trois provinciaux feraient bien son affaire. Lui est poursuivi par Michette qui vient de le reconnaitre, tandis qu'il s'était présenté à elle comme colonel. Il lui avait promis le mariage et elle y tient, alors qu'il est sur le point d'épouser Leonie. Deuxième intrigue "perturbatrice" qui va, là aussi, tenir toute la pièce.
On retrouve tous ces personnages à l'acte II dans le salon du docteur, dans leurs fonctions mal définies puisque les trois domestiques se croient destinerà épouser, pour Laure, le docteur, et pour les deux frères Rachel la soeur du Docteur et Leonie, la fiancée du Docteur. Et Michette, elle, se sent trahie, prête à casser le futur mariage de Saint-Galmier. Les scènes cocasses s'enchainent autour des mots mal interprétés remis par chacun dans son propre contexte. Et soudain, on apprend que les Choquart se sont enfuis d'un hôpital psychiatrique et Saint Galmier directeur du Louvre hydrothérapique croit avoir avec les Gevaudan qu'il trouve dérangés (et pour cause), ceux qu'il doit interner.
Acte III dans l'hôpital psychiatrique où tout va finir par se dénouer...
On est quelque peu dans un théâtre de l'absurde se disant qu'à la place de ces gens on aurait vite compris les erreurs de jugement. Mais là, chacun s'enfonce dans son rôle et pendant toute la pièce personne n'est en mesure de parler avec les autres. C'est aussi du théâtre de l'incompréhension. C'est là que l'on trouve quelque intérêt au vaudeville car sinon on rit un peu mais on se lasse vite, surtout à la lecture. Plus que jamais c'est du théâtre qui se regarde, il est quasiment illisible sans les effets de scène.
Denis
Lecture faite dans le cadre de "2014, je lis du théâtre" à suivre sur la page facebook d'Ankya.