La vie est un songe de Pedro Calderon de la Barca
(Classiques de Poche - Le livre de poche 200 pages)
Traduction de l'espagnol par Antoine de Latour,
revue par Didier Souiller
Introduction, commentaires de Didier Souiller
Titre original : La vida es sueño
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L'Espagne est très puissante au XVIIe siècle de par ses conquêtes en Amérique. Ce "siècle d'or" est très fructueux en matière artistique. Ce siècle s'est fondé aussi sur des valeurs : l'honneur, le service du roi et le divin, ce que l'on retrouve dans le théâtre de l'époque.
"La vie est un songe", écrite vers 1627-1629, développe une réflexion sur la liberté, le destin et le sens du monde, un monde piège illusoire. L'homme doit se déprendre du monde qui l'aliène et le conduit à sa perte. L'autre vie, celle d'après la mort, est la seule réelle, lorsque l'on franchit la porte de la mort.
Trois hommes dominent le théâtre de cette époque : Lope de Vega (1562-1635), Calderon (1600-1681) et Tirso de Molina (1579-1648). C'est l'âge du baroque européen où le rythme classique énoncé par Aristote est bafoué. Seule la France restera fidèle aux 3 unités dictées par l'Antiquité : temps, lieu et action. La littérature baroque s'interroge sur l'image d'un homme assailli par ses passions d'où la recherche obsédante de la connaissance de soi (cf. Descartes, Pascal ...).
La grande leçon du drame baroque est que le monde est un théâtre où tout le monde joue la comédie sous l'oeil de l'autre. Ainsi, l'erreur et l'illusion (ici le songe) sont les maîtres mots.
(Informations issues de la très riche présentation faite par Didier Souiller)
Trois journées composent cette pièce. Trois moments phares autour de Sigismond, héritier du trône de Pologne. Et oui, à l'époque, il valait mieux transposer les scènes de Cour loin du pays de l'auteur.
Et Sigismond est le mal aimé. Son père, Basilio, l'a écarté de tout espoir de pouvoir dès sa jeunesse au point qu'au début de la tragédie, il est enfermé dans une tour loin des regards, gardé par un vieillard Clotardo. C'est là que Rosaura et Clarin arrivent par hasard un soir, entendant la voix plaintive et monotone de l'infortuné prince.
Soudain, Basilio se décide à mettre à l'épreuve du pouvoir son fils. Il imagine alors un stratagème : l'endormir et le droguer pour le sortir de sa tour et l'amener au palais. C'est alors le thème de la 2e journée : comment Sigismond va se comporter ? Il se montre très gauche mais non ridicule. Et puis, surtout, il prend cette aventure dont il ne comprend rien pour un "songe", un rêve qu'il est en train de vite. D'ailleurs, quand il va retourner dans sa tour, il va être persuadé de vivre dans un rêve.
Fin de la deuxième journée : "Dans ce monde , en conclusion, chacun rêve ce qu'il est, sans que personne s'en rende compte. Moi, je rêve que je suis ici, chargé de ces fers, et j'ai rêvé que je me voyais dans une autre condition plus flatteuse. Qu'est-ce que la vie ? - Une fureur. Qu'est-ce que la vie ? - Une illusion, une ombre, une fiction, et le plus grand bien est peu de choses, car toute la vie est un songe, et les songes mêmes ne sont que songes".
Et puis, le peuple va comprendre que Sigismond est bafoué dans ses droits, car Adolfo, duc de Moldavie, devrait succéder à Basilio. Alors, le peuple se révolte et libère le prince de sa tour pour le porter vers la guerre et la prise du pouvoir. C'est alors que Rosaura prend partie pour Sigismond, espérant pouvoir l'espérer, mais le destin d'un prince est tracé et c'est Estrella qui lui est promise s'il parvient à conquérir le pouvoir.
Nous avons ici un drame baroque passionnant, axé sur la métaphysique et la réflexion sur la vie, sur le destin humain "romanesque", rêvé avec espoir d'un "ailleurs meilleur". Un certain fatalisme s'est installé chez Sigismond dont il doit se réveiller... Une magnifique pièce à lire, découvrir et méditer, en un siècle difficile, de mutation qui va lentement vers les "lumières" du XVIIIe siècle.
Bonne lecture,
Denis.