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BLOC D'UN COUPLE PASSIONNE DE LIVRES, ART , HISTOIRE, LITTERATURE ET COLLECTIONNEURS DE MARQUE-PAGES.

Gaspard de René Benjamin (Archipoche)

Gaspard de René Benjamin (Archipoche)
Gaspard de René Benjamin (Archipoche - 280 pages - janvier 2014)

Préface de Pauline Bochant - Postface d'Etienne Benjamin

Première édition 1915 - Prix Goncourt 1915  

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La Grande Guerre a été l'occasion pour les écrivains partis au "feu' de raconter "leur guerre", souvent avec des titres explicites, comme "La boue" (Maurice Genevoix), "Le feu" d'Henri Barbusse, "La peur" de Gabriel Chevallier ou "La main coupée" de Blaise Cendrars... Des romans graves pour dire "l'indicible"...
Et puis, dès les premiers mois de la guerre, un auteur a publié "Gaspard", l'histoire de cette sorte de "titi" parisien, marchant d'escargot, qu'a été ce "fanfaron" engagé comme tant d'autres pour aller au feu, vivre dans la boue, avoir peur sans le montrer et se blessant avec une jambe coupée pour finir... Un mixte de tous ces hommes qui ont vécu ces horreurs...
L'auteur est né en 1885 et est parti dès les premiers jours d'août 1914 sur le front où il est très vite blessé. Les notes qu'il a prises vont lui servir  de trame pour son roman. Il a cotoyé ce "Gaspard", dont il fait le héros de son livre.
Il a déjà publié un roman, un essai et une comédie et est également journaliste. Il a eu le goût de la lecture grâce à son grand-père et son père et sa mère est pianiste, si bien que la culture fait partie de son quotidien. Ami de Lucien Descaves de l'académie Goncourt, il ne doute pas que le livre, inspiré de faits réels issus de ses carnets, aura le Prix Goncourt en novembre 1915. Il dépeint un "poilu gouailleur" avec ses mots d'argot, celui des tranchées et de Paris, montrant le réalisme profond du roman. Après ce succès conséquent, René Benjamin, à partir de 1916, il fait de nombreuses conférences autour de la littérature. Il va écrire encore quelques romans sur la Grande Guerre, des pamphlets et une biographie de Balzac.
C'est l'occasion du centenaire de cette guerre qui a valu de republier ce texte oublié, malgré son prix déjà auréolé de "gloire" (pour rappel le premier lauréat fut John-Antoine Nau en 1903).
C'est évident qu'au début on est surpris par ce Gaspard (qui aurait pu être joué au cinéma par Fernandel) jovial, toujours porté à rire et à la plaisanterie pas toujours finaude. Mais, tout de même ce parisien venu en province, à Alençon, pour participer au recrutement des futurs "poilus", amuse, divertit et ferait presque oublier la mobilisation générale. Et puis, on est en août 14, et tout le monde croit, comme Gaspard que la Guerre sera terminée dans quelques semaines, après avoir repoussé les "alboches" (sic) hors de France. On prend le train dans la bonne humeur et le voyage parait bien long. Et "enfin", c'est le front. Ou plutôt pour les réservistes qu'ils sont c'est être un peu en retrait du front. Un début de guerre sans "guerre". Ils finissent par aller sur le front, marcher dans la boue et voir ses amis mourir. Gaspard voit ainsi mourir Burette, son ami journaliste. Bientôt, il est blessé à la fesse, est transféré vers l'arrière et c'est le départ en train vers Saumur où il va vivre pendant deux mois dans un lieu "paradisiaque", sauf que les blessés gémissent, meurent pour certains et la joie pourrait disparaitre mais fidèle à lui-même, Gaspard reprend goût à la vie plus que jamais. Trois femmes vont marquer sa convalescence, infirmières improvisées : Mme Anne, Mme Aranud et Melle Viette. Retour à Alençon où il est déclaré inapte. Il s'ennuie et obtient une permission ce qui lui permet de retrouver son bébé et son amie, Marie. Illui dit qu'il veut se marier pour "légitimer" son fils.
Après ce nouveau moment de grâce, il veut retourner sur le front et une nouvelle fois il est blessé mais cette fois plus gravement...
Une vie de soldat comme tant d'autres pour ce soldat Gaspard, au demeurant très sympathique, car il a toujours le coeur sur la vie pour aider les autres, voire les accompagner dans leur fin de vie.
J'avoue avoir été surpris au début par ce personnage, "bouffon" mais il y a de très belles pages sur l'amitié, la solidarité. Il nous donne une belle leçon de vie dans un temps tellement tragique...
Quand il est blessé voici comment il voit la situation (p.126) : "Il bougonna. Il aurait fallu lui citer un nom de grande bataille historique, pour qu'il fût satisfait. Gercourt... ce n'était pas célèbre ! Avoir été blessé à Gercourt, ça ne serait même pas à dire - quoiqu'il l'eût échappé belle : il en avait tant vu tomber et rester sans mouvement ! Il n'y avait que les boches qu'il n'avait pas vus".
Et quand il arrive à l'hôpital (p. 147) : "Un soldat blessé, qui arrive à l'hôpital, pénètre dans un monde nouveau. Il vient de se battre et de souffrir parmi les hommes de son pays. Soudain, il repose entre les mains des femmes. Autre face de la vie. On le commandait ; on lui demande ce qu'il veut. On ne lui parle plus de la mort ; on lui promet qu'il va guérir".
Enfin, sur le front (p. 226) : "Un jour de brume d'hiver est en soi si mortel, que lorsque la nuit tombe, l'homme à peine s'en effraie. Gaspard mit sur sa tête sa couverture mouillée ; et Mousse, qui tremblait de froid, se serra contre lui. - La tranchée, toute la nuit, remue autant que le jour. Les hommes ronflent, mais ils grelottent et se cherchent l'un l'autre".

 

Et pour entendre la "voix" de Gaspard (p. 62) : "- Huit lieues ! oh, y a du bon... On est rserve, faut pas s'en faire... Les copains, eh, les copains, on va toujours se taper la cerise avec une bonne soupe mitonnée".

 

Lisez ce livre, rien que pour des phrases comme celles que j'ai tirées du roman et vous direz sans doute comme Claude Duneton : "Indispensable à la connaissance intime de la Première Guerre Mondiale".

 

Bonne lecture,

 

Denis

 

Livre lu notamment dans le cadre de mes lectures "Histoire-littérature autour de la Grande Guerre" (groupe créé sur Facebook pour partager nos lectures)

 

 

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