Little Bird de Craig Johnson
(Gallmeister - collection Totem - 422 pages - 2011)
Première édition en France 2009
Titre original : The cold Dish - 2005
Traduit de l'anglais (USA) par Sophie Aslanides
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C'est toujours étonnant qu'un titre étranger soit traduit en un autre titre dans ladite langue. On croit avoir un titre non traduit et puis on se rend compte que ce titre n'a rien à voir avec l'original. C'est un petit bemol sans conséquences pour un roman qui a permis de nous faire connaitre un personnage qui va être récurrent dans tous les livres suivants de l'auteur : Walt Longmire.
Vous allez me sentir grincheux mais je me pose la question insoluble !!! : pourquoi la littérature "policière" a besoin d'un héros qui revient de livre en livre (les exemples sont innombrables entre Hercule Poirot, Maigret, Wallander...) alors que Flaubert ne nous a pas "abreuvé" de livres où Charles Bovary reviendrait inlassablement, Stendhal avec Julien Sorel... Certes Albert Cohen a reconduit certains de ses personnages de livre en livre mais on est loin d'être dans des "séries" (comme les "saisons" pour les séries TV) ?
Alors, il faut tout de même que je dise que je me suis attaché à Walt Longmire, ce sherif élu (oui élu, je dis bien) dans un comté imaginaire du très réel Wyoming. Le roman débute comme il se termine avec des oies qu'observe avec beaucoup d'attention notre brave homme, solitaire, envieux d'une retraite bien méritée.
Seulement, son concepteur, Craig Johnson en a décidé autrement dès la première ligne du roman : "- Bob Barnes dit qu'ils ont trouvé un corps sur les terres du Bureau d'Aménagement du Territoire... Ligne une. // Elle avait peut-être frappé à la porte, mais je n'avais pas entendu parce que j'observais les oies. J'observe beaucoup les oies en automne, quand les jours raccourcissent et que la glace ciselle les contours rocheux de Clear Creek".
Et le livre se referme sur les oies : (page 422) "J'entendais encore les oies voler lorsqu'il ouvrit deux canettes de thé glacé et qu'il m'en tendit une".
Le roman se passe sur quelques jours avec donc un cadavre sur les bras dès le début du livre. Un ancien violeur qui plus est. Cody avait fait partie du quatuor qui avait violé il y a deux ans Melissa Little Bird, une jeune indienne ingénue. Le père ne s'en est jamais remis. Il est donc désigné comme un des meurtriers potentiels. Walt prend son temps pour étudier les paramètres qui devraient conduire au coupable. En premier, il y a l'arme du crime car il faut être bon tireur pour tuer de loin avec tant de précision. Tout va se compliquer mais renforcer les "soupçons" quand un deuxième violeur est abattu...
Comme toujours avec les romans policiers, il ne faut pas trop en dire pour que le lecteur n'ait pas d'indices avant de lire lui-même l'histoire. Et bien sûr, la fin est improbable.
On a donc bien tous les ingrédients, les "standards" (comme pour le jazz) du genre mais le traitement fait par l'auteur est très intéressant. Il sait nous dire qu'il faudra être patient, qu'il n'y aura pas du suspens à toutes les pages car Walt Longmire n'est pas un sherif comme les autres. Il a besoin des autres pour faire avancer son enquête et en premier son ami indien Henry Standing Bear car il connait très bien l'histoire de Melissa et de sa famille puisqu'il a des liens du sang avec eux et puis il est très fort en balistique. Tout est vu à travers Walt puisque le récit est un "je" qui permet d'aller au plus profond des pensées, des hésitations, des retours en arrière de la mémoire. Mais ne vous y trompez pas, Walt Longmire est un sherif avant tout et il sait être violent quand il en éprouve le besoin. S'il n'avait pas la notoriété qui est la sienne, il aurait sans doute eu des déconvenues à cause de ces soudaines violences. J'avoue que sa violence m'a incommodé mais bon, l'intention n'était pas de m'identifier au héros... La nature est omniprésente dans ce roman surtout que l'on est dans la saison du blizzard, du climat rude tel qu'il se vit dans le Wyoming qui ne simplifie pas la situation quand on cherche des traces pour retrouver un meutrier...
J'ai très envie de continuer à cotoyer ce drôle de bonhomme, veuf, père d'une fille fantôme, avocate et en quête d'amour même si sa vie ne favorise pas des rencontres durables, en témoigne l'échec de sa tentative avec Vonnie... Un style parfait pour un livre très réussi à qui sait accepter qu'un roman de ce "genre" soit avant tout de la littérature où l'on s'attarde sur la psychologie des personnages, sur leurs faits et gestes, au rythme du temps.
Bonne lecture,
Denis