Feuilles d'herbe (Leaves of Grass) de Walt Whitman (Aubier - édition bilingue) Introduction, traduction et notes par Roger Asselineau - 1972 - 510 pages
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"Leaves of Grass" est le grand oeuvre de Walt Whitman (1819 - 1892) dont la première édition date de 1855. Elle compte alors 94 pages. Puis en 1856, une deuxième édition parait étoffée et comprend 384 pages. Souvent publiée à compte d'auteur son oeuvre continue à se développer jusqu'à une 9e édition qui sortira peu avant sa mort.
Whitman se met en scène lui-même dans sa poésie et montre souvent un visage joyeux, jouisseur de la vie alors qu'il pouvait être tout autant mélancolique.
L'auteur a choisi la pauvreté vers 1850 pour mieux parler des êtres et de la vie.
Le "moi" reste le thème central du recueil avec ce long poème "Chant de moi-même composé de 52 poèmes.
Page 71 - Titre I : "Je me célèbre et me chante moi-même, / Et ce que je prends à mon compte, tu le prendras à ton compte, / Car chaque atome qui m'appartient, t'appartient aussi bien à toi. // Je muse et j'invite mon âme, / Je me penche et muse à mon aise tout en observant un brin d'herbe".
N'oublions pas que le livre aurait dû logiquement s'appeler "Brins d'Herbe" plutôt que "Feuilles d'Herbe" (plus logique).
L'homme fait partie d'un tout et il est un des éléments de la nature, ce que montre aussi l'auteur dans ces poèmes, géré par Dieu (très présent également sans tomber dans le mysticisme pour autant).
Chantre de l'égalité entre hommes et femmes, il a défendu la démocratie avec une pointe d'anarchisme. Il parle aussi beaucoup de choses les plus simples, montrant que tout est important dans ce monde.
Et il s'invente un style plutôt baroque, mêlé d'envolées lyriques et de banalités très prosaïques, partagé entre le visible (écrit simplement) et l'invisible (écrit avec plus de préciosité). Il se montre par là précurseur des symbolistes européens. Il a fait de la poésie en "pionnier" avant la psychanalyse et le surréalisme pour explorer les univers possibles.
(Ces réflexions sur l'oeuvre sont inspirées de l'excellente introduction de Roger Asselineau).
Cette édition bilingue présente l'essentiel des poèmes contenus dans le recueil mais le traducteur l' épuré des poèmes trop longs ou pas assez clairs car trop touffus. Il faut se laisser porter par les mots, les visions de l'auteur, comme un voyage initiatique aux U.S.A. au 19e siècle. On est loin du "far West" dans ce livre mais proche du peuple, de la nature.
A lire pour les amoureux des U.S.A. aux sources de la culture état-unienne qui se développera tout au long des 150 ans suivants, jusqu'à nos jours.
Un petit avant-goût de la prise de route (road movie avant l'heure), au début du cycle "Chant de la grand-route" qui date de 1856 et se décompose en 15 poèmes : "A pied et le coeur léger, je pars sur la grand-route, / Bien portant, libre, le monde devant moi, / Le long chemin brun devant moi conduit partout où je voudrai. // Désormais je ne fais plus appel à la chance, c'est moi-même qui suit la chance, / Désormais je ne pleurmiche plus, je ne diffère plus, je n'ai besoin de rien, / J'en ai fini avec les malaises des gens casaniers, avec les bibliothèques, les critiques et les plaintes, / Vigoureux et content, j'arpente la grand-route".
On aurait envie de cheminer à ses côtés, sans voiture, sans téléphone ni Internet, avec "Leaves of Grass" en poche, cherchant par la même occasion les traces de Kerouac ou de Harrison...
Ce livre doit rester un compagnon de route... à lire, relire par bribes et à méditer aussi.
Bonne lecture,
Denis