28 mai 2014
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Madame Proust d'Evelyne Bloch-Dano
(Le Livre de Poche - 380 pages)
2004 et 2006 pour l'édition de poche
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J'ai acheté ce livre l'an dernier à Cabourg dans le cadre du salon du livre "proustien". D'ailleurs, le livre a obtenu le "prix du Cercle Littéraire proustien de Cabourg-Balbec". L'auteure avait écrit une "Madame Zola" et elle a récidivé avec "Madame Proust". Mais tout le même sait que Proust ne s'est pas marié et Madame Proust est donc Jeanne Proust, née Weil... la mère (ou plutôt la "maman" de Marcel), celle que l'on retrouve tout au long de l'oeuvre du fils et de sa vaste correspondance avec elle.
Jeanne est juive, née en 1849. Sa famille vient d'Alsace et d'Allemagne mais elle a fait de Paris un lieu de "conquête", car il y a eu des "entrepreneurs" dans la famille à l'image de Nathan Weil, le grand-père de Marcel.
Adrien Proust, lui, n'est as juif. Il a 15 ans de plus que Jeanne et elle est encore jeune femme quand ils se rencontrent en 1870. Lui est déjà un médecin reconnu pour ses travaux sur le choléra, sur l'hygiène. Marier une juive à un non-juif ne gêne pas les Weil car M. Proust est un homme mur, sérieux qui plait à la famille. Le mariage est arrangé entre les deux familles. Là encore, il y a des écarts significatifs entre les deux cultures : Les Weil sont "bourgeois", installés dans les beaux quartiers de Paris, avec résidence secondaire à Auteuil, tandis que les Proust sont des "campagnards", habitant à Illiers (Combray dans l'oeuvre de Marcel), suffisant loin de Paris pour l'époque pour ne pas y venir, même à l'occasion du mariage du fils.
Ainsi, Jeanne a de la culture. Elle aime lire, jouer du panier, les mondanités, aussi. Le milieu bourgeois impose d'avoir des domestiques, de sortir ou recevoir l'après-midi, aller au théâtre le soir et lire, lire... Pendant ce temps, Adrien travaille, voyage pour son métier... Jeanne accouche de deux fils : Marcel en 1871 et Robert en 1874. Le mariage a eu lieu juste avant Sedan et la déroute française qui a conduit à la Commune et à l'insécurité pour les bourgeois, si bien que Marcel est né dans un contexte ténébreux. On a cru qu'il ne vivrait pas, mais il survit et la vie reprend un cours normal. Jeanne s'attache à ce que ses deux fils s'entendent bien car elle veut une famille nie, épanouie.
L'auteure nous donne les "petits ragauds" qui ont tourné autour des Proust : un docteur très honorable qui savait sacrifier "à la bagatelle", Jeanne fermant les yeux sur ses incartades. Certaines mauvaises langues ont même pensé que les problèmes gynécologiques qui ont conduit Jeanne à aller "aux bains" pour sa santé dans le Bearn, par exemple, auraient pu être dus à la syphilis contractée auprès d'Adrien (lui, l'homme de l'hygiène !!!). Le petit Marcel pratiquait l'onanisme devenue "maladie" aux yeux de son père... C'est dire qu'Evelyne Bloch-Dano va réellement dans l'intimité familiale, ne cachant rien de ce qui peut "faire mal", car on imagine mal les Proust avec des "déviances".
Bref, l'auteure réaffirme que la "famille Proust est honorable" et qu'elle a compté dans la vie bourgeoise du Paris de la Seconde moitié du XIXe siècle, forgeant la culture de Marcel, tellement attaché à sa mère. L'intérêt du livre vient aussi de la perception que l'on peut avoir de l'oeuvre du fils au regard de la vie familiale, ce qui montre une nouvelle fois, que l'enfance et la vie quotidienne façonnent un écrivain et influent sur son écriture "romanesque".
J'ai trouvé beaucoup d'intérêt à lire ce livre au moment où j'arrive à la fin de mon "année Proust" qui m'a permis de lire l'intégralité de "A la recherche du temps perdu" en un an à raison de 10 pages par jour dans le format Pléiade. Il éclaire certains thèmes du roman très autobiographique, comme on le savait déjà.
Et je remercie Malika du blog "Les trois petits bouquins..." d'avoir eu l'idée d'une lecture commune. Son avis est plus mitigé.
Un livre à lire pour aller dans les marges de la vie de Marcel, au coeur de l'intime, car on sait combien ensuite la mort de sa mère l'a marqué. Travail rigoureux aussi, digne d'un historien des "moeurs" et elle donne ses sources tout au long du livre. Du sérieux pour une famille pas si sérieuse que cela... Méfiez-vous de "l'eau qui dort"...
Bonne lecture,
Denis
Published by DENIS
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LITTERATURE